Tel l'univers de Lovecraft auquel ils consacrent leur art, la musique de THE GREAT OLD ONES est peuplée de sombres divinités et inspirée par la quête de son identité par l'homme. Le post black metal de qualité que proposent les bordelais est la bande son idéale pour la cosmogonie inventée par le maître de la fantasy.
Le cosmicisme est la philosophie littéraire selon laquelle l'homme est totalement insignifiant au regard de ce qui se passe dans le cosmos. C'est autour de ce constat que Benjamin Guerry et consort ont décidé de faire évoluer leur black metal à la fois brutal, mélodique et profond. Forcément, le résultat ne peut être qu'une d'une grande beauté emprunte de mélancolique, un voyage au cœur de la folie humaine. Les huit titres de « Cosmicism » sont autant d'hymnes à chacune des entités présentées par Lovecraft, à la fois vénérées et craintes par ceux qui les rencontrent. Dans chaque morceau, le fond est totalement lié à la forme, la musique étant le miroir de paroles aussi sensées qu'inspirées. Entre passages blastés et moments lourds, entre mélodies prenantes et dissonances exacerbées, entre vocaux hurlés et chœurs chantés, l'auditeur est rapidement pris dans la frénésie tourbillonnante d'un album divinement maléfique. THE GREAT OLD ONES ne propose pas simplement de l'art avec « Cosmicism » mais bien un chef d’œuvre du post black français. Rien qu'à la vue de la pochette de l'album si magnifiquement réalisée par l'ex guitariste du groupe Jeff Grimal, on ne peut que prévoir un album fouillé. Cet insignifiant voyageur, imprudent mais courageux, face à une divinité imposante et effrayante sur fond d'univers chaotique est la parfaite incarnation de notre ressenti à la découverte du monde lovecraftien du groupe. Et dès l'introduction "Cosmic Depths", on plonge corps et âme dans la spirale infernale de l'infini du questionnement. Le frénétique "The Omniscient" et son intro minimaliste nous pousse aux côtés de l'entité Yog-Sothoth au gré de guitares hurlantes, puissantes et intimistes. "Of Dementia" est comme une invocation à Cthulhu grâce à un rythme effréné et à des guitares dissonantes suivis de vocaux parlés sombres et envoûtants. "Lost Carcosa" propose un black metal plus lourd, à la structure complexe mais efficace autour d'une première évocation de Nyarlathotep qui reviendra plus tard dans l'album. L'intro mélodique et mystique de "A Thousand Young" débouche ensuite sur un morceau rythmé voire épique avec des riffs accrocheurs et un break lent et terrassant. A l'opposé ou presque du bien nommé "Dreams Of Nuclear Chaos" blasté et brut, précis et sans concession. La pépite de l'album réside en le Chaos Rampant de "Nyarlathotep". Comme l'entité qu'il décrit, ce titre est d'une extrême langueur, lourd, imposant, à la structure linéaire terriblement puissante. A noter une outro sonore chaotique effrayante ouvre sur un horizon sombre et dépeuplé. Saisissant. Enfin, "To A Dreamer" fait la part belle au côté avant-gardiste de THE GREAT OLD ONES et nous emmène au-delà de nos rêves vers nos cauchemars les plus inavoués sur une musique froide et martelée. Innsmouth n'est pas loin.
THE GREAT OLD ONES parvient à nouveau à nous faire voyager dans un univers lovecraftien fascinant au son d'un black metal avant-gardiste efficace, novateur et tellement addictif. On ne se lasse pas de (re)découvrir cette philosophie littéraire tellement bien mise en valeur par une musique où rien n'est laissé au hasard. Un album à se procurer sans attendre.