29 juin 2021, 17:09

VARIOUS ARTISTS

"I'm A Freak Baby 3"

Album : I'm A Freak Baby 3

Quel dommage d’avoir été éduqué avec la croyance, inculquée, martelée, qu’il n’existait que la seule Sainte Trilogie de l’Histoire du hard rock et du heavy metal. LED ZEPPELIN, DEEP PURPLE et BLACK SABBATH. Allons : comme si seuls le Père, le Fils et le Saint Esprit étaient responsables de la Création de l’univers ! Vaste blagounette. 

Loin de moi cependant l’idée de jouer les révisionnistes en jouant la surenchère inverse : bien sûr que ces trois groupes majeurs sont des plus importants – vous avez même affaire ici à l’un des plus intégristes des maniaques de BLACK SABBATH de l’hexagone qui, il y a déjà plus de trente ans, défendait alors le groupe face aux innombrables assauts de moquerie et de mépris : les gardiens du "cool" rock’n’roll l’ont désormais bien oublié depuis, mais l’héritage SABBATH, à l’orée des années 90, c’est has been de chez has been, kids. 

Et soyons francs : je peux vous échanger définitivement vos "Stairway To Heaven", "Smoke On The Water" et "Paranoid", oui, une bonne fois pour toutes, contre la réhabilitation, merci, une bonne fois pour toutes aussi, de ces dizaines de groupes, albums, morceaux restés dans l’ombre des géants aujourd’hui sacralisés. 

Voilà : la malédiction de "l’ombre de". Brandissez trois légendes, imposez qu’à elles seules elles ont strictement TOUT défini, et l’on acquiesce. Bêtement. Parce qu’en réfléchissant un tant soit peu, on peut assez aisément trouver d’autres artistes aussi influents et déterminants pour comprendre d’où viennent nos racines : pas la peine de jouer les érudits élitistes, de balancer du name-dropping vaniteux sans fondement et/ou donc de s’exclamer dans les aigus comme PhilMan, maaaaan !!! Alors on commence soft : U.F.O. ? CREAM ? GRAND FUNK RAILROAD ? HAWKWIND ? FREE ? IRON BUTTERFLY ? URIAH HEEP ? BLUE CHEER ? MC5 ? MOUNTAIN ? Quelqu’un ? Et je peux vous en rajouter quinze autres. Rien que des légendes. Mais qui ne rentrent toujours pas sur le fameux podium des Trois.

Alors quid des autres ? Les oubliés définitifs de la Mémoire Collective ? Nous ne sommes hélas qu’un poignée à en savourer l’existence. En tant que fan de stoner et du hard rock originel, il existe donc une galaxie ignorée dans notre univers proche : une myriade de groupes ayant sévi entre les années 1968 et 1973 pour la plupart, et qu’aujourd’hui l’on dénomme communément "proto hard rock", "proto stoner" ou "proto metal". Et pour reprendre le postulat du début, je veux bien me dévouer à nous débarrasser de la rengaine "Smoke On The Water" pour enfin faire connaitre le jubilatoire "Freelance Fiend" de LEAFHOUND, ou encore le "Suicide" de DUST (pochette Frazetta s’il vous plait). Ou le "Kingdome Come" de  SIR LORD BALTIMORE. Et peut-être que le "Forever My Queen" du PENTAGRAM originel vous dit quelque chose. 

Des dizaines, des centaines de groupes anglais, américains ou même australiens qui ont sorti un, deux, voire trois albums à faible tirage dans ces années-là, et qui selon les "sachants", ne font que seulement "compléter" l’histoire du hard rock. Mais quels albums !!! Introuvables en format original 33-tours (les côtes actuelles sont à trois chiffres, parfois quatre !!!), ils sont tous réédités ou sont en train de l’être sur des labels de passionnés depuis une petite vingtaine d’années – Repertoire, Akarma, Rockadrome, Radioactive, Lion, Aztec Music, Beat Goes On, ou encore bien sûr Rise Above, l’estimée maison de Lee Dorrian. 

Bon finalement, puisqu’on en est là, on va se le faire ce name-dropping : parce qu’il FAUT que vous alliez au moins sur YouTube vous rendre compte par vous même de l’insondable richesse de cette période méconnue. Vous me direz, il y aura toujours mille scènes annexes à découvrir en marge des grands noms médiatisés de chaque époque ou chaque courant, et c’est sans fin. Je vous répondrai : oui. Evidemment oui. Mais si l’envie vous prend de jouer les spéléologues du basculement sonique des années 70, vous ne pouvez pas continuer à vous prétendre fin connaisseur sans avoir écouté les artistes pré-cités ni les GUN, MAY BLITZ, KILLING FLOOR, THIRD WORLD WAR, JERUSALEM, TEAR GAS, BUFFALO, BLOODROCK, POWER OF ZEUS, POOBAH, FRIJID PINK, ARMAGEDDON, TOAD, WICKED LADY, LUCIFER’S FRIEND et j’en passe. Qu’ils viennent de la région de Detroit ou du fin fond du Michigan, de Londres, de Birmingham ou de Sydney, des musiciens passionnés et biberonnés au heavy-blues ont maitrisé l’électricité au fil des mois, des avancées technologiques et de l’environnement menaçant de cette désillusion post-psychédélique. 

Alors par où commencer ? 

Eh bien pourquoi pas par une série de compilations, exemplaire et initiée par un spécialiste de la réédition de qualité, Grapefruit, hébergé chez Cherry Red Records, dans le fin terroir UK. Si nous possédons déjà dans notre vaste collection l’essentiel de cette discographie soi-disant "bis" du hard rock (au bas mot près de 500 références), nous nous réjouissons désormais à chaque fois de la parution d’une anthologie spécialisée dans le genre : « I’m A Freak Baby ». Soit à chaque coup un triple CD niché dans une clamshell box cartonnée accompagné d’un épais livret explicatif et détaillé de tous les groupes et extraits mis en lumière. Captivé par le sérieux et le savoir-faire du label sur les deux précédentes éditions, nous attendions ce « I’m A Freak Baby 3 » avec une rare impatience. Certes la collection ne s’attarde que sur l’underground strictement britannique de ces années-là, mais quel voyage : heureusement pour les néophytes et jeunes initiés, la collection ne puise pas que dans l’obscur, et bon nombre de grands noms servent d’heureuses portes d’entrée. Ainsi trouve-t-on aujourd’hui des chansons plus ou moins évidentes de NAZARETH, FREE (le classique "I’m A Mover"), BUDGIE (super heavy "Homicidal Suicidal" !), THIN LIZZY en 1971, HAWKWIND (l’épique et classique "Master Of The Universe"), U.F.O. (époque space rock en 1971), DEEP PURPLE tiens (Mark 1 avec "Mandrake Root"), le TRAPEZE de Glenn Hughes, ou encore des YARDBIRDS (un live capté à Paris en 1968 du "Dazed & Confused" de Jimmy Page !), SAM GOPAL (avec Lemmy au chant en 1969 !), URIAH HEEP, CHICKEN SHACK, le fameux EDGAR BROUGHTON BAND, ainsi que les facettes les plus "dures" d’autres monuments tels que MOTT THE HOOPLE (souvenez-vous du "All The Young Dudes" de Bowie), PROCOL HARUM ou encore le GEORDIE d’un certain Brian Johnson !

Et une fois ces maîtres (ré)apprivoisés, il est donc temps de plonger dans les pépites, les nuggets même, de ces deuxième ou troisième divisions du dépit : entre deux airs reconnus, on appréciera ici le riff diabolique, là les tempi tempétueux ou encore les vocaux agressifs sur des refrains qui tapissent les tubes de l’ombre. LEAF HOUND donc que l’on retrouve avec ce "Stagnant Pool", autre monstre de cet album oublié de 1970 (« Growers Of Mushroom » – au programme bien énoncé), ou encore STRAY et le frénétique "Suicide", en passant par les DEVIANTS du gourou Mick Farren (ailleurs avec une reprise hallucinée du "Summertime Blues" de Cochran), FUZZY DUCK, RED DIRT, STACK WADDY ou ZIOR... Que du bon sélectionné par un club d’experts qui permettent de révéler aux curieux tous ces groupes qui n’ont fait pour l’heure que de rester dans l’anonymat le plus total depuis cinquante ans…

Les séduits et les plus aventureux iront pousser l’expérience en courant acquérir les albums les plus fondateurs de cette époque, et les complétistes se précipiteront sur les déjà douze volumes des compilations « Brown Acid », équivalent ultra underground des « Nuggets » des sixties où des amateurs fous sont allés piocher dans des 45-tours inconnus de la même période... Et c’est donc sans fin : comme le cerveau moyen d’un Terrien, on n’a pas encore connaissance des 90% du potentiel non découvert...

Enfin, que penser du tout dernier morceau en guise de conclusion, ce "Evil Woman" de SPOOKY TOOTH qui précède de deux années la formulation du riff d’un certain "Sweet Leaf" de BLACK SABBATH ? Un GRAND mystère...

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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