16 juin 2020, 15:00

LAMB OF GOD

• "Lamb Of God"

Album : Lamb Of God

Simultanément au cours du mois de mars, là où je m’attendais à recevoir leurs albums respectifs et imminents, le label nous fait parvenir les deux singles radio de LAMB OF GOD et de PARADISE LOST. Et en voulant d’abord écouter le premier, j’ai de suite cru à une grossière erreur technique : mais nom de dieu, ce "Memento Mori" sonne comme du PARADISE LOST période « One Second » ou bien c’est moi ? En tout cas, seulement sur ses quatre-vingt dix premières secondes — mais le bluff est saisissant, de taille, tant on a même l’impression de littéralement entendre les SISTERS OF MERCY. Coup de bluff en effet, puisque le coeur du single déboule sans plus de nouvelles surprises, et s’impose là, clairement, comme du pur LAMB OF GOD, assez classique dans le fond et dans la forme, avec un break bien heavy qui vous a déjà bien fait headbanger pendant le confinement, avant que l’ambiance bat-cave gothique ne vienne se redessiner en filigrane le temps de quelques notes. Etonnant, audacieux et déroutant. D’autant qu’on retrouve quelques stigmates de cette inspiration gothique dans le chant clair de Randy Blythe sur "Bloodshot Eyes".

Les groupes connaissent-ils tous, à un moment ou à un autre, un gros revirement de situation, une tuile, un échec, un drame, une tragédie ? Comme dans la vraie vie, euh, « c’est la vie », aurais-je fatalement envie de dire avec une pointe d’accent américain. Mais pour le coup, la trajectoire ascendante, que dis-je, quasi-exponentielle des Américains depuis une quinzaine d’années et « Ashes Of The Wake » s’est d’un coup vue freinée par The Czech Incident et le séjour en prison du chanteur suite au décès accidentel d’un de ses fans aux abords de leur scène à Prague en 2010. Changement de batteur ensuite : on croyait l’incroyable grand-frère Chris Adler inamovible, mais non — et pour être honnête, le son de « Lamb Of God » n’en est pas drastiquement modifié pour autant : son remplaçant Art Cruz, ex-PRONG, spectaculaire de technique et de vélocité, fait illusion et oui, définitivement oui, le groove de leur thrash metal demeure inchangé.

Oh, et autre revers de taille : l’annulation de la tournée européenne avec KREATOR qui devait précéder la sortie de l’album, et générer une méchante ambiance dans un Olympia pour lequel on s’était mentalement méchamment préparés. Mais ça, ça vaut pour tous. Et cette "petite" frustration n’a eu aucun impact sur un album lui aussi très méchamment vénère, et enregistré depuis belle lurette. Enregistré, d’ailleurs, par le toujours aussi fidèle Josh Wilbur, détenteur du savoir-faire depuis cinq albums maintenant, mais cette fois dans le cadre privilégié des Studios 606 de Dave Grohl au nord de Los Angeles — un endroit magique que nous avons eu la chance de visiter deux fois et où la batterie sonne forcément bien, entre autre !

Car s’il subsiste toujours, marque de fabrique oblige, ce swing (oui, allons-y pour le mot "swing" !) qui rend le metal de LAMB OF GOD aussi attractif, croyez-moi, la colère est là, bien là, entre la frustration engrangée depuis toutes ces années, et l’exquise sensation de cette mono-phalange de petit orteil boudiné qui vient se crasher au ralenti contre un parpaing en béton armé qui traînerait là par terre — avant que vous ne vous vous preniez d’ailleurs le-dit parpaing dans la gueule, comme le veut la métaphore musicale établie. Car c’est avant tout de cela qu’il s’agit : du retour de la vengeance du groupe qui ne va pas se laisser marcher sur les pieds. Non, cinq années se sont écoulées depuis le plus aventureux « VII : Sturm Und Drang » : on a mangé notre pain noir, mais on revient plus forts et vénères encore, comme toutes les énièmes séquelles de franchises se slashers ou de guerriers intrépides, en mode nitzschéen : ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Peut-être "Resurrection Man" se veut-il pour le coup un brin plus heavy encore, genre death metal old-school et mid-tempo, qui caractériserait pour le coup « ce retour du fils de la vengeance » — et avec son riff pré-break qui va faire très, très, très, très, très, très, très mal dans le pit dès qu’on aura relâché les fauves.

C’est grosso modo ce qui est exprimé ici, dans l’esprit, à travers dix morceaux costauds qui ne révolutionnent pas vraiment le groupe pour lequel vous avez / nous avons / j’ai tant d’affection. Car hormis la surprise (DE TAILLE !) du single sus-mentionné, eh bien tout cela est bien classique, ainsi majoritairement des up-tempos bien courroucés, de "Gears" à "Routes" (qui bénéficie du renfort de Chuck Billy de TESTAMENT, bien reconnaissable dans les choeurs, perçu avant même qu’on en ait la moindre info !), certains en roue libre comme ce "Poison Dream" qui accueille pourtant Jamey Jasta de HATEBREED, et d’autres encore qui, parfois, décélèrent sensiblement pour laisser s’appesantir des riffs bien pesants, en passant par ce "New Colossal Hate" aux relents plutôt slayeriens, qui vient tout résumer, ma foi.

Alors l’utilisation explicite d’un titre d’album éponyme, sobre et définitif, caractérise-t-il ici cette fois la signature définitive de l’artiste, bien conforté dans sa zone de confort artistique — ou bien un nouveau départ à marquer d’une pierre blanche, noire, grise, mauve ou indigo que sais-je ? Ni l’un ni l’autre à vrai dire : il s’agit juste d’un album de plus, mais surtout d’un album de qualité, mais comme l’étaient jadis « Sacrament » ou « Wrath ». Pas des chefs d’oeuvre, mais des sommets de conviction. Et pour le coup foutrement convaincants.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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