19 octobre 2019, 20:00

SOEN

• L’amant sublime


La musique est une histoire d’amour, un regard croisé dans lequel on a envie de se noyer, une caresse du bout des doigts qui fait frissonner, un murmure qui vient susurrer à l’oreille les mots que l’on désire entendre. Et la rencontre peut avoir lieu de bien des manières, tel un coup de foudre qui nous prend par surprise. La voix de l’autre, cet inconnu que l’on reconnait instinctivement, qui fait chavirer le cœur et illumine la nuit.
On veut tout savoir de celui qui a su nous émouvoir, l’écouter, le toucher, le sentir, le gouter. Il devient notre oxygène, indispensable à notre survie. Parfois, cette rencontre arrive alors que l’on vit déjà une autre histoire d’amour. Car la musique est plurielle et ne souffre pas de jalousie. On peut aimer passionnément un genre et cependant tomber éperdument amoureux d’un autre. Pas de trahison. La musique est polygame. On s’autorise dès lors à cumuler les amants ou les maîtresses. Voici l’histoire d’un récent coup de cœur avec SOEN, groupe de rock/metal progressif fondé par Martin Lopez, ex batteur d’OPETH et AMON AMARTH, en compagnie, au début du groupe, du guitariste Kim Platbarzdis et du bassiste Steve DiGiorgio (SADUS, DEATH, TESTAMENT).
 


Passée bien des années à côté de ce genre jugé (à tort) un peu soporifique et un poil masturbatoire, je n’avais pourtant pas la sensation de rater quelque chose. Jusqu’à cette belle journée d’été, lorsque tous mes sens ont été happés par la voix extraordinairement ronde et chaude de Joël Ekelöf, le chanteur de SOEN, et leur musique envoutante aux multiples influences. Comment avoir pu ignorer une telle pépite ? Alors on rattrape le temps perdu, en remontant aux sources de la genèse du groupe. Malgré sa création initiale en 2004, le groupe ne prend réellement vie qu’après la rencontre de Martin Lopez avec Joël Ekelöf en 2010, et sort un premier album, « Cognitive », en 2012. Premier album très beau, parfaitement exécuté, mais qui ne fera pas l’unanimité, du fait de sa trop grande ressemblance avec la production de TOOL. Même si l’on y perçoit la direction que le groupe  prendra par la suite. Il va commencer à se démarquer de ses influences trop marquées et réellement poser les bases de son style avec le deuxième album, « Tellurian », sorti en 2014. Rythmiques ethniques ou jazzy, vives et pointues, ou toutes en douceur, caressante, basse claquante, guitares complexes, ciselées et aériennes, voix sensuelle couplée à des textes profonds et émouvants. Textes d’ailleurs souvent sombres ("The Words", "Pluton"), basés sur des expériences personnelles, mais cependant empreints d’une certaine sagesse laissant entrapercevoir la lumière au bout du chemin.
 

  





 


Joël Ekelöf disait en 2017 : « Si tu n’as jamais vécu de peine, tu ne pourras jamais désirer quelque chose, car alors tu ne sais pas ce qu’est la souffrance. Et si tu n’as pas de désir, tu ne ressens pas de vraie joie. C’est un peu ce que nous essayons d’accomplir. C’est quelque chose qui va plus loin, ce n’est pas simplement être là à faire croire qu’on est tout le temps heureux. »

L’émotion est le maitre-mot de l’œuvre de SOEN. L’émotion comme guide vers une plus grande connaissance de soi et des autres. Car derrière ses dehors très travaillés, la musique du groupe est de celle qui nous porte, qui nous emporte, qui nous fait frémir et vibrer, qui nous fait aimer. Les deux chefs d’orchestre, Martin Lopez et Joël Ekelöf, sont sur la même longueur d’onde, se complétant à merveille pour créer des chansons qui atteignent le cœur.

Avec l’arrivée de Marcus Jidell (AVATARIUM) qui remplace Kim Platbarzdis à la guitare, Stefan Stenberg à la basse et le multi-instrumentiste Lars Ahlund aux claviers, SOEN acquiert un son plus pointu et atmosphérique. En 2017, « Lykaia » sort et montre une facette plus agressive, grâce aux guitares acérées et aux rythmes bruts. Mais avec toujours cette musicalité portée par la voix d’un Joël Ekelöf touché par la grâce, un chanteur à la diction parfaite qui vit ses textes et ses émotions. Il n’y a qu’à écouter des titres tels que "Opal", "Sister" ou "Jinn" pour tomber immédiatement sous le charme du quintet.



Leur album suivant, « Lotus », paru début 2019, est un véritable chef-d’œuvre, malgré un autre changement de guitariste avec le remplacement de Marcus Jidell par le Canadien Cody Ford. Alors que les trois albums précédents étaient produits par le guitariste, pour la première fois, le groupe a fait appel à des producteurs extérieurs, David Castillo qui était leur ingénieur du son sur « Lykaia » et Iñaki Marconi. Castillo se chargera aussi du mixage, tandis que le mastering sera confié à Jens Bogren.

Plus épuré, moins alambiqué que les prédécesseurs, plus direct aussi, il s’écoute d’une traite et sans aucune lassitude tant SOEN a su délivrer la justesse de chaque note, avec toute la technique de ces musiciens aguerris. Mais une technique qui devient presque imperceptible, sans démonstration, au service de la mélodie et de l’histoire. Un voyage des sens qui atteint le sublime. La beauté de l’art dans son état le plus pur. "Martyrs" avec son break aérien porté par la voix cristalline de Joël Ekelöf, "Covenant" qui donne toute la mesure du talent exceptionnel des musiciens à travers sa construction,  "Lotus", à écouter tel un cheminement initiatique ou encore la perfection de "Lunacy", comme une thérapie auditive, sont autant de titres qui montrent l’implication personnelle du groupe.

Voici ce que le chanteur disait en début d’année à propos de cet album :

« En fin de compte, « Lotus », c'est se lever de n'importe quelle obscurité, ou de n'importe quel endroit sombre, où vous pourriez vous retrouver. Et son inspiration vient d'une profonde motivation à ne pas se contenter de la situation dans laquelle vous pourriez vous trouver. « Lotus » c'est changer la vie, la vôtre et celle de votre entourage, dont nous devons tous assumer la responsabilité, et les améliorer plutôt que de laisser les ténèbres vous apaiser et vous faire tomber. »



​Malgré la mélancolie qui se dégage de la plupart de leurs textes, on perçoit une note d’espoir, un rayon de soleil au cœur de l’orage, tel cet extrait de "Lunacy" : « When you’re lying on your bed and descending into doubt, I just hope your light will still keep me warm. » (« Quand tu es allongé sur ton lit en proie au doute, j’espère juste que ta lumière continuera encore à me réchauffer »).
Dans "Martyrs" : « We know our essence is the key. » (« Nous savons que notre essence est la clé. ») Ou encore dans "Lotus" : « Wanting it all is poverty. Rich is the one who is free. Be the one who wakes up all of those who roam. » (« Vouloir tout posséder est pauvreté. Riche est celui qui est libre. Sois celui qui éveille tous ceux qui errent. »)
Une fois débarrassés de tout le superflu, que nous reste-t-il dans cette vie sinon l’attention que l’on porte à ceux qui nous sont chers ? La musique de SOEN parle aux âmes torturées, à celles qui ont vécu, celles qui ont souffert aussi, celles qui cherchent à s’élever. Et surtout à celles qui savent aimer.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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