29 juillet 2020, 17:13

Dee Snider

• Interview

Après le très bon « For The Love Of Metal » sorti en 2018, Dee Snider revient, non pas pour un nouvel album studio, mais pour un live tout simplement intitulé « For The Love Of Metal Live! » qui, vous l’aurez compris, fait la part belle aux nouveaux titres. Mais on y retrouve aussi bien évidemment des classiques de l’ex-frontman de TWISTED SISTER, WIDOWMAKER, et d’autres reprises des groupes qui l’ont marqué durant sa carrière et sa jeunesse. Cette figure du metal nous a consacré un peu de son temps afin de passer en détail son actualité mais aussi quelques souvenirs de jeunesse.


Bonjour Dee, merci de nous accorder cette interview par téléphone au vu des circonstances actuelles. Comment vas-tu ?
Dee Snider : 
Je vais très bien. Je vis la moitié du temps à Bélize en Amérique Centrale avec ma femme et ça fait quatre mois qu’on y est. Ici, il n’y a pas de Covid pour la simple raison que le gouvernement est très strict. Ils ont fermé toutes les frontières et si tu ne portes pas de masque, tu te chopes une amende de 5 000 dollars et si tu te fais prendre une deuxième fois, c’est direct en prison. Le soir, il y a un couvre-feu et il y a des rondes de police militaire sans arrêt pour s’assurer que la population suit bien les règles. Donc, tout est verrouillé ici mais au moins, on est tous en bonne santé, alors tu vois, tout va bien de mon côté.

Après ces mois de crise sanitaire, la plus importante période de trouble mondiale depuis plus de 75 ans, il semblerait que nous retournions doucement vers une vie normale. Quel est ton ressenti et en as-tu tiré des leçons ?
C’est clairement un truc que je n’avais jamais vécu avant dans ma vie et je pense que personne vivant aujourd’hui n’a vécu une telle situation auparavant. Ça me fait penser à la peste, c’est affreux et je pense qu’il y a des leçons très importantes à en tirer. Tout ça à cause d’un truc minuscule et voilà le monde entier complètement paralysé. On se doit d’apprécier ce qu’on a et être beaucoup plus prudent à l’avenir mais il ne faudrait pas non plus qu’il y ait une réaction exagérée en retour avec des personnes craignant trop pour leur santé et qui ne veulent pas reprendre une vie normale. En revanche on voit des gens péter les plombs aux Etats-Unis et là-bas je ne crois pas que les gens deviennent craintifs, non ils deviennent stupides, tout un tas de gens idiots qui ne prennent pas conscience de la gravité des choses. Mais croisons les doigts pour qu’on puisse revenir dans un monde normal, un monde où le rock'n'roll est à nouveau actif et où les épaules se touchent, avec un véritable échange durant les concerts, tous ensemble avec les fans, la musique, avec ses amis car là on a clairement perdu quelque chose cette année.

Oui, le monde du spectacle a directement été touché mais la musique est un art essentiel dans toutes les cultures à travers le monde. Penses-tu que la musique a joué un rôle salvateur durant cette crise ? Même si on ne peut pas la comparer aux métiers de la santé où le personnel soignant à concrètement sauvé des vies tous les jours durant ces derniers mois.
Ma vision de tout ça c’est que les musiciens et les artistes, sont très importants et en même temps pas du tout. On est utile en tant que distraction, voilà ce que nous sommes. Avec une crise mondiale comme celle-ci, les gens continuent d’avoir besoin de se distraire. Ils ont besoin de se vider l’esprit pour oublier un peu leurs problèmes. Et la musique, l’art, les films, la télévision proposent la distraction nécessaire et c’est très important de se distraire. Tu ne peux pas rester continuellement immergé dans tes problèmes, tout le temps, car il y a en trop rien qu’autour de toi. Alors en ce qui concerne la musique, d’un côté les gens ne pouvaient plus se rendre à des concerts mais d’un autre ils ont continué a en écouter, beaucoup d’entre eux ont redécouverts des groupes, sont allé plus loin dans les discographies de certains artistes, ils ont regardé ou écouté des concerts sur le net, des concerts qu’ils n’avaient jamais vu. Les gens on passé du temps à en apprendre plus sur les groupes qu’ils connaissaient déjà.

En 2018 tu as sorti ton quatrième album solo « For The Love Of Metal ». Tu es aujourd’hui de retour avec un live où on retrouve une bonne partie de ces nouveaux titres et un tout nouveau morceau intitulé "Prove Me Wrong" ( "Prouve moi que j’ai tord" NDLR). Cette expression est très importante pour toi, expression qui t’a suivi durant toute ta vie et reste plus que jamais d’actualité.
Absolument ! J’ai utilisé aussi d’autres expressions similaires durant ma carrière quand tu ne peux pas balancer à tes détracteurs ton majeur en pleine face. Cette chanson c’est une manière de faire un bilan sur ma carrière et ce que j’ai vécu. Par exemple, je viens d’écrire mon premier roman, une fiction, et actuellement mon équipe cherche à signer un contrat avec un éditeur pour que je puisse vendre mon livre. Mais lorsque j’ai écrit les deux premiers chapitres, je n’avais jamais fait ça avant, j’ai demandé à un agent littéraire d’y jeter un coup d’œil, si c’était vendeur et si c’était bien écrit. Il m’a répondu « Dee, pourquoi ne laisserais-tu pas la littérature aux professionnels ? » et c’était juste ce qu’il me fallait comme réponse. C’était bien mieux d’entendre ça que « C’est super », alors je lui ai répondu « laisser la littérature aux professionnels ? Espèce de putain de connard ! » et j’ai redoublé de travail. On me dit que je ne peux pas le faire ? Alors prouve-moi le contraire ! Moi je pense que je peux y arriver. Donc ce genre d’expérience est très motivant pour moi et tu vois, même à ce stade de ma carrière j’ai encore ce genre de défi à relever face à des personnes qui pensent que je ne suis pas capable de réaliser certaines choses. Une autre chose importante à propos de "Prove Me Wrong" c'est que la maison de disques m’avait demandé un titre bonus et si, par hasard, on avait un titre en plus qui avait été mis de côté lors de l’enregistrement de l’album « For The Love Of Metal » mais non, on en avait pas mais je leur ait répondu « on peut enregistrer un nouveau titre ! », idée qu’ils ont trouvé encore meilleure, alors les frères Bellmore et moi avons travaillé sur une chanson, on l’a enregistré et le résultat, et c’est ce que je dis à tout le monde, « ça c’est mon son maintenant ». À travers les années j’ai expérimenté plein de trucs mais avec « For The Love Of Metal » j’ai trouvé mon style, mon son, ma voix, j’ai trouvé ma reconnexion avec la communauté metal dans un style contemporain. Donc, voilà, c’est une nouvelle chanson et c’est ce à quoi tu dois t’attendre à l’avenir avec Dee Snider.


​Sur cet album live qui nous permet de te suivre durant ta dernière tournée, on retrouve des titres de WIDOWMAKER mais surtout des chansons de TWISTED SISTER, difficile de ne pas s’attendre à ce que tu joues les tubes "I Wanna Rock" ou "We're Not Gonna Take It" mais cela ne devient-il pas fatiguant de continuer à chanter ces chansons avec le temps ? Lemmy disait à propos de "Ace Of Spades" qu’il ne la supportait plus mais qu’il se sentait obligé de la jouer sinon le public ne comprendrait pas qu’il ne le fasse pas lors d'un concert de MOTÖRHEAD...
(Rires) Tu sais, quand je vois la réaction du public à chaque concert, chaque soir, et que je vois les visages s’illuminer à la vitesse du son quand on joue dans les festivals, que dès les premières notes de ces deux chansons la réaction se répand jusqu’au bout de la foule, les sourires se forment comme une vague à mesure que les gens réagissent au son, et là je peux te dire que je suis béni ! Avoir deux chansons comme celles là, tu vois c’est juste une bénédiction. Alors je ne pourrais pas ne pas jouer ces chansons là. Mais tu sais TWISTED SISTER était un groupe très metal, plus metal que ce que les gens pensaient en comparaison avec ces deux titres qui sont devenus des hymnes avec leur côté positif et le fait de chanter tous ensemble les refrains. Mais on était un groupe de metal, et nos albums étaient très agressifs et lorsque je veux montrer mon parcours entre là d’où je viens et où j’en suis aujourd’hui, j’aime le montrer avec des titres comme "Under The Blade" ou "The Fire Still Burns", "You Can't Stop Rock'n'Roll", "Burn In Hell", toutes ces chansons résonnent vraiment avec la communauté metal et sont vraiment appréciées encore plus avec mon groupe actuel où on joue avec une tonalité plus basse, ils sont accordé en ré, ils ajoutent de l’attaque avec une batterie plus agressive de manière à donner à ces anciens titres une touche plus moderne et encore plus metal. Ça me plait beaucoup et tout ça fonctionne bien, les gens sont surpris d’entendre que les anciens titres de TWISTED SISTER se fondent très bien avec les nouveaux titres en concert et je veux montrer que j’ai toujours été un metalleux, du plus profond de mon cœur.

Sur ce live, tu reprends "Highway To Hell" d’AC/DC, peut-être le titre le plus repris de l’histoire du rock avec aussi "Smoke On The Water" de DEEP PURPLE, que représente cette chanson de si important pour que tu la joues en concert et que tu la fasses apparaître sur le disque ?
AC/DC a changé ma vie lorsque je les ai découverts en 1975. D’abord la voix de Bon Scott, son style de chant a été le dernier élément dont j’avais besoin pour trouver ma voix, la voix typique Dee Snider, Alice Cooper a aussi joué un rôle important pour moi tout comme Dio, tout ces grands chanteurs de rock et de metal. Un jour j’ai entendu Bon, j’ai entendu sa voix crier « …living easy » sur "Highway To Hell" avec le « easy » qui s’envole littéralement et dès lors j’ai ajusté ma voix pour avoir ce même rendu, donc tu voix, AC/DC a eu un impact direct sur moi et quand je vois ce groupe ça me rappelle que tu n’as pas besoin de plus de quatre accords pour composer des chansons de rock géniales. Sans AC/DC il n’y aurait pas de "We’re Not Gonna Take It", cette simplicité, ces accords explosifs, c’est pour moi une façon de leur rendre hommage, je le fais depuis pas mal d’année et en plus je considère cette chanson comme étant un hymne mondial au rock'n'roll, cette chanson réunit toute la communauté metal. Alors quand je l’ai reprise durant ma dernière tournée, à la maison de disques ils l’ont trouvé génial, ils ont proposé de l’ajouter au disque, ce sera aussi un peu une surprise car certaines personnes ne savent pas qu’on la joue et je trouve qu’elle rend superbement bien alors j’ai dis « Putain ouai, on l’ajoute ! ».



En 1985 tu faisais la couverture de notre tout jeune magasine HARD FORCE, les clips de TWISTED SISTER passaient en boucle sur MTV et tu as même été le porte-parole de la cause metal lors des commissions d’enquêtes pour censurer le genre aux USA. Quel souvenir gardes-tu de cette époque et comment trouves-tu que les choses ont évoluées après trente cinq ans ?
Je suis un champion du heavy metal dans toutes ses formes, je l’ai toujours été et je continue de l’être. Et je remercie mes enfants grâce à qui je reste au courant de l’actualité metal. Je reste en contact avec la communauté, je vois les changements, je reste en lien avec la musique, je vais à pleins de concerts, je rencontre plein de groupes, je n’ai jamais déconnecté, je suis toujours resté à l’écoute et informé et ça me flingue à chaque fois que j’entends l’un de mes confrères dire que le rock est mort, qu’il n’y a plus beaucoup d’artistes talentueux dans le monde, pas de nouveautés de qualités, le metal est devenu mauvais... Tout ça c’est des conneries ! Ces gens là n’écoutent tout simplement pas. Ils ne regardent pas, ils ne prêtent pas attention, ils ne sont pas ouverts d’esprit. Le metal est bien vivant et en pleine forme, il s’affine, il grandit avec des groupes passionnés et des fans passionnés. La seule différence aujourd’hui c’est l’approche des réseaux sociaux afin de promouvoir la musique. En dehors de ces réseaux et des fans qui s’y abonnent, le reste du monde n’a pas connaissance de ces groupes. Il y a trente cinq ans tu regardais MTV, les affiches publicitaires faisaient la taille d’un bus, même ceux qui n’écoutaient pas de metal connaissaient le nom de TWISTED SISTER, ils savaient à quoi ressemblait Dee Snider, ils connaissaient MÖTLEY CRÜE, ils connaissaient les groupes car il était affichés, ils passaient sur MTV, ils étaient tous diffusés. Maintenant c’est beaucoup plus ciblé et aujourd’hui on n’a plus de rock-stars. Aujourd’hui il y a cette idée qui veut que tu dois être une célébrité pour être une rock-star. Mais la scène metal, elle, est bien vivante et elle se porte très bien.

Enfants tu chantais dans des chorales à l’église et ensuite à l’école, mais quel a été le déclencheur qui t’a définitivement fait tomber dans la musique ?En parlant de TWISTED SISTER, durant ces années où tu étais dans le groupe, à quoi associais-tu le fait de te maquiller ? C’était une manière de vous démarquer des autres groupes, juste un délire entre vous, une manière de ne pas être totalement soi-même et de te permettre des choses, caché derrière un personnage ?
J’ai rejoint TWISTED SISTER alors qu’ils existaient depuis quelques années déjà. C’était un groupe à paillette qui s’inspirait des NEW YORK DOLLS dans les années 70. Moi j’étais un metalleux mais j’adorais le glam-rock, j’adorais David Bowie, SLADE, T. REX et Alice Cooper et aussi les NEW YORK DOLLS. Alors l’idée de joindre un groupe de glam m’enchantait. Ils se maquillaient, portaient des habits féminins et moi j’adorais la provocation. Ça n’avait rien à voir avec le fait d’être homosexuel, tout comme les NEW YORK DOLLS, ils n’étaient pas gay, il s’agissait juste de provoquer et de dire aux autres « va te faire foutre si t’es pas content, qu’est ce que tu vas faire contre ça ? ». Et dans les endroits où on jouait, en pleine période disco, on voulait vraiment que les gens nous remarquent et à cette époque les groupes de rock étaient traités comme de vulgaires jukebox, ils ne jouaient pas trop fort, ils jouaient des chansons populaires et nous on débarquait pour jouer juste après. Donc, habillé comme ça on attirait forcément l’attention du public, on voulait être provoquant et je défiais le public de détourner son regard « hey toi, que je ne te vois pas tourner la tête, regarde nous ! ». Et puis ça a évolué, c’est devenu un besoin de transformation.  Quand tu joues ce personnage concerts après concerts, c’est pas que je me plaignais mais tu commences à te lasser à force mais malgré tout, une fois dans ta loge et que tu mets ton maquillage et ton costume, ça te transforme, ça te boost, ça te redonne de l’énergie et encore aujourd’hui j’ai besoin d’avoir une tenue bien particulière pour monter sur scène. Je ne peux pas faire un concert avec les vêtements que j’ai porté dans la journée, comme Mike Portnoy par exemple, lui il monte sur scène avec ce qu’il a sur le dos peu importe ce qu’il faisait dans la journée. Comment il fait pour faire ça ? Pour moi, j’ai besoin de me transformer.

En fait deux choses se sont produites simultanément dans la même période. La première, je ne savais pas que j’avais une voix, que je pouvais vraiment bien chanter. A l’école élémentaire, tout le monde participait à la chorale, c’était obligatoire. Un jour, la directrice de la chorale nous a fait arrêter de chanter et m’a pointé du doigt, elle a regardé le pianiste et lui dit « ce garçon chante comme un oiseau ! » et moi j’étais complètement étonné qu’elle parle de moi. « Moi ? Je chante comme un oiseau ? » je ne le savais même pas ! Tout le monde dans ma famille était étonné que j’aie une "voix". Donc premièrement je découvre que je sais chanter. Deuxièmement je découvre les BEATLES. Ils ont vraiment eu un impact phénoménal, ils ont changé la donne, et je les ai donc découverts à la même époque où j’ai su que je savais chanter. Je chantais à la chorale, je découvre les BEATLES et à cette minute précisément je me suis dit « c’est ce que je veux faire, c’est ce que je vais devenir » j’avais huit ans, c’était en 1964. Depuis ce jour j’étais en mission, à chaque fois qu’on me demandait ce que je voulais faire plus tard je répondais « rock-star » toujours, encore et encore.
 

Blogger : Benjamin Delacoux
Au sujet de l'auteur
Benjamin Delacoux
Guitariste/chanteur depuis 1991, passionné de musique, entré dans les médias à partir de 2013, grand amateur de metal en tous genres, Benjamin Delacoux a rejoint l'équipe de HARD FORCE après avoir été l'invité du programme "meet & greet" avec UGLY KID JOE dans MetalXS. Depuis, il est sur tous les fronts, dans les pits photo avec ses boîtiers, en face à face en interview avec les musiciens, et à l'antenne de Heavy1, dont l'émission MYBAND consacrée aux groupes indépendants et autoproduits.
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