28 avril 2020, 19:30

Mike Tramp

• Interview

Mike Tramp est un musicien passionné et passionnant. De WHITE LION à FREAK OF NATURE en passant par ROCK’N ROLL CIRCUZ et sa carrière solo électrique et acoustique, le chanteur danois revient avec un réenregistrement d’un album sorti uniquement au Danemark, en 2009, « Second Time Around ». Confiné dans sa ferme, il se livre avec beaucoup de générosité.
 

Bonjour Mike, que penses-tu de cette pandémie et de ce moment que nous vivons ?
Une horreur, un désastre ! Le monde est mis à genoux.

Où es-tu actuellement ?
Je suis au Danemark, dans ma ferme.

Que fais-tu pendant cette période de confinement ?
Je travaille dans ma ferme. Je suis quasiment seul, avec moi-même, avec la nature. Je travaille à l’extérieur mais aussi dans mon studio. Je ne dois aller nulle part. Donc, OK, j’ai pas mal de boulot. J’ai de quoi m’occuper. Quand je vois la situation dans le monde et que je suis supposé refaire la tournée qui a été reportée, ce serait fin août aux USA et après, l’Europe dont la France, je ne sais vraiment pas quoi penser ni savoir ce qu'il va se passer !

Tu as donc retravaillé les titres de « The Rock 'N' Roll Circuz » pour ce nouvel album « Second Time Around ». Peux-tu nous en parler ?
Déjà, en premier lieu, cet album n’est jamais sorti nulle part, à part au Danemark. J’étais en tournée, je travaillais sur de la musique et un futur nouvel album. Il y avait ce disque et j’ai toujours pensé que ses chansons étaient fortes, mais qu'elles n’avaient jamais été défendues. J’étais dans une période sombre de ma carrière, je ne savais pas vers quoi je me dirigeais. C’était la période entre 2005 et 2008. Je recommençais les choses. Il y avait eu l’épisode Tramp’s WHITE LION.
Je n’étais pas très satisfait des choses mais en tant qu’artiste, j’obtenais des retours comme davantage de demandes de concerts par exemple. J’ai fait le point, j'ai écrit de nouvelles chansons. C’était confus, je ne savais pas où aller. J’ai alors écrit de nouvelles chansons tout seul. J’ai mon propre style, c’est indéniable. Je sais où je vais avec mes mots, de meilleurs mots à chaque fois. J’ai alors appliqué ce processus pour tous mes albums solos. J’ai finalement toujours voulu donner une seconde naissance aux titres de « The Rock 'N' Roll Circuz ». C’est une grosse partie de moi.

Quel a été le processus de création de ce nouvel album ?
J’ai utilisé, en partie, les pistes de bases originales de l’album. elles ont été enregistrées il y a un certain temps. Quand j’ai redécouvert certaines sessions, il y avait des trucs forts. J’ai réduit le nombre de titres à 10 au lieu de 13 comme ce qu’il y avait sur la première version. C’est meilleur en termes d’efficacité musicale.

Pourquoi avoir retiré trois chansons de l’album original ?
C’est sûrement pour ça aussi que j’ai appelé cet album « Second Time Around ». J’ai regardé l’album différemment, fait une rétrospective sur ma carrière. C’était comme je te le disais une période d’indécision totale pour moi. J’ai repensé l’album en 10 titres, tout s’est éclairci pour moi de la meilleure façon possible. En plus, tous les albums classiques ont 10 chansons, ça me parlait.

"Between Good And Bad" sonne très THIN LIZZY. Te souviens-tu lorsque tu as écrit cette chanson?
Oui, bien sûr ! Pour les gros fans de mon travail, ceux et celles qui ont mon coffret « This & That (But A Whole Lot More) » sorti il y a trois ans, il y a plein de démos de titres écrits avant mon album solo « Capricorn », paru en 1998, après la séparation de FREAK OF NATURE. Il y a cinq CD dont deux qu'avec des démos. "Between Good And Bad" est un de ces titres. La chanson s’est retrouvée modifiée bien évidemment du fait des interactions avec d’autres musiciens. Des mots ont été changés, le groove aussi. Si tu écoutes bien le titre sur l’album d'aujourd'hui, ça sonne beaucoup plus comme du Tom Petty.

Mike, j’ai choisi quatre chansons sur cet album, peux-tu nous les commenter ?
Bien sûr !

"All Of My Life"...
C’est un titre fort, une sorte de classique de ce que je sais faire. Il introduit bien l’album dans la direction où il va aller. J’ai mis plein d’éléments de ma vie d’artiste, de ma musique et de ma façon de raconter une histoire dans cette chanson. C’est un peu une vue sur ma carrière, je n’ai rien à cacher. C’est un peu quelque part mon "Born To Run" (Bruce Springsteen). Tu vois, je commence une histoire, je m’en échappe musicalement et je reviens finir l’histoire.

"The Road"...
Tu sais, c’est quelque chose que j’ai découvert très tôt dans ma vie (rires). Dès les années 70, lorsque j’ai commencé à composer. Je me devais d’avoir une vie qui me permettait de chanter sur ce "Road". C’est injuste, tu sais, la plupart de mes héros ont écrit leurs meilleurs albums entre 19 et 20 ans. Moi, j’ai dû attendre plus longtemps pour écrire sur la vie, la route, les personnes, sur une journée que j’appelle mon "Tramp’s endless highway" (l'autoroute sans fin de Tramp). Chaque album est un stop sur cette autoroute. Tu t’arrêtes, tu observes ta vie et tu te demandes où tu vas aller. Tu poursuis un objectif. Je ne souhaite pas changer beaucoup à chaque album, je veux juste poursuivre mon chemin et être à l’aise avec ça et moi-même. Tu connais le personnage, la voiture qu’il conduit, mais tu n’es pas sûr de sa destination.

"Lay Down Your Guns"...
Une de mes préférées. Une chanson sur l’espoir et la vie en général. Cette chanson a été écrite il y a 14 ans. Nous étions au tout début des réseaux sociaux. Avant cela, lorsque tu écrivais quelque chose à propos de ce que tu faisais, à propos de quelqu’un ou tu te plaignais de quelque chose, cela mettait un moment avant qu’il y ait un retour. Tu n’étais plus la même personne 4 ou 5 jours plus tard lorsque tu découvrais le statut ou le message écrit. Avec les réseaux sociaux, tout va très vite. Je le dis, il faut quelques fois déposer les armes avant de répondre vite, impulsivement.

"No Tomorrow"...
C’est un peu ma philosophie. Que va-t-il se passer si je fais ci ou ça ? On s’en moque ! Vis ta vie maintenant. N’attendons pas demain ! Maintenant, c’est le plus important. Tu ne sais pas ce qui va se passer après. Ne perds pas ton temps

"When She Cries" est une chanson spéciale pour toi. Qu’en penses Isabel, ta fille, aujourd'hui ? (cette chanson a été écrite le 2 octobre 2005, le lendemain de sa naissance)
Je ne sais pas ce qu’elle en pense. Lorsque je l’ai écrite, j’étais dans une situation de vie personnelle complexe. Je me suis dit que ma vie allait encore changer. J’ai beaucoup réfléchi. Je te remercie pour cette question car elle ou ma femme ne m’ont jamais rien dit de particulier sur cette chanson. Comment ai-je dû aller puiser profondément dans mon âme pour l’écrire...

...L’émotion est forte sur cette chanson ?
Oui, exactement. Quand ma femme était enceinte, je l’avais dit plusieurs fois sur scène lorsque je jouais cette chanson, je n’étais pas à l’aise avec cette décision et je devais être honnête avec le fait de gérer cela. Tout a bien évidemment changé au moment où j’ai eu ma fille dans les bras les premières secondes de sa vie. Là, je me suis dit que j'allais être père à nouveau et je devais me battre dans la vie pour être plus fort. Ma carrière n’était pas au top, je ne gagnais pas beaucoup d’argent, j’allais avoir un enfant. Je voulais que cette chanson soit plus qu’une berceuse. Je voulais une chanson sérieuse sur ce que peut ressentir une personne à ce moment là de sa vie.

​Peut-on espérer une réunion de FREAK OF NATURE dans le futur ?
Si j’avais pu le faire, je l’aurais fait. J’adorerais. C’est un peu l’esprit des questions sur WHITE LION aussi ! Le fait est qu’après avoir fini avec WHITE LION, j’ai formé FREAK OF NATURE. C’était un beau projet, j’en suis fier. Mais tout ne repose pas sur le chanteur et sa façon de chanter. Tu ne peux pas aller au studio de répétition et tout roule. Actuellement, mon style vocal est différent de FREAK OF NATURE. Cela me prendrait des heures et des heures à rechanter comme à l’époque. Je pense même qu’à un moment, c’est bien de laisser les belles choses là où elles ont été et passer à autre chose pour ne rien dénaturer ou faire moins bien.

Es-tu en contact encore avec les membres de WHITE LION ou de FREAK OF NATURE ?
Oui, avec la plupart d’entre eux. Ce sont mes amis. On se parle de temps en temps. Je suis en paix avec eux. Je suis heureux d’avoir fait partie de ces deux super groupes. Je veux être garant de leur histoire.
 


Mike, je te donne une période de ta vie et tu nous racontes une anecdote à ce propos ?
(Rires)
Je peux essayer.

La chanson "Wait" diffusée sur MTV ?
Les choses ont changé à ce moment. J’ai eu vraiment beaucoup de chance. Vito Bratta et moi avions écrit cette chanson deux ans et demi auparavant. Lorsque l’album a été commercialisé, la chanson est sortie et rien ne s’est vraiment passé. Une station de radio à Minneapolis a joué le titre en prime-time et la réaction des auditeurs a été énorme. Ça a été le début de tout aux USA et lorsque MTV a décidé de diffuser la vidéo de la chanson en rotation, ça a été l’une des plus demandées à l’époque. Ça nous a appris un truc important aussi : tu peux avoir un super groupe, de superbes chansons, un super album, si tu n’as pas la radio ou la TV derrière toi, tout peut passer inaperçu.

Ta première tournée mondiale ?
Je me souviens du Grand Rex à Paris ! C’était vraiment un grand moment. On ne connaissait pas grand-chose. Nous sommes allés à Londres et avons joué trois soirs complets au légendaire Marquee Club. Ça a été un peu partout comme ça pour nous en Europe. C’était vraiment spécial. Le show à Paris a été fabuleux. Après trois chansons, le public était à fond. Cela n’a pas été la même chose lorsque nous sommes revenus jouer à l’Elysée-Montmartre ou au Palais des Sport. Les concerts étaient gros mais le Grand Rex est un très beau souvenir pour moi.

Ton premier tatouage ?
J’ai toujours voulu être tatoué. J’en rêvais depuis l'âge de10 ans. Mon frère aîné l'était. Je n’arrivais pas à me décider pour le motif du tatouage. Avant de finir la tournée de WHITE LION en 1991, je suis allé chez un tatoueur à Orange County en Californie. Cela devait être le dessin de WHITE LION qu’il y a eu sur la pochette de « Remembering White Lion » mais finalement, j’ai fait faire un dragon et je le regrette (rires).

La sortie de l’album « Gathering Of Freaks » de FREAK OF NATURE ?
Pour moi, c’est un moment énorme. Nous avions construit le groupe, écrit un premier album, fait une tournée de 8 mois, écrit de nouvelles chansons pour ce nouvel album. Dès que nous avions des jours off, on se retrouvait deux jours d’affilée en studio de répétition pour écrire. On dormait sur place. On ne l’avait jamais fait ainsi pour WHITE LION, c’était impossible. « Gathering Of Freaks » est une pièce maîtresse en termes de puissance et de son pour un groupe de personnes qui l’a créée ensemble et où démocratie était un mot clé.   

L’album « Cobblestone Street » ?
Le retour à mes racines. Un nouveau départ. Après avoir arrêté avec le ROCK 'N' ROLL CIRCUZ, j’avais pris la décision de ne pas remonter un groupe pour la quatrième fois de ma vie. Je suis allé dans le studio d’un ami, j’avais un certain nombre de chansons. Je ne savais pas quoi faire avec, dans quelle direction aller. Il m’a dit : « Assieds-toi avec ta guitare acoustique, joue comme Bruce Springsteen ou Bob Dylan le feraient et on verra ». Il a dit ensuite : « Peut-on en faire un CD maintenant ? ». C’était une première pour moi, jouer des chansons et les enregistrer comme ça. Voilà comment est né l’album. J’ai été élevé au Danemark dans les années 60 avec Elvis Presley, Bob Dylan, Johnny Cash et d’autres artistes du même genre, ce sont les vraies fondations de mon style. « Cobblestone Street » n’est pas que le nom de la rue où je suis né et ai été élevé. C’est mon retour aux sources, aux racines ! C'était deux ans après avoir fêté mes 50 ans !

Ton meilleur souvenir de la France ?
C'est une question très difficile. Le Grand Rex ! Ce pays a été là pour moi avec WHITE LION, FREAK OF NATURE... J’ai une relation privilégiée avec mes fans français après toutes ces années. J'ai beaucoup joué dans ma vie. Je pensais avoir tout fait mais lorsque j’ai joué à l’Olympia avec Beth Hart, ça a été comme un triomphe pour moi dans la ville de l’amour qu’est Paris !

Si tu devais résumer ta carrière de musicien en quatre mots, ce serait quoi ?
Dylan, Springsteen, Mercury et Bowie !


Retrouvez « Second Time Around » dès le 1er mai, jour de sa sortie, "album de la semaine" dans l'émission "Noiseweek" sur HEAVY1 à partir de 21h sur Heavy1.radio


Blogger : Laurent Karila
Au sujet de l'auteur
Laurent Karila
Psychiatre spécialisé dans les addictions, Laurent Karila a collaboré à Hard Force de 2014 à 2023.
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