
Traditionnel moment des tops en tout genre, ce mois de décembre est également l'occasion rêvée pour jeter un coup d'oeil dans le rétro et pousser le curseur un peu plus loin jusqu'en 2010, la fin de cette décennie pointant le bout de son nez dans une poignée de semaines. Et lorsque l'on reprend la liste de tout ce qui est sorti depuis dix ans en matière de metal, force est de constater qu'il y a du pain sur la planche pour faire le tri ! Mais l'exercice imposé se révèle rapidement un vrai moment de plaisir, éparpillant à travers les mois et années qui passent son lot de souvenirs et de bonnes surprises. Alors à l'heure de faire les comptes, voici dix albums qui m'ont accompagné sans jamais baisser la garde pendant cette période, traversant les couloirs du temps avec classe. Bien entendu, et comme pour chaque "Top" de fin d'année, cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive mais propose de revenir sur quelques œuvres plus ou moins établies qui partagent toutes le même point commun : la qualité.
Et vous en ces dix années de metal, quels sont les albums qui vous ont marqué ? Vous avez 2 heures !
DEFTONES : « Diamond Eyes » (Reprise - 2010)
Alors que « Saturday Night Wrist » avait divisé les fans à sa sortie en 2006, pourtant gorgé d'un groove mélancolique à souhait mais d'expérimentations plus ou moins abouties, c’est un groupe en pleine forme que l’on retrouve sur ce « Diamond Eyes » particulièrement inspiré.
Synthèse proche de la perfection de l'ensemble de ses réalisations précédentes, DEFTONES renoue ici avec l'agressivité originelle de ses deux premiers albums en y incorporant des riffs très mélodiques du meilleur effet.
"CMND/CTRL", "Royal" ou "Prince" sont à ce titre dans le haut du panier et signent le retour du clan de Sacramento avec une fougue épatante, ce bon vieux Chino livrant une prestation incroyable de sensibilité et de hargne.
Quarante-deux minutes qui demeurent toujours une véritable référence en la matière et ne laissent en rien présager de l'orientation prise quelques années plus tard sur « Gore »...
FEAR FACTORY : « Mechanize » (Candlelight - 2010)
2005. Coup de tonnerre dans le landerneau métallique, FEAR FACTORY splitte et annonce un break de presque cinq ans, unique remède aux multiples tensions et désaccords entre chaque membre du groupe.
Cinq années qui auront permis à la moelle épinière de l'usine de la peur de souffler et d'investir d'autres horizons musicaux hors de FEAR FACTORY. Parce qu'il y avait quand même de quoi se poser quelques questions avec l'album « Transgression » : production anémique, riffs-mitraillette en berne, breaks sans saveur : le groupe était au bout du rouleau, signant par la même l'arrêt de mort de son concept futuriste, une marque de fabrique respectée depuis plus de vingt ans.
Et d'entamer une vraie renaissance en 2010 avec ce « Mechanize » aux allures de phénix vengeur, renouant sans faille avec l'inspiration et la puissance de feu légendaire des Californiens, ici appuyés dans leur reconquête par le demi-dieu Hoglan qui remplit sa mission baston sans sourciller. Un must !
MACHINE HEAD : « Unto The Locust » (Roadrunner - 2011)
Capable du meilleur comme du pire, la formation emmenée par Robb Flynn est à un carrefour en 2011.
Quelle direction prendre ?
Rassurer les fans des deux premiers albums à tout prix en rempilant pour un nouvel album qui montre les muscles et un groupe revenu sur de bonnes bases avec « Through The Ashes Of Empire » et surtout « The Blackening » ? Ou prendre des risques et changer une formule bien établie, qui lorsqu'elle sort des chemins tracés comme sur « Supercharger » laisse franchement à désirer ?
MACHINE HEAD opte finalement pour le compromis avec « Unto The Locust » qui fait la part belle aux mélodies et au chant clair, affichant sans faillir un background heavy metal évident.
Le résultat a de quoi surprendre aux premières écoutes ("Locust", "Darkness Within") mais il se révèle parfaitement abouti et témoigne d'une maturité déroutante.
Robb Flynn et sa bande livrent ici une partition impeccable qui n'a pas recueilli une adhésion totale à sa sortie mais qui huit ans plus tard fait toujours figure de mètre-étalon dans la discographie du groupe.
ULCERATE : « The Destroyers Of All » (Willowtip - 2011)
Proprement monstrueux du haut de ses presque cinquante-trois minutes dont aucune seconde ne se révèle usurpée, ULCERATE livre ici les dix commandements d'un death meal dissonnant et chaotique.
Des ambiances pesantes aux plans atmosphériques envoûtants, des mélodies discrètes mais meurtrières aux parties de batterie tout simplement hallucinantes : les néo-zélandas tutoient la perfection sur chaque morceau.
Jamie Saint-Merat est l’un des meilleurs batteurs tout type de metal confondus : la créativité de son jeu, la finesse de son toucher, la puissance irrésistible qui se dégage de chacune de ses frappes, méthodiques, en font un véritable monstre rythmique qui sublime la copie rendue ici.
Et que dire de cette production qui tutoie la perfection, d’une subtile intensité elle aussi façonnée par les mimines expertes de Jamie, ici responsable en chef de l’enregistrement, du mix et du mastering de la bête.
Grandiose !
NACHTMYSTIUM : « Silencing Machine » (Century Media - 2012)
Blake Judd, après avoir sorti la doublette expérimentale « Assassins (Black Meddle) », revient au top de sa forme en 2012 avec cet album qui signe une irrésistible envie de retrouver la fougue de ses débuts.
Et il ne faut qu'une poignée de minutes avec ce "Dawn over the Ruins of Jerusalem" "qui ouvre les hostilités, rageur et incendiaire, pour comprendre que la mission est ici remplie haut la main.
Le batteur-bûcheron Charlie Fell est aux abois, la section rythmique mitraille en mode blitzkrieg et Blake se révèle un vocaliste habité par son rôle, capable d'un grand huit de tonalités bluffant.
Les quelques accélérations, abruptes et envoûtantes, donnent un second souffle à chaque morceau délivré de main de maître sur « Silencing Machine » : de véritables montagnes russes rythmiques qui poussent le black metal dans ses derniers retranchements.
Ce monstre d'album est un véritable tour de force qui ne livre pas tout ses secrets en quelques écoutes distraites mais réclame un investissement total pour en savourer toute sa richesse.
DEAFHEAVEN « Sunbather » (Deathwish Inc. - 2013)
Peut-être le disque le plus controversé de cette décennie. Ici tous les codes du metal extrême sont passés à la broyeuse, sur le fond comme sur la forme, DEAFHEAVEN se réinvente et propulse le style sur le devant de la scène avec maestria.
Bien loin d'être "grand public", ce qui n'est pas autant un qualificatif péjoratif, le groupe remise ses influences black-metal à la trappe pour laisser place à quelque chose de bien plus personnel. Un qualificatif qui revient d'ailleurs régulièrement dans les chroniques dithyrambiques que l'on peut voir fleurir sur les chroniques de l'époque.
Véritable empoignade émotionnelle, le titre d'ouverture "Dream house" ne fait pas dans la dentelle et balance une bonne grosse décharge de riffs en plein coeur quant à "Subnather" et "Vertigo", véritables montées orgasmiques en trois temps, il ne sont ni plus ni moins que les morceaux metal de l'année.
Quelques interludes, pleinement intégrés à l'ensemble, constituent également un ingrédient essentiel de la maîtrise affichée sur cet album. « Sunbather » est un véritable tour de force métallique qui balaye toutes les étiquettes du revers de la chemise (de bûcheron, bien entendu).
PANOPTICON « Kentucky » (Pagan Flames - 2013)
Austin Lunn, alias PANOPTICON est un musicien talentueux qui laisse avant tout parler sa musique, s’exposant peu aux médias, tels qu’ils soient.
Ce Rémy Bricka des temps modernes est un monstre de technicité et de feeling, qui frappe une nouvelle fois très fort avec ce cinquième album à la croisée du bluegrass et du black metal plus traditionnel. « Kentucky » tape en plein dans le mille et aborde des thèmes peu fréquents comme la dénonciation de l’exploitation minière outrancière dans cet état, résonnant comme une ode empreinte d'admiration pour une génération qui mérite ce si bel hommage.
La musique est du même calibre : que de diversité, que d’habileté pour faire voyager l’auditeur au fin fond de ces contrées forestières et escarpées, de cette nature secrète qui ne se dévoile qu’aux plus audacieux.
Prenez ce "Killing Giants as They Sleep", à n’en point douter le plus beau titre jamais enregistré par PANOPTICON, faisant suite à la première décharge rythmique de "Bodies Under the Falls", Austin lâche ici des mélodies incroyables couplées à des changement de rythme du meilleur effet.
Démontrant au passage que le black metal peut être fort et qu'il peut toucher chacun au plus profond de son être... et de son âme.
ALTAR OF PLAGUES « Teethed Glory and Injury » (Profound Lore - 2013)
« Contrairement à tout ce que le groupe a sorti auparavant, « Teethed Glory and Injury » voit ALTAR OF PLAGUES à la hauteur de sa puissance et de sa créativité en proposant son album le plus intense, mental et accompli à ce jour ».
Une fois n'est pas coutume, force est de reconnaître que ce descriptif signé par son label Profound Lore est juste et bon.
Un descriptif qui devient d'ailleurs une évidence au fil des écoutes tant le trio de Cork, Irlande, est habile dans l'art de brouiller les pistes et de surprendre l'auditeur.
Il faut dire que l'univers du groupe, intrigant et décalé, trahit l'envie pressante de s'extirper de la masse et d'emprunter des chemins de traverse. Et que de le classer quelque part relève du vrai défi : post black ? metal prog ? doom atmosphérique ? drone ? industriel ? Tout en un ? ALTAR OF PLAGUES se joue des étiquettes pour les retourner l'une après l'autre, proposant ici un superbe tour de force, homogène, compact, unique, qui ne se dévoilera véritablement qu'après une bonne dizaine d’écoutes attentives.
L'immersion dans le monde des irlandais est alors total et sans retour, avec comme unique alternative de se laisser happer par cet opéra noir et désenchanté.
BEHEMOTH : « The Satanist » (Nuclear Blast - 2014)
Là encore, un futur grand en devenir qui tout auréolé d'une signature avec le géant Nucleat Blast pour son précédent album (l'inégal « Evangelion ») sort son album de référence avec en toile de fond le célèbre "diviser pour mieux régner" en lettres de sang.
Artwork léché, production impitoyable, compositions de haut niveau, textes mystiques : la vision du death metal telle qu'elle est proposée ici par Nergal et sa troupe ne peut laisser de marbre.
Les dernières traces de black metal ont défintivement disparu au profit d'une formule 100% muscles qui fait mouche, enrichie en parties orchestrales de toute beauté.
Inferno, du haut de ses fûts n'est pas en reste et livre ici une partition haut de gamme qui fourmille de breaks malicieux et de blasts furibards.
Bref, le rendu est ici proche de la perfection et les polonais rencontrent enfin un succès amplement mérité qui, cinq ans plus tard, reste toujours d'actualité.
MASTODON : « Emperor Of Sand » (Reprise - 2017)
2017 signe le grand retour de MASTODON avec « Emperor Of Sand », concept-album narrant les pérégrinations d’un vagabond dans l’hostilité désertique, en proie à ses propres démons et sous l'influence d’un certain empereur du sable.
Une nouvelle livraison produite de main de maître par Brendan O’Brien, qui avait laissé le groupe sur le côté en 2009. Et on peut dire que le bougre sait y faire quand il s’agit de délivrer un son efficace et respectueux, injectant ce qu’il faut de puissance à ces guitares explosives.
Attention, par "explosives" il ne faut pas attendre de MASTODON un retour aux sources puisqu’il n’est à aucun moment question d’embardées hardcore névrosées ou de raclements de gosier au papier émeri. Non, ce septième album marque une volonté de remettre au goût du jour le côté heavy et épique qui faisait le délice de nos esgourdes sur « Crack The Skye ». Tout en franchissant encore un palier dans la mise en place, redoutable, de chacun de ces onze morceaux pour former un ensemble d’une cohérence indiscutable.
Un roc, solide, inébranlable, constitué autour des mêmes membres depuis ses débuts, un exemple de force du collectif qui résiste à l’assaut du temps. Magistral. Non, impérial en fait.