30 mai 2020, 17:00

LESOIR

• Interview Maartje Meessen & Ingo Dassen

Après une tournée européenne en première partie de RIVERSIDE, LESOIR est retourné en studio avec John Cornfield pour mettre en boîte son cinquième album. Alors que la sortie de « Mosaic » devait être le point de départ d'une nouvelle étape, il est sorti en plein confinement et la tournée promotionnelle est malheureusement reportée. C'est donc virtuellement que nous nous sommes rendus à Maastricht pour rencontrer Maartje Meessen et Ingo Dassen, les leaders du groupe.


Comment avez-vous vécu ces cinq semaines en tournée avec RIVERSIDE ?
Ingo : C'était une super expérience ! Nos précédentes tournées avec EVERGREY, THE GATHERING ou en Chine étaient plus courtes. Cette fois-ci, nous sommes allés presque partout en Europe.
Maartje : La réponse du public est centrale en tournée. C'est un élément essentiel qui influe sur ton ressenti. L'intérêt du public de RIVERSIDE à notre égard a été au rendez-vous chaque soir. Avec EVERGREY par exemple, c'était moins le cas. Certains soirs, les gens étaient impliqués et d'autres indifférents. Mais cette fois-ci, les fans de RIVERSIDE ont manifestement apprécié ce que nous avions à leur proposer. D'ailleurs, notre tournée promotionnelle en tête d'affiche pour « Mosaic » qui malheureusement est reportée à l'automne est aussi une conséquence de ces retours positifs.

Que du positif donc...
Maartje : Oui, excepté cet accident de la route dont nous avons été témoins en Roumanie alors que nous roulions en direction de Belgrade. Bien que nous soyons arrivés peu de temps après l'accident, c'était très intense car la personne qui a sollicité notre aide ne parlait pas anglais et celle restée dans le véhicule était décédée. Ce sont des instants dont l'intensité émotionnelle te rappelle la fragilité de nos vies.

Qu'entendez-vous par le fait d'avoir suivi un chemin légèrement différent dans la réalisation de cet album ?
Ingo : Ce n'est pas quelque chose de prémédité en fait. C'est en écoutant les enregistrements que tu réalises que les compositions sont plus mélodiques et plus groovy. Qu'elles sont moins heavy, qu'elles renferment moins de colère. Nous avons grandi et mûri par rapport au monde qui nous entoure.
Maartje : Depuis le dernier album, nos situations ont aussi évolué dans le bon sens, puisque nous vivons maintenant dans nos propres logements et que nos situations professionnelles se sont stabilisées. Cela contribue à aborder la vie plus sereinement. La réponse du public de RIVERSIDE a aussi influé sur notre façon d'aborder la musique car nous avons constaté que leur intérêt était plus fort pour nos titres les plus mélodiques. C'est tout cela qui fait que nous avons suivi naturellement un chemin quelque peu différent.

Comment s'organise le processus de composition ?
Ingo : C'est moi qui suis à l'origine des idées. Je compose les lignes de guitare et de basse et aussi la batterie à l'aide de samples. Cela me permet de maquetter les titres que je soumets ensuite aux autres qui ont toute latitude pour apporter leurs idées et finaliser les titres. Bob et Ingo (Jetten) sont respectivement de bien meilleurs batteur et bassiste que moi. Leurs contributions sont essentielles à la finalisation des titres.

A quel moment intervient l'écriture des paroles et des lignes de chant ?
Maartje : La plupart du temps, je commence l'écriture lorsque Ingo vient de terminer le maquettage. C'est souvent un moment délicat pour moi car j'ai besoin d'une dead-line pour avancer. L'écriture des textes se fait donc dans le stress. Pour « Mosaic », Ingo avait terminé la composition depuis bien longtemps lorsque je me suis mise à écrire les paroles. Toutefois, nous avons procédé de manière légèrement différente en utilisant ma voix comme un instrument. Comme Ingo et moi vivons ensemble, il m'était possible de réfléchir aux lignes de chant très tôt dans le processus de composition.
Ingo : Cela a permis que le chant et la musique soient plus imbriqués.

Pourquoi avoir intitulé cet album « Mosaic » ? Est-ce un concept album ?
Ingo : « Mosaic » n'est pas un concept album. Il faut plutôt voir cet album comme la réalisation d'une œuvre d'art. Du processus de création ressort un ensemble de neuf titres, eux-mêmes résultat d'un assemblage d’éléments musicaux. Quand vous terminez une œuvre, il vous faut lui donner un nom. « Mosaic » nous est donc apparu bien adapté pour qualifier cet album.

Si le line-up de LESOIR s'est plutôt stabilisé depuis l'arrivée de Bob van Heumen à la batterie, on constate encore beaucoup de mouvements chez vos bassistes. Quelle en est la raison ?
Ingo : LESOIR est une grande famille dans laquelle on ne se dit jamais adieu. C'est comme un train qui avance. Des personnes y montent et d'autres en descendent. Le départ n'est jamais lié jusqu'ici à des problèmes relationnels. Notre ancien batteur Ruben Israel reste un très bon ami. Lorsqu’il a quitté le groupe, il était très pris par DELAIN. Il lui était donc devenu difficile de continuer l’aventure avec nous. Ingo Jetten est aussi musicien professionnel. Il a beaucoup de projets et c'était devenu difficile pour lui de tout combiner. C'est pour cela qu'il a laissé sa place à Ruben Heijnsbroek. Quand est venu le moment d'entrer en studio pour « Mosaic », nous avons fait appel à lui car il existe une alchimie forte entre Bob et lui. Comme nous enregistrons tous ensemble, cette osmose du socle rythmique est essentielle.
Maartje : il en va de même avec Dachuan, notre ancien bassiste. Il nous a quitté lorsqu'il est parti vivre en Chine. Maintenant, il vit aux Etats-Unis et lorsqu'il est dans les parages nous passons d'excellents moments ensemble. 

Depuis votre second album, vous travaillez invariablement en studio avec John Cornfield (MUSE, SUPERGRASS, Ben Howard, Robert Plant, ...). Quelles sont les raisons de cette constance ?
Ingo : Avec John notre relation va au delà du cadre professionnel. Nous sommes des amis proches. L'entente avec un producteur est essentielle. Avec le producteur de notre premier album cela n'avait pas fonctionné. John est a l'écoute du groupe et nous sommes aussi à l'écoute de ses conseils. Personnellement, ce que j'aime le plus est de jouer live et rencontrer les gens après le concert. J'aime beaucoup composer et la phase d'enregistrement et de production est aussi excitante. Travailler avec John Cornfield apporte beaucoup de sérénité.

Vous avez donc trouvé en lui la personne idéale pour produire votre musique.
Maartje & Ingo : Oui. Exactement !

Cette fois-ci Paul Reeve s'est joint à John Cornfield pour la production. Comment est née cette collaboration ?
Maartje : Ce n'est pas la première fois que nous travaillons avec deux producteurs, mais cette fois-ci je ne voulais pas simplement venir poser ma voix sur la musique. Je voulais que ma voix fasse partie intégrante des compositions. Bien que je souhaitais aborder le chant différemment, j'en ai une approche très soliste et individualiste. Il m'est difficile de travailler avec quelqu'un. Il me fallait donc une personne qui prenne en considération mes attentes et m'accompagne là où je voulais aller sans chercher à m'imposer sa vision. Avec John, nous en avons beaucoup discuté. Comme il a par le passé souvent travaillé avec Paul, ils se connaissent bien et il m'a dit qu'il serait la personne adéquate. Il a en effet été très à l'écoute de mes remarques et mon ressenti, tout en étant une force de proposition et en me poussant quand cela était nécessaire au delà de mes limites. J'ai pu ainsi découvrir des choses dont j'ai beaucoup aimé le rendu et auxquelles je n'aurais jamais pensé seule. A contrario, quand quelque chose ne me convenait pas je le disais et nous passions à autre chose sans qu'il en prenne ombrage.

De ce fait, il était difficile de travailler tous ensemble dans le même studio...
Maartje : Oui, c'est pour cela que nous avons dû tout enregistrer en 10 jours. Le groupe avec John d'un côté et Paul et moi de l'autre. Lorsque nous voulions tester certaines choses ou faire des chœurs, ils me rejoignaient en studio.

Ce que tu dis corrobore mes impressions sur le chant. D'abord, que ce soit ta meilleure prestation studio à ce jour pour un album de LESOIR et ensuite que ton chant sur « Mosaic » soit restitué comme un instrument à part entière.
Maartje : Merci beaucoup.

Toutefois, au début de "Is This It" il y a un passage inhabituel sur lequel ta voix se fait dissonante avec un effet rajouté. Pourquoi ce choix ?
Maartje : Il est vrai que je n'ai jamais expérimenté cet aspect jusqu'ici et que je préfère les voix brutes sans trop d'effet, mais Paul m'a convaincue. Comme "Is This It" est un morceau qui comporte des parties assez heavy, l'ajout d'effet permet d'accroître le côté brut et colérique du morceau. 
Ingo : Nous ne voulions surtout pas utiliser des effets pour cacher quelque chose, mais pour apporter un plus au morceau.



Quelle a été la contribution de Jo Partridge pour cet album ?
Ingo : Aucune en fait. Ayant un excellent souvenir de nos précédents passages aux studios Airfield, nous avons demandé à John s'il serait possible d'y retourner. Jo Partridge en est le propriétaire et comme il était présent, il passait tous les jours nous voir. C'était vraiment cool de le voir et nous avons passé des moments incroyables avec lui.
Maartje : C'est quelqu'un d'assez discret. Il passait parfois dans le studio alors que nous étions entrain de travailler avec Paul ou John, il s’asseyait dans un fauteuil sans dire un mot, juste écouter ce que nous faisions et avant de partir il disait simplement « J'aime beaucoup ! ». Ces instants avaient quelque chose de magique.

Sur le titre "Dystopia" le chant laisse place à une voix masculine parlée. Quelle est cette personne ?
Ingo : Georges Orwell lors de sa dernière interview.

Pourquoi ce choix ?
Ingo : Initialement, "Dystopia" devait faire l'objet d'une chanson normale et puis il m'est apparu qu'il fallait que ce soit un instrumental. Le titre est composé de trois parties dont la musique se fait de plus en plus heavy jusqu'à atteindre quelque chose d'apocalyptique et cela m'a fait pensé à une dystopie musicale. J'ai alors recherché des personnes qui parlait de la dystopie. Quand je suis tombé sur cette interview qu'il a donné à la BBC, j'ai trouvé que ça correspondait exactement à mon ressenti. J'ai donc décidé d'utiliser ses propos.  

Si la référence à PINK FLOYD revient souvent sur l'album, quels sont les autres groupes qui vous influencent ?
Ingo : PINK FLOYD en effet, mais aussi PORTISHEAD, MASSIVE ATTACK, Steven Wilson, PORCUPINE TREE, RIVERSIDE évidemment, mais de manière générale les lignes de guitares de l'univers post-rock et la musique classique. Lorsque je compose j'aime procéder par couche successive un peu à la manière dont le faisait Bob Ross en peinture. La beauté des mélodies et des lignes vocales est au centre de l'univers que nous cherchons à créer.

Sur le clip "Somebody Like You" on te voit jouer d'un instrument ancien ? Fait-il référence à l'histoire de ces deux amis bosniaques, l'un musulman et l'autre chrétien, dont les paroles sont inspirées ?
Maartje : Cet instrument est un saz. Nous l'avons découvert au Pavarotti Music Center à Mostar en Bosnie lors de notre tournée, il y a deux ans maintenant. A l'époque c'est Eleen qui avait pris l'initiative d'en jouer. Comme la chanson existait déjà à cette époque, nous avons décidé de l'enregistrer avec cet instrument. Pour les besoin du clip, nous avons emprunté un saz électrique et peut-être le ferons nous aussi en tournée.



A l'écoute de l'album ce qui est remarquable c'est la clarté du son et le parfait équilibre entre les différents instruments et la voix. Était-ce le but recherché ?
Maartje : C'est en effet le but que nous recherchions invariablement. C'est important pour nous que l'auditeur puisse entendre chaque chose que nous faisons et tout particulièrement pour cet album. Si ce n'est pas le cas alors nous estimons que ça n'est pas la peine de l'enregistrer.

Votre album est sorti en pleine crise sanitaire du Covid-19. Votre tournée en tête d'affiche est reportée. Comment voyez-vous l'avenir ?
Ingo : Nous avons en effet investi beaucoup d'argent dans cet album. Entre le studio, notre séjour en Angleterre, la promotion de l'album, les personnes recrutées pour notre tournée... Nous sommes triste que tout cela soit reporté en novembre, mais la santé de tous est le plus important. D'une certaine manière, nous sommes chanceux, car nous avons tous un métier. LESOIR survivra donc à cette crise. Par contre, tout le monde doit prendre conscience que pour les musiciens qui vivent de la musique, la situation est particulièrement difficile. Le report ou l'annulation des tournées, cela les prive de ressources financières et les mette de ce fait dans des situations très délicates. Si ce virus est une merde, il nous offre la possibilité d'écouter plus de musique, de découvrir de nouvelles choses et de prendre le temps de nous en imprégner. Plus que jamais, les musiciens ont besoin de la solidarité de leurs fans. Si les plateformes numériques offrent un accès facile et rapide à la musique, les revenus qu'elles génèrent restent insignifiants et ne permettent pas aux artistes de vivre. Il est donc encore plus important dans cette période difficile de soutenir les artistes en achetant leur musique.


Vous pouvez commander l'album « Mosaic » en sur le webstore du groupe ici.

Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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