Le silence pour seul fond sonore caractérise assez bien ces trois années qui viennent de s'écouler depuis la sortie de « Silence Is The Only Sound » (2017). La rareté des apparences live de Kari Rueslåtten lui confère un côté énigmatique et majestueux comme l'illustre la pochette exclusive et limitée de l'album où elle apparaît drapée de noir sur fond de manteau neigeux. C'est donc en hiver que la chanteuse norvégienne a donné naissance à ce nouvel album en compagnie de son fidèle producteur Jostein Ansnes. Isolée dans une cabane au cœur de la montagne et de cette nature sauvage quelle affectionne tant, la chanteuse s'est lancée dans un voyage introspectif. De cette introspection en est ressorti de nombreuses chansons dont les neuf qui composent ce « Sørgekåpe » en sont la substantielle moelle. Si musicalement elle reste dans l'univers folk auquel elle nous a habitué, elle chante ici en norvégien pour la première fois depuis « Spindelsinn » (1997). Il en ressort un album très personnel, chargé d'émotion, de fragilité et de mélancolie.
"Sørgekåpe" introduit l'album par une superbe mélodie qui en fait indéniablement un nouveau classique qui s'ajoute aux titres incontournables de la chanteuse. Objet du premier clip du disque, la chanson titre est le nom norvégien du papillon Morio qui sert ici de métaphore pour illustrer le sentiment de fragilité qu'elle exprime ressentir au petit matin après une insomnie. "Svever" est une chanson dynamique qui nous invite à survoler son univers musical avant de nous emmener dans une série de chansons épurées et plus acoustiques, but recherché par Kari Rueslåtten dans cet album. Seuls quelques arrangements et soli de guitare viennent subtilement enrichir la musique pour donner du relief à l'ensemble. A travers "Maanen Lyser Ned" évoquant la lune qui s'illumine et "Naar Mørket Faller" l'obscurité qui tombe, nous retrouvons des éléments qui font référence à l'esprit de la chanson titre que Kari Rueslåtten considère comme l'élément central de ce disque. "Blind", second single dévoilé, est un titre mélancolique basé sur une mélodie jouée au piano et l'ajout de violoncelle lui confère une certaine tristesse. Toutefois, l'introduction de la guitare acoustique et du solo dynamise l'ensemble pour nous emmener en douceur vers le dynamique et gai "Alt Brenner Naa" apportant une certaine chaleur. Avec "Savn", on retrouve ce désir de chanson épurée. "Øye For Øye" qui signifie "Œil pour Œil" est une sorte de chant guerrier, en rupture avec le côté poétique inspiré par la nature qu'affectionne la chanteuse. Pour conclure, "Storefjell" propose une sorte d'incantation à une divinité représentée ici par ce sommet montagneux situé au cœur de la Norvège.
Avec la complicité de Jostein Ansnes, Kari Rueslåtten réussit superbement à faire de « Sørgekåpe » un album emprunt de nature et de folklore nordique.