8 juin 2021, 16:18

ESQUYS

Interview Sébastien Normand

ESQUYS est un nouveau projet dont le premier album « Instinct », sorti le 7 juin, a tout le potentiel pour faire voyager les auditeurs dans un monde fantastico-avant-gardiste au gré d’une bande son metal/folk celtique. Difficile de catégoriser cette petite parenthèse hors du temps tant elle fait appel à un esthétisme et une diversité qu’il serait réducteur de chercher à caser dans le connu. Sébastien Normand, fondateur et tête pensante d’ESQUYS, a bien voulu nous en dire plus sur cet « Instinct », son origine, son essence et sa finalité...

Dans un premier temps, peux-tu nous présenter ESQUYS ?
ESQUYS c’est un projet solo pour lequel j’écris la majorité de la musique et les paroles, ça recoupe tout ce que j’aime écouter comme musique, en partant de la musique de film de Hans Zimmer, Howard Shore jusqu’au metal de DIMMU BORGIR, SEPTICFLESH ou DRACONIAN, en passant par le metal symphonique d’EPICA par exemple ou le metal mélodique de groupe comme EVERGREY ou CELLAR DARLING. Je voulais construire ce projet avec des invités, un peu comme le fait Arjen Lucassen avec AYREON. ESQUYS c’est aussi une histoire d’heroic-fantasy que j’ai commencé à écrire il y a quelques années déjà, qui raconte l’histoire d’une petite fille qui survit dans un territoire quasi oublié mais pour autant très convoité. Dans cette histoire on découvre comment une civilisation tente de survivre après une déchéance désastreuse.

Tu as fait partie de plusieurs groupes avant de lancer ton propre projet. Quand et comment as-tu eu l'idée de créer ESQUYS ?
J’ai souhaité réunir mon univers musical et cette envie d’écrire en un seul projet finalement, car j’aime le rapport qu’a la musique avec l’image, je trouve vraiment les deux indissociables. J’ai du mal à voir une photo sans entendre de la musique, ainsi que l’inverse, écouter de la musique sans en imaginer la mise en scène. Je n’ai jamais pu vraiment partager cette vision musicale dans mes groupes précédents ou actuels, en la rendant soit compatible avec un genre donné, soit en aboutissant à une vision commune. C’est pour moi l’occasion aujourd’hui d’exprimer des idées, des émotions, sans contraintes, et avec l’aide et des idées apportées par des invités. J’ai ce projet en tête depuis 6 ou 7 ans maintenant mais j’ai toujours préféré donner la priorité à mes groupes.

D'où vient le nom ESQUYS ? Quelle en est la symbolique ?
J’avais attribué le nom à l’histoire au départ, car elle n’était pas complètement aboutie, ce n’est d’ailleurs aujourd’hui qu’un storyboard pour lequel je développe quelques scènes de temps en temps. J’ai trouvé que le nom se rapportait bien à l’idée du rapport à l’image, et il y a cette notion de flou, qui va très bien à mon héroïne qui ne sait pas très bien dans quelle aventure elle s’embarque, ni dans quel monde elle vit. C’est un monde rendu volontairement très opaque par celles qui en exercent le pouvoir.

Il semble que « Instinct » soit plus qu'un album mais plutôt un véritable concept autour d'une histoire que tu as imaginée. C'est bien ça ?
Oui tout à fait, en fait il faut l’écouter, comme les premiers chapitres d’un livre. Cet album est la mise en place d’un monde et des personnages, des contours de l’histoire. Dans les romans modernes on suit souvent les différents protagonistes avec leur passé, avant qu’ils se rencontrent, pour commencer à donner une trame à l’histoire. Cet album c’est un peu ça : la grande fille Esquys qui se redécouvre, la petite et son passé, la déchéance d’un monde dont le pouvoir n’est détenu que par quelques personnes...

Donc, as-tu déjà une idée de suite à ce premier album ?
Oui, j’ai déjà l’ébauche de quelques morceaux, des invités et des contacts pris pour de nouveaux invités. L’idée est de donner de nouveaux chapitres et plus de contexte à l’histoire, en mettant l’accent sur d’autres scènes, et révéler d’autres époques.

Dès que l'on découvre la pochette de l'album réalisée par Jonah Primo, on se retrouve plongé dans le monde très particulier d'ESQUYS. C'est important pour toi le côté esthétique en plus de la musique ?
Oui complètement, c’est le rapport que je tisse entre la musique et l’image. Je trouve que l’artwork est très important pour un album, selon moi ça doit être un prolongement des idées ou des émotions, ça doit faire rêver, questionner, même sans avoir encore écouter la musique. Jonah a su tout de suite interpréter les sujets abordés par les différents titres pour en apporter sa propre lecture. On a accroché dès nos premiers échanges et je trouve qu’il donne vraiment un sens au titre de l’album. Il a dessiné à la main la quasi-totalité de la pochette et ça lui a donné beaucoup de travail.

Tu as de nombreux invités prestigieux sur cet album. Comment s'est passée la collaboration avec ces derniers ? Comment se sont faits tes choix ? Ont-ils rapidement accepté de travailler sur l'album ?
Alors tout s’est fait à distance, surtout avec le contexte actuel. Je pense que j’ai eu beaucoup de chance que ces personnes acceptent de participer à l’album. J’ai présenté à chaque fois les morceaux en précisant que chacun pouvait apporter sa pierre à l’édifice, et du coup, j’ai eu d’autant plus de chance et de plaisir, car ils y ont mis pour certains beaucoup d’eux-mêmes.  J’ai donné par exemple carte blanche sur les paroles à Anna Fiori, à part un thème, et elle les a travaillées avec Adam Denlinger (du groupe MAYAN). Anna Murphy a proposé d’ajuster les paroles et peu la structure du morceau, elle a ensuite enregistré plusieurs fois avant d’être satisfaite du résultat. Jen Janet a beaucoup travaillé les choeurs, de même pour Micky Huijsmans qui en plus était en train de démarrer avec SOWULO au même moment, elle n’a pas beaucoup dormi la pauvre... La plupart du temps, une fois le contact établi et un planning négocié, ça s’est déroulé assez vite, en 1 ou 2 mois. Le record de la réponse la plus rapide est détenu par Mattias Eklundh, j’ai eu un oui en 45 minutes après mon premier email... Chacun s’est arrangé pour enregistrer ensuite, Mattias, Micky, Ranthiel, Jen ont enregistré chez eux, Anna Fiori est allée en studio avec Adam Denlinger en Californie, et Anna Murphy a enregistré au Soundfarm Studio à Lucerne où elle travaille. Je recevais généralement une démo, on discutait de ce qui pouvait être amélioré, et ensuite on passait à l’enregistrement final.
Pour ce qui est des choix, j’ai établi une longue liste des personnes dont j’apprécie autant la voix que l’univers ou la personnalité, j’ai priorisé en fonction de mes envies et des morceaux, et ensuite j’ai pris contact. Cette liste vit beaucoup car j’aime bien suivre les suggestions de Spotify ou Bandcamp et de rebondir d’artistes en artistes et découvrir des nouveaux groupes. J’avoue que c’est une partie du voyage qui me plait beaucoup aussi.

La musique d'ESQUYS oscille entre folk / metal / musique celtique mais aussi ambiance épique. Quel est l'instinct qui t'a animé lors de l'écriture de l'album ?
Chaque morceau est né d’un contexte différent, d’une envie, d’une idée ou d’une inspiration... C’est un peu pour ça que j’ai voulu appeler l’album « Instinct », car l’écriture des morceaux n’a pas du tout été réfléchie mais plutôt très instinctive. Je n’avais aucune contrainte pour écrire cette musique et c’est pour ça que ça contient pas mal d’aspects différents. En même temps ça contient tout ce que j’aime écouter, et je pense qu’on retrouve un peu de cohérence en se penchant sur les instruments utilisés et complètement sur l’histoire. J’aime bien par exemple, comme sur le morceau le plus heavy, "Ghosts", proposer un pont purement folk avec harpe et flute pour ajouter une autre couleur au morceau.


​Il y a aussi des morceaux purement instrumentaux qui donnent une atmosphère toute particulière à « Instinct ». Est-ce une volonté de faire voyager tes auditeurs dans un monde à la fois primitif et avant-gardiste ?
J’aime bien avoir des paroles pour donner un sens à un morceau, et j’aime beaucoup aussi laisser libre cours à l’imagination de l’auditeur, pour qu’il dessine lui-même les images qui vont avec la musique, et l’histoire que ça peut raconter. Je serais assez curieux d’ailleurs de savoir ce que les gens peuvent imaginer avec "Ddawnsiwr" qui me parait être le morceau le plus libre de l’album. Je pense que ça pourrait être très éloigné de ce que je vois dans cette musique. Le rôle de "Rise" est plus de peindre un décor pour l’histoire et les origines d’ESQUYS, d’où le mélange classique et celtique, alors que celui de "Unveiled" est d’annoncer un monde moderne et froid complètement antagoniste.

Ce n’est pas trop dur de gérer tous les instruments, les protagonistes, les paroles, le mixage, la production?... Cela demande presque un don d'ubiquité non ? Ou alors c'est juste que tu ne veux rien déléguer ?
C’est un travail de fou en fait... Des heures à écrire chaque partition de chaque instrument, par exemple 68 en tout sur "Ddawnsiwr", travailler les paroles, pleins d’e-mails ou Skype ou autres pour prendre contact, relancer... Préparer les pistes pour les enregistrements pour que chacun soit à l’aise, et oui ensuite mixer, masteriser, distribuer... Mattias qui fait aussi autant de rôles dit que c’est le prix à payer pour sa liberté et je partage aussi en partie cette vision... Et en même temps j’adore ce travail d’écriture jusqu’au résultat final, entendre les voix brutes avec tout leur charme et mixer le tout pour donner un sens final... Bon on pourrait croire qu’effectivement j’ai un problème pour déléguer les choses, mais je fais tout ça par pure passion et pure envie... Ca ne me dérange pas de partager certaines tâches comme je l’ai fait pour l’écriture des paroles pour Anna Fiori, ou le mastering du morceau "Shadows" avec Anna Murphy. J’aime aussi entrer en collaboration avec d’autres artistes mais c’est jamais évident pour moi comme pour les invités d’entrer dans la vision d’une personne et de réussir à la partager. A mon sens il faut trouver une résonance commune et ça ne se produit pas avec tout le monde. Ce dont je suis fier en tout cas c’est d’avoir pu assez partager cet univers pour que chacun puisse s’investir dans l’interprétation du morceau et donner du sens, aller plus loin... Je crois que toutes les interprétations sont justes et réussies...

Quand tu as écrit la musique et les paroles, tu savais déjà qui chanterait sur les chansons et qui y jouerait ?
Non pas du tout, tout a été écrit bien avant de prendre contact avec les premiers invités. Par contre je savais quel type de voix je voulais pour tel morceau, donc dans ma tête j’avais une idée très précise de qui chantait de manière imaginaire pour m’aider à écrire le morceau. Donc en recherchant des invités j’ai ciblé ces personnes ou des personnes ayant des voix similaires. Et qui d’autre pouvait mieux que Mattias par exemple venir jouer un solo sur un morceau qui parle de l’ouverture au monde, c’est pour moi une des personnes les plus ouvertes que j’ai pu rencontrer.

Parlons un peu du logo. Il me semble qu'il te tient à cœur...Tu peux nous en dévoiler son origine et son sens ?
Alors ce symbole vient de ma basse. A l’origine je cherchais un symbole pour cette basse que j’ai fait faire par un luthier français, Mathieu Penet, et qui m’a été offerte par mes amis et ma famille. Je voulais rendre hommage à cette amitié et en même temps je recherchais un rattachement à la musique plus ancienne, plus tribale. Ca m’a guidé jusqu’aux runes, et j’ai trouvé celle-ci qui semble vouloir dire Amour dans les traductions de runes islandaises. Je l’ai librement interprétée comme plutôt l’amour universel, l’amitié, et mon amour pour la musique. De manière très profane je vois aussi ce symbole comme une clé qui ouvre des portes vers un autre monde, qui incite au voyage. Je me suis dit que finalement je pouvais reprendre ce symbole pour ESQUYS.

Est-ce que tu as dans l'idée de faire des concerts quand ce sera possible ? Si oui, as-tu déjà imaginé ton décorum ?
Je vois ce projet plus comme du studio que du live, en particulier parce que c’est construit avec des invités, mais je ne m’interdis pas de l’imaginer pour autant sur scène. Ca peut paraître trop ambitieux, mais si je monte ce projet sur scène un jour je voudrais avoir un certain nombre d’invités pour garder cette richesse en terme de voix, et offrir aux gens un spectacle mêlant image et son, donc effectivement avec un vrai décor comme le ferait IRON MAIDEN, ou au moins un décor numérique comme pour les lives d’AYREON à Tilburg. Je creuserai bien la piste aussi d’en faire un spectacle complet comme le Cirque du Soleil, ou encore un film d’animation mais pas avec une bande son mais plutôt un vrai groupe qui joue en même temps… Comme tu peux le voir c’est plutôt abstrait encore mais j’aime bien ouvrir les horizons...

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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