27 mai 2020, 20:15

PATRÓN

• Interview Lo

Nouveau venu chez Klonosphere (KLONE, PØLAR MOON, SEEDS OF MARY...), le groupe PATRÓN sortira ce 29 mai son premier album tout simplement intitulé « Patrón​ », et propose un desert-rock des plus inspiré, mené par Lo, son chanteur et fondateur qui n’en n’est pas à sa première réalisation car officiant depuis plus de vingt ans au sein du trio LOADING DATA actuellement en pause. Confinement oblige en pleine période de Covid-19, rendez-vous est pris par téléphone afin que ce chanteur à la voix de baryton nous en dise plus sur ce nouveau projet qui voit de grands noms du genre y venir poser leur instrument.


Bonjour Lo, avant de commencer, comment cette période de confinement s'est passée ?
Eh bien écoute j'étais chez moi à Paris avec ma douce, je n’ai pas mis le nez dehors, ça ne va pas trop mal si ce n’est que c’est l’hécatombe autour de moi car j’ai mon oncle qui est décédé, une tante qui va pas trop bien et j’ai un autre oncle qui est sorti de l’hôpital, tout ça du au Covid-19 donc comme tu vois j'étais un peu cerné. Alors avec tout ça je suis plutôt prudent, je ne prends pas trop de risques. Sinon, mes journées étaient assez normales, je me levais le matin, dès que j’avais pris mon premier café je m’installais à mon bureau et je faisais surtout du montage car vu qu’on n’avait pas pu faire de clip pour la sortie du premier single "Room With a View" à cause de la situation qui nous a pris de court, je dérushais toutes les images qu’on a tournées à Los Angeles pendant les enregistrements et j'ai pu terminer le montage d’une vidéo pour la sortie du single. Donc voilà, mes journées étaient rythmées par du montage pendant plusieurs jours, je n'ai fait que ça et je t’avoue que j’en avais plein la tête, plein les oreilles et les yeux, j’ai les yeux qui pleuraient tellement j'étais collé à l’écran (rires).

Raconte-nous ton parcours musical. Tu fais aussi partie du groupe de stoner LOADING DATA actuellement en pause.
Oui LOADING DATA est en pause. C’est un groupe fondé en 1999, je revenais d’un de mes nombreux périples dans l’ouest américain et le tout premier morceau avait été composé au Nouveau Mexique autour d’un feu de bois dans un parc national et c’est comme ça que tout a commencé. Quelques jours avant on était à San Francisco chez un ami et on a découvert le premier album des QUEENS OF THE STONE AGE que je ne connaissais pas du tout à l époque. Alors je t’avoue qu’on avait pas mal fumé, on était complètement perchés et quand on a écouté ça je me suis dis « putain mais c’est bon ça ! ». J’ai pris la même claque que lorsque j’ai découvert « Ten » de PEARL JAM quand j’avais quinze ans et je me suis dis « c’est cette musique là que je veux faire ! ». Quelques semaines plus tard de retour à la maison j’ai commencé à écrire le premier album. LOADING DATA existe depuis 21 ans maintenant mais on est en pause depuis deux ans parce que Louise la bassiste est pas mal occupée, elle était en tourné avec Pascal Obispo, elle joue aussi avec un groupe de black metal qui s’appelle DECLINE OF THE I. Romain le batteur a eu deux enfants et il s’occupe de faire le son pour pas mal de groupes plus le son à Beaubourg donc ils sont très occupés et moi j’ai commencé à travailler sur mon projet parallèle PATRÓN dans lequel je me suis beaucoup investi et pour lequel je voulais me consacrer pleinement. Mais on est toujours en très bon terme, le groupe n’est pas terminé, on n’a pas splité c’est juste une pause, avant de reprendre de plus belle dès que les emplois du temps respectifs nous le permettront.

Présente-nous PATRÓN, comment est né ce nouveau projet ?
Comment c’est né... En fait, je t’explique, le matin je me lève, je me mets devant mon ordi, je prends ma guitare ou ma basse et je commence à composer. Parfois l’inspiration vient, parfois elle ne vient pas. Et là depuis plusieurs mois c’est venu d’un coup, tous les morceaux ont été composés à la suite. L’album a été essentiellement composé à la basse, c’est vraiment les riffs de basse qui conduisent l’ensemble. J’y ai ajouté des claviers, des guitares. Tout s’est fait naturellement, tout s’est construit facilement et une fois toutes les compositions terminées je me suis dis « je crois que j’ai un album là ». Je l’ai fait écouter à quelques amis qui m’ont dit que c’était vachement bien et qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. Mais j’ai longtemps hésité, je me demandais si je devais le faire avec LOADING DATA mais en réalisant qu’on aurait du mal à se retrouver pour le faire ensemble je me suis dis que c’était l’occasion vu que ça faisait longtemps que je voulais faire un projet parallèle. Je me suis donc lancé, j’ai appelé Alain Johannes à Los Angeles en lui expliquant que j’avais ces morceaux qui étaient prêts à être enregistrés et que j’avais très envie de retravailler avec lui car ça s’était très bien passé pour l’enregistrement de « Double Disco Animal Style » le dernier album de LOADING DATA. Ça a mis quelques mois pour tout mettre en place et puis on s’est envolés pour Los Angeles pour y enregistrer l’album.


​Comment aviez-vous rencontré Alain Johannes à l’époque, qui est une grande figure du desert-rock ?
J’ai rencontré Alain il y a environ huit ans à Los Angeles et c’est assez marrant comme histoire d’ailleurs. Je ne crois particulièrement pas aux signes mais là il y en a eu un paquet. Tout à commencé à Paris où je bossais dans un magasin de location de DVD spécialisé en langue anglaise et donc il n’y avait que des étrangers qui venaient dans cette boutique. Une cliente américaine rentre et demande où est mon collègue, car je le remplaçais ce jour là. Je plaisante en lui disant qu’il était mort, on commence à rigoler, on sympathise et quelque temps après je deviens le professeur de guitare de sa fille. Un peu après je pars lui rendre visite à Los Angeles et j’y allais aussi pour trouver un producteur qui serait intéressé par mon groupe à l’époque. Une fois chez elle, je lui raconte mes démarches avec tel et tel producteurs et je lui parle du fait que j’aimerai aussi démarcher Alain Johannes et elle me dit qu’elle a été au lycée de Fairfax avec lui. Et FairFax c’était le lycée de Los Angeles où allait Flea, Hillel Slovak des RED HOT CHILI PEPPERS, c’est là qu’Alain les a rencontrés d’ailleurs. Elle me propose d’envoyer ma maquette à Alain de sa part en pensant qu’il ne se souviendra peut-être pas d’elle mais de tenter le coup quand même. Je lui envoie tout ça et quelques jours après, on est à deux voitures pour aller voir une exposition de Tim Burton, d’un coup je vois la voiture de mon amie se mettre sur le bas côté dans une petite allée, je me gare derrière elle, elle sort de la voiture et me tend son téléphone et me dit « tiens c’est Alain ». Je commence à parler avec lui au téléphone et d’un coup il me dit  « attends, bouge pas, je crois que vous êtes garés devant chez moi ! » et on était effectivement garé devant chez lui ! Alors quand tu sais que Los Angeles fait 250km de long on a trouvé le moyen de se garer devant chez lui complètement par hasard. Il est sorti de sa maison, on a passé l’après-midi avec lui, il était en train de bosser sur l’album de Mark Lanegan, « Blues Funeral » à l’époque, et de fil en aiguille on a enregistré le dernier album de LOADING DATA ensemble quelques mois plus tard.

L’album de PATRÓN est le tout dernier à être enregistré au studio 11AD. Il devait planer une sensation étrange durant cette période?
11AD c’est un studio mythique où ont enregistré Chris Cornell, NO DOUBT, Mark Lanegan, les EAGLES OF DEATH METAL et c’était aussi la maison d’Alain. Il avait un groupe qui s’appelait ELEVEN avec Jack Irons qui a joué dans PEARL JAM et les RED HOT, et sa femme Natasha Schneider qui était claviériste. Ils ont vécu dans cette maison pendant vingt-cinq ans mais malheureusement Natasha est décédée en 2008 et ça a commencé à devenir difficile de continuer à vivre même s’il y été très attaché. Alain avait envie de tourner la page, de passer à autre chose, il y avait trop de souvenir dans cette maison, sa femme y est décédé, la mère d’Alain aussi, donc c’était une maison pleine de fantômes, des bons souvenirs aussi mais pleine de fantômes. J’y avais donc enregistré le dernier album de LOADING DATA auparavant et c’est une maison formidable, il y a plein d’instruments partout dans toutes les pièces, toutes sortes d’instruments que tu n’as jamais vu de ta vie, des trucs chinois, des trucs afghans, bref de tout. Vu qu’Alain sait jouer de tout, dès qu’il a envie d’être tranquille il prend un instrument et il commence à jouer et à toi de jammer avec lui si tu as envie. Donc pour l’enregistrement de PATRÓN il y avait beaucoup d’émotions, Alain partait après en tournée avec PJ Harvey quelque semaines après l’enregistrement donc il était pas mal stressé et préoccupé avec un nerf coincé à l’épaule ce qui l’empêchait de jouer confortablement, ça le rendait un peu inquiet. Donc ça a été un peu éprouvant, émouvant et évidemment difficile pour lui car c’était une maison à laquelle il était attaché. Enregistrer le dernier album là-bas c’était un honneur et un grand plaisir à la fois mêlé à une grande tristesse de voir cette maison partir.
 


Tu es chanteur, auteur et compositeur sur cet album, les chansons ont-elles beaucoup changées comparées aux maquettes que tu avais faites avant d’entrer en studio ?
Les morceaux, intrinsèquement n’ont pas changé, les compositions n’ont pas changées, il y a juste un feeling qu’il n’y avait pas sur les maquettes qui s’est ajouté. Bien entendu quand tu enregistres tes maquettes avec des batteries programmées un peu à l’arrache ce n’est pas un produit fini, et là d’avoir de vrais musiciens sur l’album c’est quand même autre chose. Donc le gros changement c’est d’avoir le touché des musiciens et d’avoir Alain à la réalisation. Il apporte toujours beaucoup d’idées, il expérimente sans arrêt. Ce n’est pas un producteur qui arrive avec une formule toute faite et qui s’applique à tous les groupes. C’est plus un expérimentateur fou, toujours en recherche de son, de placement de micros, de trucs différents, sinon ça devient rébarbatif pour lui. Après il a sa signature, sa pâte bien à lui.

PATRÓN c’est un moyen aussi de te faire plaisir et de collaborer avec de grands noms comme Joey Castillo, Barrett Martin ou encore Nick Oliveri. C’est presque un rêve de fan que de jouer avec ces gars là.
Je connais Nick Oliveri depuis vingt ans quand j’avais remonté le projet LOADING DATA en Floride par l’intermédiaire d’amis en commun. Il avait participé à l’un de nos albums en faisant quelques apparitions, on a partagé beaucoup de scènes ensemble, on a ouvert pour MONDO GENERATOR. Joey Castillo je le connais depuis quelques années aussi et je sais qu’il était fan du dernier album de LOADING DATA justement enregistré par Alain. Quant à Barrett je l’avais rencontré lors d’un festival dans le désert de Californie, pas loin de Los Angeles à Pioneertown dans un endroit mythique qui s’appelle Pappy & Harriet où tous les desert rockers jouent assez régulièrement et ce jour là, jouaient les MOJAVE LORDS, le groupe de Dave Catching des EAGLES OF DEATH METAL et dans lequel Barrett officie à la batterie. Après leur concert je suis allé voir Barrett et je lui ai dit que j’étais un grand fan de son jeu de batterie et que de le voir jouer ça me rappelait quand j’avais quinze ans et que je regardais la VHS de MAD SEASON au Moore Theatre à Seattle. On a beaucoup discuté, on a sympathisé et j’ai émis l’idée de l’avoir sur l’album de ce que deviendrait plus tard « Patrón​ » car j’avais déjà les morceaux écrits à ce moment-là. On a gardé le contact et quand on a parlé avec Alain de sa participation en tant que producteur pour l’album, je lui ai soumis l’idée d’avoir tout ce beau monde, il a trouvé que c’était une super idée, il a passé des coups les fils et organisé tout ça car c’était plus simple que ça passe par lui et voilà. Donc un rêve de gosse oui carrément.
 


Comment as-tu choisi les musiciens qui t’accompagnent en concert ?
Il y a Aurélien Barbolosi à la guitare, qui est parti avec moi à Los Angeles, c’est lui qui a fait quasiment toutes les guitares de l’album. C’est un vieux copain on se connait depuis pas loin de vingt ans. C’est un super musicien, un excellent guitariste, bassiste et batteur, il sait jouer de tout, il a fait le conservatoire de piano, bref tu vois quoi. Il a souvent fait des remplacements dans LOADING DATA mais on n’avait jamais eu l’occasion de vraiment jouer ensemble à 100% sur un projet et là c’était l’occasion ou jamais. Je lui ai proposé de partir avec moi à L.A., on a enregistré l’album ensemble. De retour en France quand il a été question de monter un line-up on a cherché un bassiste et j’avais un très bon ami australien, Rob Hudson, guitariste, qui voulait jouer dans un groupe en France mais vu qu’il ne parle pas un mot de français, il avait du mal à trouver un groupe. Je lui ai demandé si ça ne le dérangeait pas de passer à la basse, il a accepté, il s’est mis à la basse. Et pour le batteur, Simon Lemonnier, il m’a été recommandé par un pote, et c’est un excellent batteur, jeune, vingt-et-un ans le salaud (rires), il joue aussi avec TEACUP MONSTER et plein d’autres projets, il est très demandé. 

D’où vient ton intérêt pour le stoner et le desert-rock ?
Alors je vais être honnête, je ne vais pas dire que je suis un énorme fan car je n’en écoute pas du tout. J’écoute beaucoup de chose mais très peu de stoner, très peu de metal, très peu de hard rock. J’ai surtout été marqué dans mon adolescence par le grunge de Seattle avec SOUNDGARDEN, ALICE IN CHAINS, PEARL JAM mais en dehors de ça j’écoute du jazz, des musiques kitchs des années 80, ça va de Cyndi Lauper à Hall & Oates et j’ai eu un coup de cœur pour les QUEENS OF THE STONE AGE ce qui m’a amené à découvrir plein d’autres groupes, KYUSS évidemment, FU MANCHU, FATSO JETSON, MASTERS OF REALITY... Mais dans ce milieu je suis vraiment plus touché par le desert-rock que par le stoner-rock car je trouve que le stoner est une sorte de recyclage de riffs de BLACK SABBATH qu’on a déjà entendu des milliers de fois et si c’est pour écouter un truc qui ressemble à du BLACK SABBATH je préfère directement écouter BLACK SABBATH. En plus j’apporte beaucoup d’importance au chant et dans le stoner il y a beaucoup de groupes instrumentaux et souvent les autres groupes n’ont pas un chanteur qui me touche particulièrement. Donc ce n’est pas vraiment une scène avec laquelle je me sens affilié même si par la force des choses ont y met QUEENS OF THE STONE AGE et ces groupes là dans la catégorie stoner, alors oui à ce moment là on sera dans le même rayon.

Parlons de la pochette de l’album. Il aurait pu s’appeler « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » ! Qui a réalisé cette pochette au look très film de série B ?
Oui tout à fait ! C’est un copain vidéaste qui s’appelle Thomas Bihoré, qui nous suit partout avec LOADING DATA depuis dix ans et qui est venu aussi avec nous à Los Angeles pour filmer tout l’enregistrement. Et en fait on a galéré pendant des semaines à ne pas savoir quoi faire pour la pochette, à discuter ensemble mais on n’avait pas vraiment d’idées. On savait qu’on voulait un truc qui fasse années 80 et en même temps un peu magasine pulp des années 50 et au final on a fait un mash-up des deux qui nous a pris un certain temps et pour ne rien de te cacher on est encore en train de finaliser deux ou trois petits trucs. Les disques sont en pressage mais la pochette n’est pas encore partie chez l’imprimeur. Mais au final on est content du résultat.

La musique de PATRÓN collerait très bien dans une bande originale pour un film de genre. Qu’en penses-tu ?
Oulah, là tu me prends de court (rires), je verrais bien un film de Robert Rodriguez, ou Tarantino, dans cet esprit là, un film indépendant en tout cas pas dans Independance Day c’est sûr ! Donc ouai un truc indépendant qui se passe dans l’ouest américain avec des femmes sexy, des vampires et puis je ne sais pas moi, des aliens !? (Rires)

PATRÓN devait jouer le 8 avril à Petit Bain, à Paris, en première partie d’Alain Johannes, sais-tu quand vous pourrez faire ce concert ?
Alors, le concert est reporté au 9 octobre prochain toujours à Petit Bain. On jouera ensuite le 14 à Cognac aux Abattoirs et il est question qu’on fasse une partie de la tournée européenne d’Alain Johannes car on vient de signer avec un tourneur qui le gère lui aussi, qui s’appelle SOZ Concerts, au Pays-Bas et on vient de signer chez eux tout récemment. Il est donc probable qu’on partage l’affiche sur d’autres dates que celles jouées en France pour l’instant. Pour le moment on a fait trois dates en première partie d’Alain, on a encore nos armes à faire et on a vraiment hâte de relancer les concerts, de remonter sur scène, car on est très frustrés de ne pas pouvoir jouer mais bon, voilà, c’est comme ça.

www.patronofficial.com
 

Blogger : Benjamin Delacoux
Au sujet de l'auteur
Benjamin Delacoux
Guitariste/chanteur depuis 1991, passionné de musique, entré dans les médias à partir de 2013, grand amateur de metal en tous genres, Benjamin Delacoux a rejoint l'équipe de HARD FORCE après avoir été l'invité du programme "meet & greet" avec UGLY KID JOE dans MetalXS. Depuis, il est sur tous les fronts, dans les pits photo avec ses boîtiers, en face à face en interview avec les musiciens, et à l'antenne de Heavy1, dont l'émission MYBAND consacrée aux groupes indépendants et autoproduits.
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