ESOCTRILIHUM est le projet d’un seul homme : Asthâghul, reclus quelque part dans l’hexagone. Et celui-ci est particulièrement prolifique puisqu’il a sorti pas moins de cinq albums en à peine trois ans, autant dire que ce drôle d’oiseau est plutôt du genre productif. Signé depuis ses débuts sur le label I,Voidhanger (dont vous pouvez lire l’interview du fondateur à cet endroit), ce one-man band officie dans un black metal particulièrement original et intriguant. Un simple coup d’œil sur chacune des pochettes d’albums ainsi que sur les textes, énigmatiques à plus d’un titre, assoit ce constat : un vent de folie souffle ici.
Et si ESOCTRILIHUM était un sportif, il serait gymnaste. Celui-là même qui, suffisamment souple pour caler un grand écart facial sans faire craquer le bassin ni couiner les adducteurs, fait tout pour se faire remarquer. Parce qu'entre nous, afficher une telle discipline et une telle rigueur dans le format de chacune de ses sorties, lorgnant toute autour d’une heure montre en main, demeure un exercice de haute volée. Et quand en plus, sa musique a le don de partir dans tous les sens mais de former au final un tout cohérent, dense certes, qui prend des allures de voyage cosmique... alors je m’incline. Je m’incline, oui, et je me laisse embarquer dans un voyage synonyme de juste équilibre entre recherches de mélodies inspirées, rythmiques hallucinées et de vocalises possédées, le tout servi par une production riche, haute en couleurs qui en collent plein les esgourdes. Un peu à la manière de MIRRORTHRONE, le somptueux projet de Vladimir Cochet, Asthâghul fait montre d’une maîtrise totale dans son salmigondis black tant sur la technique que sur la production.
Mais pour s’aventurer dans le trip proposé ici, il faut s’armer de patience et faire preuve d’abnégation. A la réception de ce cinquième album d’ESOCTRILIHUM, qui prend un malin plaisir à concasser tout ce qui fait de plus extrême en matière de metal, je me suis d’ailleurs demandé ce qui m’arrivait. Oui, je savais bien de quoi le bougre était capable mais je savais aussi que ce nouveau pavé me demanderait du temps avant d’en percer ses profondeurs les plus insondables. Mais rien à faire, les premières écoutes m’ont laissé de glace avec cette désagréable impression d’indigestion qui pointait le bon de son nez. Pour autant, la musique du français est riche, très riche, multipliant breaks malicieux et arrangements grandiloquents si bien que l’oreille a bien du mal à se fixer sur quelque chose de connu, rassurant, aux premières écoutes. Et les semaines passant, le charme a opéré, ce nouvel album est un must. Il faut du temps pour l’apprivoiser, mais surtout il faut laisser le temps à cette symphonie d’outre-monde pour exploser. Littéralement.
« Eternity Of Shaog » est donc un kaléidoscope de sensations tout bonnement fascinant, relevé par moments de violons déchaînés, dont la mise en images par l'artwork tape-à l’œil aux signé Alan E. Brown (à la manœuvre également sur « Emperor Of Sand » de MASTODON quand même) illustre à merveille son contenu chatoyant. Plus "accessible" et "homogène" que son prédécesseur, peut-être un brin moins aventureux et complexe, cet album n'en reste pas moins une oeuvre délicate à assimiler. Mais qui saura prendre la peine de lui confier ses oreilles pendant plus d’une heure se verra récompensé par une immersion hypnotique dans un monde unique. Un voyage sans retour...