A cause de ce satané virus, il aura fallu l’attendre longtemps la sortie de ce « Cannibal », sixième album des Britanniques BURY TOMORROW, après un « Black Flame » (2018) très convaincant. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, on reprend les mêmes ingrédients, en y ajoutant un petit soupçon de mélancolie, due à l’apparition des claviers et le ralentissement du tempo sur certains titres ("Quake", "Better Below").
Evoluant toujours dans un registre metalcore moderne caractéristique, avec rythmes bien bourrins, voix growlées de Daniel Winter-Bates sur les couplets, voix claires de Jason Cameron sur les refrains, guitares véloces et mélodiques, BURY TOMORROW utilise à l’envi la formule sur toutes les chansons de cet album, qui sont construites de manière identiques, à la manière d’un AS I LAY DYING ou d’un KILLSWITCH ENGAGE. Mais il faut bien reconnaître que les Anglais sont doués et que « Cannibal » passe comme une lettre à la Poste (hors temps de grève ou de Coronavirus). L’album est bien construit, alternant moments très speed ("Choke", "Voice & Truth", "Dark Infinite", "Imposter"), bien sombres et introspectifs ("Cannibal", "The Grey (VIXI)", "Cold Sleep") ou plus mélancoliques avec la très belle "Quake", l’un des titres les plus prenants du disque.
C’est dans cette diversité et cette palette d’émotions variées que « Cannibal » se distingue de son prédécesseur, qui avait tendance à être un peu trop monolithique. Ce disque est aussi celui sur lequel Daniel Winter-Bates s’est le plus investi personnellement, les chansons abordant les moments les plus sombres de sa vie et le fragile équilibre de sa santé mentale. Et le titre de l’album n’a pas été choisi par hasard. Il l’explique ainsi : « Le terme cannibal fait référence au fait d’être rongé par ses propres pensées, mais aussi par d’autres humains. Nous ne sommes pas gentils avec nous-mêmes, encore moins avec les autres. »
Parfaitement produit par le guitariste de SIKTH, Dan Weller, connu pour son travail sur les albums d'ENTER SHIKARI et YOUNG GODS entre autres, puis mixé et masterisé par Adam "Nolly" Getgood et Ermin Hamidovic, qui ont également opéré sur le superbe « Holy Hell » d’ARCHITECTS, cet album est indéniablement réussi, offrant ce qu’il attend à tout fan de metalcore qui se respecte : mélodie, brutalité et émotion. Le tout condensé et sans fioritures inutiles.
« Cannibal » est un pallier de plus dans l’évolution du groupe, montrant un visage plus humain, avec des fissures dans le mur du son, des failles dans l’esprit qui vacille, et par conséquent, un visage plus fragile aussi. Avec de telles qualités, BURY TOMORROW aurait quand même tout à gagner à renouveler la recette pour que les auditeurs ne finissent pas par se lasser, à la longue. Et les musiciens en ont largement les capacités et la maturité nécessaires, à n’en point douter.