6 juin 2020, 16:00

SURVIVAL ZERO

• Interview Pierre Lebaillif

En alliant le groove du hardcore à l’énergie du metal extrême, SURVIVAL ZERO donne naissance à une musique percutante et intense prenant parfois la direction du post-hardcore dans ses ambiances. Les textes puisent leur inspiration dans la littérature de ASIMOV ou KAFKA pour aborder l’isolement, la dépression ou l’expression d’une violence contenue. L’isolement, est le thème principal du l'album « The Ascension » de SURVIVAL ZERO, le sujet vient trouver une résonance particulière au travers de cette nouvelle journée promo par téléphone, confinement oblige au moment de l'entretien avec le chanteur Pierre Lebaillif. Une première pour le groupe français qui ne semble pas déstabilisé par l’exercice.

Le premier album « The Ascension » est sorti en avril dernier, des toutes premières ébauches à aujourd'hui, quel est ton regard sur le travail accompli ?
J’aime bien la façon dont tu tournes la question. Car justement l’album parle de cela, du cheminement d’un point A vers un point B, et en observer l’évolution. On part dans notre cas de quelque chose de plutôt négatif, et on essaie de s’élever vers le haut. Au début du groupe, mes idées de chansons je les avais déjà depuis quelque temps. J’ai d’abord fait écouter mes morceaux à Thibaut, et cela lui a plu. Je me suis alors improvisé guitariste, et on a commencé à jouer dans le but de les intensifier. Très rapidement, Ben et Régis sont venus nous rejoindre pour la guitare, puis enfin Pierre à la basse qui a enrichi le son des guitares et de la musique en général, car il ne joue pas les mêmes parties que les guitaristes, ce qui fait au passage la singularité du groupe. Les choses se sont déroulées assez naturellement, cela peut s’expliquer par le fait qu’on se connait tous très bien depuis longtemps. Nous avons déjà eu des groupes ensembles, donc nous avons vécu cela comme des retrouvailles.

Visiblement ton parcours en tant que musicien est lié à celui des autres membres ?
D’une certaine façon oui. Par exemple j’ai eu mon premier groupe avec Pierre le bassiste. Cela remonte à très longtemps, et il vaut mieux oublier cette période (rires). J’ai fait partie d'un groupe de hardcore en tant que bassiste avec Ben. Je sais que Régis et Pierre ont eu pas mal de groupes en commun, et ce dans des registres très différents. Sans oublier Ben et Regis qui ont aussi fait de la musique tous les deux. Il n’y a que Thibaut avec qui nous n’avions jamais joué par le passé. Mais j’ai partagé pas mal de scènes avec lui, j’étais dans un groupe qui s’appelait SONS OF SECRET et lui SHREDDING SANITY. Les registres ont été tous très différents : black, death, post-hardocre, metalcore, thrash et même du rock ambient, ce qui participe aujourd’hui au son de SURVIVAL ZERO.

Effectivement, à travers ton chant on peut percevoir des influences hardcore, death et thrash, peux-tu mettre des noms sur ces différents genres ?
En ce qui concerne mon chant l’inspiration est à chercher chez plusieurs personnes. Comme Randy Blythe de LAMB OF GOD ou Corey Taylor de SLIPKNOT et STONE SOUR, qui lui va surtout m’inspirer pour son débit et son groove. Dans un registre un peu plus death j’aime beaucoup IMMOLATION et DISBELIEF, même si je n’évolue pas forcement dans ce milieu. Et enfin Nergal de BEHEMOTH va être une grosse influence pour moi dans la façon dont je vais poser ma voix. Il y a une intensité dans son chant, aussi bien en concert qu’en studio. Il arrive à faire passer des émotions qui me touchent beaucoup. Après, je m’entraîne sans essayer de faire pareil que lui, alors que les autres seraient plutôt des influences inconscientes.

Pour la sortie de l'album vous avez organisé une release-party audio quels ont été les retours ?
Ils ont été assez positifs, déjà de la part Hell OnlYne qui diffusait la release-party. Nous avons choisi quelques extraits de l’album, et surtout une playlist des chansons qui nous plaisent à tous individuellement. Cela nous a permis d’échanger sur nos parcours et les origines du groupe, sans trop de sérieux bien sûr !

Aviez-vous prévu initialement une release-party dans un lieu, physiquement ?
Nous avions prévu une release-party classique chez un disquaire à Troyes, donc chez nous, qui s’appelle The Message.  Nous devions passer notre album et nos vinyles préférés. L’occasion était de rencontrer des gens et de discuter autour d’un verre. Nous avons eu moins d’interaction en direct, mais nous avons eu aussi des messages par la suite sur Facebook et Instagram, c’était cool.

Concernant les différentes phases d’enregistrement, avec qui avez-vous collaboré ?
Pour l’enregistrement et le mixage nous sommes allé chez Mat Chiarello, il a un studio dans le Nord. C'est le guitariste du groupe W.I.L.D et nous avons des amis en commun, c’est pourquoi nous l’avons contacté. Aussi parce qu’il avait enregistré les deux derniers albums de W.I.L.D, et nous les aimions beaucoup. Cela nous a permis d’aller loin de chez nous et de sortir un peu de notre zone de confort. Le fait de ne pas rentrer chez soi le soir nous a mis dans un certain état d’esprit que l’on cherchait pour l’album, et Matt a réussi à le saisir dès l’enregistrement. Avant d’aller en studio nous avons eu des échanges, nous lui avions envoyé nos maquettes pour qu’il puisse anticiper la production, et nous sommes arrivés en studio en sachant jouer un minimum nos morceaux. Du coup nous avons passé plus de temps à discuter du son. Mat nous a proposé des idées, et il a même pris le groupe par la main. Et ce dans la bonne humeur avec beaucoup de fous rires (rires).

D’autres intervenants ont indirectement contribué à la création de cet album, c’est M&O Music et Season Of Mist, que peux-tu nous en dire ?
Nous avons eu quelques échanges avec Season Of Mist sur la partie logistique, j’ai eu notamment une conversation avec David Lefur, le responsable de la distribution. Ce qui les a surtout un peu guidés pour trouver des labels derrières, car il faut avoir un label pour être distribué. Par la suite nous avons fait les choses de façon classique, nous avons d’abord envoyé l’album à plusieurs maison de disques puis nous avons eu plusieurs touches. Force est de constater qu’avec M&O Music nous avons davantage trouvé ce que l’on recherchait, par rapport à d’autres labels qui se montraient également enthousiastes. On a vraiment senti qu’il se sont mis à notre niveau et qu’il y avait une oreille attentive de leur part. Leurs apports ont fait évoluer le projet, et nous en sommes contents.

Les textes s’inspirent d’œuvres comme "2001, L’odyssée de l’Espace" d’Arthur C. Clark ou le fameux "La Métamorphose" de Kafka, est-ce uniquement toi qui décide des thèmes abordés ?
Il y a deux étapes dans l’écriture d’un texte. Premièrement lorsque j’ai une idée pour un thème j’en parle aux gars du groupe, pour avoir leur validation. Je ne voudrais pas chanter des paroles que les gars n’assumeraient pas. Je m’occupe seul de l’écriture, mais j’ai toujours à cœur de présenter les textes et expliquer comment je compte poser le chant. Une fois qu’ils ont validé, je me mets dans ma bulle pour écrire les textes, cela prend plus ou moins de temps selon les chansons.
 


Est-ce qu’il y a un fil conducteur sur cet album ?
Oui. En fait quand j’ai lancé l’initiative du groupe, je sortais depuis quelques mois d’une dépression. J’ai eu envie de refaire de la musique après, et d’une façon un peu métaphorique, j’avais envie d’aborder cette période pour la transformer. Que ce soit une dépression ou une autre maladie, c’est quelque chose que tu trimbales toute ta vie, je voulais donc en être fier à travers la musique. C’est donc le fil rouge de l’écriture de base, mais j’utilise aussi beaucoup de métaphores pour parler de l’espace. Comme je me sentais un peu perdu quoi de mieux que d’imaginer quelqu’un au milieu de l’espace, cette immensité échappe tellement à notre compréhension sur notre petite planète.

La vidéo du single "Ascencion" dévoilée fin mars est le premier extrait de l’album, j’imagine que ce titre est l’un des plus représentatif de ce fil conducteur ?
Même si ce n’est pas un album qui raconte une histoire, il y a quand même une sorte de narration qui s’est mise entre les chansons. Il faut donc reprendre le morceau juste avant, "Old Man's Path", c’est le point de départ de l’ascension qu’on essaie de construire dans la musique et dans les textes. C’est un point de départ assez négatif dont il faut s’extirper. "Ascencion" c’est donc le titre juste après qui représente le début de cette volonté. Le clip a essayé de mettre en image le texte, il y a l’idée de l’enfermement qu’on fait subir à soi-même, et la folie que cela peut générer.

SURVIVAL ZERO ne serait-il pas ta catharsis ?
Sans doute. Après si j’avais parlé d’autres choses dans les textes, cela aurait eu quand même cet effet cathartique. Je suis convaincu que tout œuvre artistique possède cette fonction. Pourquoi on lit, on regarde ou on écoute telle œuvre plutôt qu’une autre ? Pour moi la musique, et plus particulièrement le metal, j’en écoute parce que c’est une soupape qui m’amène de l’équilibre. Il y a des gens qui vont avoir besoin de faire du yoga, et moi j’ai besoin d’aller en concert pour headbanger, et j’ai aussi besoin de faire de la musique.

Durant la période de confinement quel a été ton passe-temps préféré excepté la musique ? Peut-être que tu t’es trouvé une nouvelle passion ?
Je dirais la lecture. Je possède énormément de livres et j’en ai toujours quatre ou cinq en cours. Je regarde aussi beaucoup de films. Sinon je n’ai pas développé de nouvelles passions, même si je suis quelqu’un de très curieux. Car je suis travailleur social, et pour nous cette période est plus intense qu’à l’accoutumée. J’ai certes des moments de repos, mais comme je n'étais pas enfermé chez moi toute la journée, je n’ai pas forcement eu assez de temps pour en développer une nouvelle. Si j’en avais eu suffisamment durant le confinement, j’aurais bien essayé de faire de la calligraphie, je trouve cela génial. En te disant cela, je me fais un peu une promesse à moi-même pour plus tard (rires).

Et avec les autres membres avez-vous pu continuer à garder le lien et à faire avancer le groupe ?
On s'est contactés assez régulièrement en visio, déjà pour prendre des nouvelles, et aussi pour discuter du groupe, la promo battant son plein. On en a profité pour échanger des idées de riffs et de morceaux. Pour le coup la période a été plutôt propice à cela, on a redirigé l’énergie qu’on aurait dû utiliser pour les concerts.

Justement, quels sont vos projets pour 2020 et après ? Ou est-ce encore trop flou ?
Les concerts qui étaient prévus sont reportés, les organisateurs nous l’on dit. Après, tout le monde navigue à vue, on ne sait pas quand et dans quelles conditions ils seront reportés. On verra bien, on prend cela avec philosophie, cela ne sert à rien de se projeter sur un avenir qui semble bien incertain. Il semblerait qu’on puisse bientôt retourner répéter, et on va le faire dès que possible. On se voit toutes les semaines pour répéter et prendre un verre, c’est un moment qui est privilégié pour nous cinq. J’espère qu’à l’automne, pour nous, tous les artistes, toutes les associations, le public, les organisateurs, les promoteurs, et même les agents de sécurté, on n’en parle pas trop mais il ne faut pas les oublier, on pourra retourner assister à des concerts.
En attendant, merci à toi et à HARD FORCE de votre intérêt pour le groupe, et aussi aux personnes qui liront cet entretien. J’espère que cela leur donnera envie d’aller découvrir SURVIVAL ZERO. En espérant qu’on puisse se recroiser rapidement en concert, pour vibrer sur notre musique ensemble, et sur celle qu’on affectionne tous.
 

Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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