30 ans nous séparent d’un album culte. « Hammerheart » de BATHORY. En avril 1990, sort cette pièce maîtresse et charnière du groupe suédois, le black metal cède alors la place au viking et doom metal. Nous le savons tous, BATHORY dans ses deux périodes, où il déambula en punk sataniste puis en guerrier médiéval en cosplay, a à chaque fois ouvert la voie (et la voix) à des genres prolifiques. Sacré Quorthon. Un homme-orchestre mondial reconnu, le Rémi Bricka du metal en somme. Je ne vois pas l’intérêt, de décortiquer cet album de façon clinique, des légions entières de chroniqueurs m’ont précédé, et toutes les anecdotes vous les connaissez déjà. Mon envie ? Vous restituer la sensation ressentie, il y a 30 ans, lors de l’écoute de « Hammerheart ».
« Entre l'époque où les hordes barbares ont englouti Rome et l'avènement des grands royaumes Carolingiens, il y eut une période troublée de l'histoire dans laquelle vécurent des hommes et des femmes que l’on nommait vikings. Ces hommes du nord ou northmen, déferlèrent avec bruit et fureur sur toute l’étendue du monde connu. Laissez-moi vous narrer ces jours de grandes aventures. »
Si vous avez entendu en votre for intérieur la musique de Basile Poledouris en lisant mon introduction, alors vous êtes prêts pour plonger dans « Hammerheart ».
Vous les entendez ? Les vagues qui lèchent le rivage d’un village côtier endormi. Quelques cordes électriques caressent adroitement le soleil qui se lève sur l’horizon. Les murailles glacées se réchauffent comme des navires aux silhouettes effilées glissent en se rapprochant sur l’océan agité. Les tambours du destin retentissent, toujours un peu plus forts, toujours un peu plus lourds. L’odeur de la guerre est portée jusqu’à la plage. Enfin résonne la voix de Quorthon. Ce dernier s’est retiré les oursins qu’il avait dans la gorge. Son chant porte plus clairement et langoureusement. Les gourmets pourraient souligner un côté mal maîtrisé, chevrotant et parfois râpeux, mais on est là pour parler de guerriers sanguinaires, pas de la Castafiore ! Plus sérieusement, le chant colle parfaitement, appuyé par des chœurs asgardiens, avec la lente procession des hommes du nord tout en cottes de mailles et armes d’acier. Le morceau prend son temps. Il y a juste à fermer les yeux et nous sommes transportés jusqu’à ces âges lointains et farouches. Le tempo est monté crescendo, l’affrontement arrive, les armes s’entrechoquent comme les riffs dégoulinent de sang. Les hymnes sont définitivement guerriers, un brasier musical purificateur gigantesque porte le titre à son paroxysme. L’auditeur est transporté. C’est d’une puissance lyrique jamais ressentie. Le silence enfin. Les vikings regagnent leurs embarcations et quittent le rivage au sable rougi de sang. Ne résonne bientôt plus que les cornes de brume.
Comme les vikings ne sont pas (que) des monstres sanguinaires, BATHORY sait également se muer en conteur de légendes liturgiques. Rendons-nous tous au "Valhalla" après être tombés au champ d’honneur. Les valkyries en armures sexy c'est quand même mieux que 70 vierges... Quorthon a définitivement tourné le dos aux biquettes satanistes et se fait grand prêtre d’un hymne à la voix claire qui rend hommage aux grands héros qui franchissent les portes du "Valhalla". Les valkyries font pleuvoir des riffs légers et hypnotiques avec leurs harpes, puis les dieux eux-mêmes acclament les élus en frappant sur des tambours sur un rythme aussi rapide que les éclairs de Thor !
Le warrior s’étant reposé on repart batailler. Petit morceau assez brutos, "Baptized In Fire And Ice" est l’un des rares moments où BATHORY ajoute un peu du côté épileptique de son black metal passé, la voix criarde en sus. Chanson rituelle narrant l’histoire d’un enfant très certainement cousin éloigné de notre cher barbare de Conan. Une histoire de lutte sauvage avec la nature, dont l’habillage metal agressif et indompté en est l’écho parfait.
« Hammerheart » est une succession de 7 tableaux héroïques, dédiés entièrement à la civilisation scandinave de l’âge du feu et de la glace. Le point d’orgue se trouve dans "Father To Son". Les chœurs sont des trompettes de la destinée, ils résonnent telle une puissante déclaration d’amour paternelle. L’appui lourd des riffs déversant du plomb fondu, la voix de prophète intemporel de Quorthon, tout cela créé une alchimie. Cette alchimie est la clé de l’aboutissement de l’album. Souvent imité, jamais égalé, par tant de groupes de metal pagan, cet album chante une "Song To Hall Up High". Plus qu’une peinture admirative de la culture populaire viking, qui en vérité était bien moins belliqueuse, il s’agit de vibrer aux sons de la légende. Nous écoutons une ode aux aventures épiques et romanesque tous âges et peuples confondus. Un Voyage nous est conté, Un voyage est notre véhicule pour cette aventure.
"Home Of Once Brave". Epopée avec ces marteaux qui tonnent comme le tonnerre, ces riffs qui pleuvent leur crachin électrisé sur les larges épaules des guerriers. Ensuite c’est l’ultime voyage, "A rode To Asa Bay", longue ballade pagan de 10 minutes. Où la voix de Quorthon pleure autant qu’elle crie de rage. Où les soli se succèdent, pareils aux rayons solaires qui déchirent la brume et viennent baigner ce petit village où se déroule un drame pire que la mort. Les dieux d’Asgard affrontent et succombent devant le dieu de la croix. C'est la fin d'une culture païenne. Le tocsin se fait entendre. Ragnarök n’aura pas pris la forme annoncée.
BATHORY. L’avènement et la mort du viking metal, tout cela en un seul album mythique. De la magie pure et simple. Joyeux anniversaire « Hammerheart » !