10 mai 2020, 18:00

MARILLION

• Interview Derek William "Fish" Dick • "Script For a Jester's Tear" [réédition]

« Script For A Jester's Tear » est non seulement le premier album de MARILLION mais aussi une pierre angulaire de la scène progressive. Alors, avec sa réédition sous la forme de 4 CD/Blu-ray et un DVD documentaire, initialement prévue le 17 avril et repoussée au 15 mai, les fans pourront à nouveau se délecter de ce qui a fait le renom du groupe et se plonger dans sa genèse. Fish, ancien chanteur et membre fondateur de MARILLION, revient sur cette œuvre avec sa gouaille habituelle mais nous fait part aussi de son avis quant à l'industrie musicale. Il n'a pas la langue dans sa poche, le monsieur.
 

Alors, tu es en pleine promo de la réédition du premier album de MARILLION «  Script For A Jester's Tear ». Tu en es content ?
Oui, c'est une bonne chose. Il est intéressant de revenir sur ce qui a été fait il y a tant d'années, de reprendre quelques éléments autour de l'album. Pas forcément les chansons mais ce qui tourne autour. « Script For A Jester's Tear » a été un album important pour de nombreuses personnes en 1983 et cette réédition lui offre à nouveau de la visibilité. La pochette a été retravaillée aussi, le son remasterisé. C'est chouette et je pense que les fans seront contents mais aussi les plus jeunes qui ne connaîtraient pas « Script For A Jester's Tear ».

Comment est venue l'idée de ressortir cet album culte ?
Oh, eh bien ça, c'est le business de l'industrie musicale ! Les labels se battent pour survivre. Je ne veux pas tomber dans le cynisme mais tu sais, il n'y a que les grosses compagnies avec les gros catalogues qui parviennent à tirer leur épingle du jeu. Les gens achètent de moins en moins leurs produits enregistrés. Si tu regardes ma fille, par exemple, elle a 29 ans, elle a été élevée au milieu de musiciens toute sa vie, eh bien je ne me souviens même pas la dernière fois où elle a acheté un CD. Spotify, Deezer, toutes ces plateformes n'aident pas l'industrie du disque.

Le fait qu'il y ait plusieurs formats disponibles pour cette nouvelle version de « Script For A Jester's Tear » n'aide pas non plus ?
Si, forcément mais je ne crois pas qu'il y ait encore autant de gens intéressés par le format vinyle ou CD qu'avant. Heureusement, le coffret contient aussi le documentaire donc ça peut séduire les gens.

Les fans de MARILLION sont de toute façon toujours très fidèles...
Oui, heureusement. On a toujours cette loyauté entre les fans et le groupe. Mais cela vient du fait aussi qu'ils aiment nos chansons parce qu'ils les comprennent au sein de nos albums. Quand je m’assois pour écrire de la musique, je pense en termes d'album complet. Je me demande ce que je peux écrire pour que ce soit cohérent. C'est comme faire un film, tu vois : tu ne réalises pas une bande-annonce mais un film complet.

« Script For A Jester's Tear » est considéré comme un album fondateur du style progressif. Tu es fier de faire partie de cette légende ?
Hmmm, je ne sais pas si je suis fier. J'aime cet album comme j'aime les autres. J'ai fait ma carrière solo aussi et je suis fier de tout ce que j'ai produit. Donc, ni plus ni moins. Mais je suis heureux que « Script For A Jester's Tear » plaise aux gens. Je suis par contre resté le même Fish qu'à l'époque, je suis le même gars. Mes albums solo ont d'ailleurs des similarités avec ce que je faisais à l'époque dans MARILLION. J'ai quitté le groupe au bon moment et je ne regrette rien, même si les gens me parlent souvent d'une réunion.

Et tu pensais qu'il obtiendrait ce succès à l'époque ?
Eh bien j'étais un peu arrogant à l'époque. J'avais 22 ans et je me suis dit que ce serait le plus gros succès de tous les temps. Quand c'est ton premier album, tu n'as qu'une envie, c'est qu'il sorte et qu'il soit écouté par un maximum de gens. Et puis tu sais, dès que tu sors un album, tu es toujours convaincu que c'est le meilleur qui soit. On voulait construire un empire, on avait confiance. Mais on s'est vite rendu compte qu'il fallait d'abord construire un petit village avant qu'il ne se transforme en empire. On espérait que tout devienne gigantesque. Ensuite, tes valeurs changent, tes attentes aussi quand tu vieillis. Tu deviens plus réaliste. Aujourd'hui, j'écris un album pour ce qu'il est et ce qu'il apporte, pas pour qu'on en vende plus ou qu'il ait plus de succès que le précédent. Je veux juste faire quelque chose dont je suis fier. On était vraiment très sûrs de nous à l'époque car on était cinq gars qui allaient signer chez EMI où étaient déjà PINK FLOYD, DURAN DURAN ou Kate Bush, tu vois...

Quelles étaient vos relations avec EMI à l'époque ?
Très bonnes. Je m'entendais très bien avec toutes les personnes d'EMI avec lesquelles j'ai travaillé. J'ai vraiment développé de bonnes relations avec elles mais tu sais, les labels et leur travail étaient différents à l'époque. J'aimais bien leur façon de faire la promo des albums, de s'investir sur le marché, de faire des vidéos... EMI était une très grosse compagnie et dans les années 80, c'était très important d'avoir des gens qui investissent de l'argent sur toi. C'était très intéressant. Mais tout a changé dans les années 90 avec la récession. L'argent était compté et il fallait le répartir convenablement entre tous les groupes. Il fallait justifier ses choix d'orientation musicale, argumenter tout le temps. On était accessoirisés en fait. Et du coup, au lieu de développer leur catalogue, les labels essayaient de faire un maximum d'argent sur les produits qu'ils avaient déjà avec des remasterisations, des reproductions... Pour moi, c'est faire de l'argent stupidement et ça crée des problèmes. EMI a changé. J'ai quitté le label en 1989 quand nos relations ont commencé à changer. Mais elles ont changé aussi parce que le business musical n'était plus le même. Quand j'ai commencé, le business musical était un business avec un petit "b" et musical avec un grand "M". Maintenant c'est business avec un "B" majuscule et musical avec un "m" minuscule. Dans les années 90, le business est devenu plus important que la musique.
 

  


Tu es blasé de ce monde musical ?
Non pas du tout. Mais j'ai 62 ans et je suis devenu plus réaliste. J'ai d'autres aspirations. Je veux faire des concerts devant 5 000 ou 6 000 personnes mais aussi dans des petites salles. Je ne cherche plus forcément à plaire, je veux me concentrer sur l'essentiel. Je ne veux plus m'embêter à chercher à être rentable. Avec Spotify ou Deezer, on force les gens à être rentables pour gagner leur vie. Mais je ne veux pas de ça. Bien sûr, l'argent est important mais je ne veux pas être un produit de marketing à bas prix. Je veux de la qualité.

C'était intéressant de faire les interviews pour le documentaire du DVD et de te replonger dans l'époque de « Script For A Jester's Tear » et de l'origine de MARILLION ?
Oui. Les gens pensent que je n'ai plus de liens avec les gars de MARILLION mais ce n'est pas vrai. On s'est beaucoup fâchés et on vit loin les uns des autres donc on se voit peu mais on est en contact régulièrement. Pas avec tout les membres cependant... Mais le documentaire permet de faire le point sur tout ce que l'on a vécu, chacun avec son point de vue et c'est super. Pas de langue de bois !

Non, visiblement ce n'est pas ton genre !
 

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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