
Dans le sud de la France, il n’y a pas que le soleil, la mer, le mistral et les cigales. Il y a aussi de très bons groupes qui font bouger la scène locale. C’est le cas de SCARLEAN, combo rock/metal alternatif originaire d’Avignon, la belle cité des papes réputée notamment pour son Festival International de Théâtre. Fort d’un premier album, « Ghost », paru en janvier 2016, ayant récolté de très bonnes critiques, SCARLEAN revient avec « Soulmates », une œuvre encore plus riche et accomplie que la précédente qui était déjà d’un excellent niveau.
L’atout majeur du groupe réside dans sa faculté à éradiquer les barrières des genres et sous-genres pour créer un son qui lui est propre, où la très belle voix d’Alexandre Soles (chanteur/auteur/compositeur) prend toute son ampleur émotionnelle. Accompagné de Geoffrey Vo Van Chieu (guitariste/compositeur), Michel Canavaggia (guitariste/compositeur), et plus récemment, Olivier Jacquet (bassiste) ainsi que Fabien Giordani (batteur/producteur/ingénieur son), le frontman est soutenu de la plus belle des manières. Il est à noter que sur l’album, c’est Eric Lebailly qui assure les parties de batterie, car Fabien s’est occupé de la production. Mais en concert, ce sera bel et bien ce dernier qui se trouvera derrière les fûts.
Avec « Soulmates », le quintet franchit un nouveau palier, dans un univers toujours empreint d’une sombre luminosité, mais plus groovy que sur « Ghost », grâce en partie à cette basse plus présente qui donne de la rondeur aux compositions. Ca commence fort avec "Next To The Makers" sur laquelle Alex montre son sens inné pour les mélodies accrocheuses et les refrains bien ficelés. On ressent aussi sur "Haters" et "Wasting My Time", entre autres, une touche de nu-metal dans la veine de SLIPKNOT ou de KORN, de par la pesanteur un peu glauque qui s’en dégage et les rythmiques saccadées. Le tout associé à une voix rocailleuse à souhait, parfois à la limite du growl. Et c’est bien là toute la subtilité du chanteur d’utiliser ce genre de moment uniquement à bon escient.
L’un des énormes coups de cœur de cet album est "Perfect Demon", une chanson sublime qui, dans sa progression, sa montée en puissance et sa fin prenante rappelle les créations de LEPROUS, les maitres Norvégiens du Prog. La voix d’Alex se fait grave, lancinante puis envoutante. L’émotion dégagée par ce morceau prend aux tripes, avec ce début tout en douceur, qui devient de plus en plus lourd pour atteindre son apogée finale dans un cri poignant, sublimé par une orchestration magistrale. Une autre perle arrive ensuite avec la reprise du "Wonderful Life" de BLACK, interprétée en duo avec Anneke van Giersbergen (ex-THE GATHERING, AGUA DE ANNIQUE, Devin Townsend, Daniel Cavanagh, VUUR).
Loin de dénaturer l’originale, SCARLEAN lui donne bien plus de puissance dramatique, en supprimant le côté un peu mièvre qui pouvait exister avant, transformant intelligemment la balade pop en une pépite rock et rugueuse. Et quelle superbe voix que celle d’Anneke qui se marie à merveille à celle d’Alex ! Formidable réussite que cette relecture, et ce n’est pas donné à tout le monde. On a déjà vu bien des groupes se casser la gueule sur des reprises fades et sans intérêt.
"Treat Me Bad" montre une facette heavy, voire djent de SCARLEAN. Un bon titre en entendre en live. "You’ll Never Know", "Our World Will Surely Stop" et "A Lie To Remember", sont plus teintés prog dans leur construction, plongeant également l’auditeur dans des ambiances grises, suintantes et angoissantes, où la mélancolie et le désespoir pointent dans une mer de goudron poisseux. La lumière reprend ses droits sur les deux derniers morceaux, "Ego" et le très beau "The Smell Of The Blood", allégé par les chœurs féminins assurés cette fois par la compagne du chanteur, Jessie Louveton. Sur ces deux titres, les guitares et la voix du frontman se font plus aériennes, s’élevant au-dessus de cette noirceur.
Doté qui plus est d’un superbe artwork, qui reprend le personnage en noir et blanc un peu inquiétant présent sur « Ghost » en y associant une petite blondinette, dos à dos, tous deux dans une attitude très introspective, « Soulmates » est un bien bel album à découvrir. Il recèle des richesses créatives qui se laissent apprivoiser au fur et à mesure des écoutes, pour peu que l’on fasse fi des étiquettes et que l’on soit suffisamment ouvert d’esprit. SCARLEAN, c’est une musique émotionnelle qui parle aux cicatrices de l’âme.