Le sextet suisse COLD CELL n'est pas novice en matière de black metal comme en témoignent ses dix années de pratique extrême passées au sein de l’underground local. Et après s’être fendu de trois albums de bonne facture dans le même laps de temps, le voilà décidé à passer un cap avec sa récente signature chez Les Acteurs de l’Ombre. Cela se ressent d’ailleurs sans tarder avec ce furieux "Scapegoat Season" qui ouvre « The Greater Evil » : celui-ci annonce la couleur avec ses rythmiques gavées à l'acide sulfurique et bourrées de dissonances. L’envie de sortir des sentiers battus est ici palpable, les bâlois sont de véritables experts dans le troussage d’ambiances toutes en nuances, de celles qui laissent une étrange impression de mystère une fois leur mission menée à bien. A l’écoute des torturés "Those" et "Open Wound", c'est incontestable : il y a dans chaque recoin de ce nouveau méfait une maturité dans la composition, une recherche du riff qui pique et qui tacle qui ne peut laisser insensible. Et l’un de ses points forts est sans nul doute ce vocaliste damné, S, qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes en alternant parties hurlées et "chantées" (sur l’introduction de "Greatest Of All Species" ou "Back Into The Ocean") comme pour mieux tromper l’auditeur dès que celui-ci courbe l’échine sous la violence des coups.
Les tremolos sont également une constante de ces guitares qui délivrent tout autant de rythmiques vengeresses, balayant ce no man’s land d’une fibre "orthodoxe", racée et mélodique, qui évoque aussi bien les derniers travaux de MGLA ou ASCENSION que ceux de ses excellents compatriotes de SCHAMMASCH. Assurément, le black metal tel qu’il est délivré ici procurera son lot de sensations fortes à ceux qui s’y risqueront. D’autant que, doté d'une production dense et peaufinée dans la moindre de ses tournures par Victor Bullok (Woodshed Studios) ainsi que d'un artwork énigmatique Marcel Szerdahelyi et Pascal Brun, ce « The Greater Evil » ne peut laisser de marbre par ses qualités indéniables.
Alors oui, il vous faudra de nombreuses écoutes attentives pour en saisir toutes les subtilités mais le jeu en vaut la chandelle, croyez-moi. Le morceau "No Escape", du haut de ses sept minutes tourbillonnantes, en est d’ailleurs la plus belle des illustrations : COLD CELL vient de faire un pas de géant avec ce quatrième album. Un pas de géant qui, je l’espère, lui ouvra les voies d’une reconnaissance méritée.