27 mars 2020, 18:00

PEARL JAM

• "Gigaton"

Album : Gigaton

Pour pouvoir évoquer le nouvel album de PEARL JAM, « Gigaton », il faut connaitre un minimum l’histoire de ce groupe mythique, l’un des deux derniers, avec ALICE IN CHAINS, survivants de la vague grunge qui a balayée la planète au tout début des années 90, et qui a mis à terre le glam, le heavy et le hard rock traditionnels.

Enragé, engagé, PEARL JAM l’a toujours été. Mais cette rage si caractéristique des premiers albums s’est peu à peu muée en une colère plus intériorisée. Le grunge sale et les sons acérés ont laissé place à un classic-rock, sympathique à écouter, mais pas inoubliable. Alors, qu’en est-il de cet album qui sort 6 ans et demi après un « Lightning Bolt » plutôt  inégal ? Les premiers extraits ont laissé pas mal de fans perplexes, surtout "Dance Of The Clairvoyants", et son beat teinté 80’s.

Que les fans se rassurent, PEARL JAM est bien de retour en 2020, avec une colère retrouvée qui s’exprime dès le titre d’ouverture, "Who Ever Said". Et quel bonheur d’entendre la superbe voix de baryton d’Eddie Vedder gorgée de cette hargne des premiers jours, qui lui faisait tant défaut ces dernières années ! Il est à noter d’ailleurs que son travail  vocal tout au long de cet album est remarquable. Et la paire de guitaristes, Mike McCready et Stone Gossard, nous ont pondus des riffs et des solos prenants et inspirés. La basse claquante de Jeff Ament n’est pas en reste, notamment sur l'excellent "Quick Escape". Quant à Matt Cameron, il confirme son statut de batteur exceptionnel. On retrouve dans son jeu des traces de SOUNDGARDEN ("Take The Long Way") dont il a fait partie jusqu’au décès du charismatique Chris Cornell. L’album démarre très fort, avec "Who Ever Said", citée plus haut, puis "Superblood Wolfmoon", toutes deux dans un style rock qui dépote.

Vient ensuite "Dance Of The Clairvoyants", la plus surprenante car axée sur des sons très pop et electro, avec une touche funky, sortis tout droit des années 80, évoquant des groupes dans la mouvance de DURAN DURAN, voire IMAGINATION. Surprenante, effectivement, mais cependant, pas dénuée de charme. PEARL JAM innove vraiment avec ce morceau, bien loin de leur style habituel. Et ça marche. A force d’écoute répétées, c’en est devenu l’un de mes favoris, surtout ce refrain imparable (« Expecting perfection leaves a lot to ignore / When the past is the present / And the future’s no more ») et ce mantra qui revient à la fin de la chanson (« I know the girls wanna dance / Away their circumstance / I know the boys wanna grow  / Their dicks, and fix and file things »). A découvrir en live où il fera danser les foules. "Quick Escape" est également un très bon titre, agressif à souhait. "Alright" est une semi-ballade introduite par quelques notes de kalimba (un instrument africain) fort belles, telles des gouttes de pluie rebondissant sur une fenêtre. Cependant on lui préfèrera la suivante, "Seven O’Clock", évoquant les compositions un brin folk d’un certain Bruce Springsteen.

Les thèmes principaux des chansons sont, bien évidemment, la politique et l’environnement. L’administration Trump s’en prend plein la gueule, à juste titre ("Quick Escape", "Seven O’Clock", "Never Destination"), et la dégradation de notre environnement ainsi que l’inquiétude qui en ressort transpirent dans les textes d’Eddie Vedder ("Alright", "Dance Of The Clairvoyants", "Retrograde", "River Cross"). Le chanteur et parolier est connu pour ne pas mâcher ses mots et n’a jamais hésité à exprimer ouvertement son opinion, même si cela doit heurter la sensibilité de certains puristes bien-pensants. Pour la première fois, l’album a été produit sans le fidèle Brendan O’Brien, qui les accompagne depuis des années, mais il a été co-produit par le groupe et Josh Evans, connu pour avoir produit notamment le dernier album de SOUNDGARDEN, « King Animal ». La photo qui orne la pochette est l’œuvre du biologiste marin, Paul Nicklen. Elle a été prise en Norvège, sur l’île polaire de Nordaustlandet, là où la fonte des glaces due au réchauffement climatique est la plus significative. Le constat est terrifiant. La nature s’essouffle, la Terre subit les conséquences des actes humains.

"Never Destination" nous fait repartir dans un rock bien énervé, suivi d’un "Take The Long Way" grungy et sale comme on l’aime. "Buckle Up" est bien plus anecdotique, bien que chantée par Stone Gossard. A ce sujet, pour la première fois, les musiciens n’ont pas hésité à échanger leurs rôles. Outre Stone Gossard au chant sur "Buckle Up", on peut aussi l’entendre jouer de la basse sur "Dance Of The Clairvoyants" alors que c’est Jeff Ament qui se charge de la guitare sur ce même titre. "Comes Then Goes" est une ballade acoustique comme PEARL JAM en a le secret, mais elle a la particularité d’évoquer la perte d’un ami cher (Chris Cornell, peut-être ?), nous plongeant dans une douce mélancolie. "Retrograde" est un mid-tempo agréable... Quelques morceaux ne sont effectivement pas indispensables, ayant tendance à casser un peu le rythme. Et « Gigaton » aurait peut-être gagné à être légèrement raccourci.

Mais cependant, pour clore cet album, la très belle et déchirante "River Cross", avec son intro aux claviers qui fait immanquablement penser aux sublimes chansons issues de l’album solo d’Eddie Vedder, « Into The Wild », avec son côté éthéré, aérien, est pourtant dotée d’une belle note d’espoir. Et l’on en retiendra ce final poignant, émouvant au plus haut point, lorsque le frontman chante : « Share The Light / Won’t hold us down ».

Alors, oui, partageons-la cette lumière. Partageons-la. Ensemble. Avant qu’il ne soit trop tard!

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK