19 mai 2013, 04:47

LEPROUS : Einar Solberg

 

 

 
Avec les années, LEPROUS a su tirer son épingle du jeu au sein de la foisonnante scène Metal norvégienne en s'exprimant dans son art avec une musique progressive, mais restant néanmoins bien difficile à saisir, sculptée et façonnée de manière toujours aussi personnelle et se refusant de suivre quelconque ligne directive.
C'est l'identité que LEPROUS est déjà parvenu à s'approprier et à afficher avec seulement deux albums studios, une discographie paradoxalement mince et extrêmement riche à la fois, aujourd'hui complétée par un troisième effort : "Coal", un nouvel album qui vient encore étendre le spectre de la musique de LEPROUS, dont la diversité n'a visiblement pas fini de nous étonner.
 
Nous nous sommes entretenu avec le chanteur Einar Solberg, principal compositeur de LEPROUS, pour parler de ce nouvel album et notamment de sa conception, laquelle s'est déroulée dans des circonstances totalement inédites pour le groupe norvégien. Un aspect qui a sans doute contribué à apporter ce charme si singulier à ce "Coal", sur le fil entre agressivité et mélancolie, entre la noirceur et la froideur du charbon, et l'éclat et la magnificence du diamant... 
 
 
Votre album précédent "Bilateral" a rencontré un franc succès et vous a fait connaitre au plus grand nombre, le fait de devoir créer son successeur ne vous a-t-il pas fait ressentir un peu de pression ?
Oh oui, ça nous a traversé l'esprit plusieurs fois, mais on a fait en sorte de ne pas trop y penser car ce n'est pas comme ça que l'on aurait pu faire de la bonne musique. Il fallait qu'on se recentre sur nous mêmes, pas sur les attentes des gens, autrement le processus aurait été un peu forcé, et ça aurait été tout sauf honnête ! (rires) Donc oui, nous y avons pensé mais bon... On s'en tape au fond, si les gens l'aiment tant mieux, sinon, tant pis ! On ne peut pas y faire grand chose, hormis faire de notre mieux pour produire de la bonne musique...
 
La musique de LEPROUS a toujours été en constante évolution, par rapport à celle d'autres groupes qui peuvent faire la même chose pendant 20 ans sans que personne ne s'en plaigne, ne vois-tu pas ça comme un désavantage d'avoir au final un public qui ne vous suive pas forcément d'un album à l'autre ? 
Bien sûr, il y a des groupes qui se tiennent à la même recette toute leur carrière tandis que d'autres connaissent des périodes drastiquement différentes, donc oui, j'aurais tendance à dire que chaque fonctionnement a ses avantages et ses désavantages. Nous sommes conscients que de nouveaux éléments dans notre musique peuvent décevoir des fans de la première heure, mais en même temps, je pense que l'époque à laquelle les groupes pouvaient faire encore et toujours la même chose toute leur carrière est révolue, en partie à cause de l'état de l'industrie musicale qui rend aux groupes la vie très difficile aujourd'hui. Et puis, si les gens se sentent nostalgiques ils sont libres d'écouter autre chose que LEPROUS ! (rires) Personnellement je vois plus d'avantages que de désavantages à constamment chercher à atteindre de nouveaux objectifs, tant que la signature du groupe reste la même et qu'on peut la reconnaître, et je pense que c'est le cas pour nous. Même si les albums sont différents, nous restons identifiables, et c'est très important pour moi, ainsi je ne verrais pas l'intérêt de recréer la même chose plusieurs fois. De plus, en tant que musiciens notre approche de la musique est également en constante évolution. 
 
Y-a-t-il une recette à la musique de LEPROUS ? 
Oh non... Enfin, si il y en a une, c'est de toujours suivre son coeur, et de rester spontané. C'est d'ailleurs la plus grosse différence entre cet album et "Bilateral" sur lequel tout avait été répété dans les moindres détails avant l'enregistrement. Pour "Coal" ça a plus été : "Allez, on écrit 12 chansons, et on donne le meilleur de nous même en studio." c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons jeté 4 chansons, pour se retrouver avec les 8 titres dont nous étions le plus satisfaits. De cette façon, l'album a un aspect très authentique que nous n'aurions pas pu délivrer si nous avions fonctionné comme sur l'album précédent, de manière très répétée, chirurgicale, presque ennuyeuse en fin de compte... 

Une nouvelle façon de composer que vous allez garder pour vos prochains enregistrements ? 
Oui, voilà un nouvel ingrédient de notre recette ! (rires) Néanmoins c'est un élément qui a également ajouté beaucoup de pression en studio, car par exemple quand je suis arrivé pour enregistrer mes parties de chant je me suis vraiment demandé : "Sérieusement, j'ai aucune idée de ce que ça va donner !" (rires) J'étais extrêmement tendu, mais au fur et à mesure du temps j'ai appris à suivre mon instinct et à me faire confiance. C'est vraiment une bonne façon de travailler car quand tu crées littéralement quelque chose en studio, ça te permet de saisir les idées et de les enregistrer dans leur état le plus primitif, le plus frais, le plus vivant en quelque sorte... 

 


 

"Si tu travailles trop longtemps sur une idée, tu peux très bien la tuer, il faut trouver le juste milieu." - Einar Solberg

 

L'année dernière a été très mouvementée pour LEPROUS et vous avez passé beaucoup de temps en tournée, la création du squelette de cet album s'est-elle donc faite sur la route ? 
Eh bien non, on n'a absolument pas eu le temps de l'écrire ! (rires) Enfin si, quelques esquisses, mais en réalité l'enregistrement de la batterie a commencé directement après la dernière tournée. On avait vraiment aucune idée de ce qu'on allait faire, les idées étaient là mais extrêmement peu développées, donc tout s'est fait par coïncidence, vraiment ! (rires) Mais encore une fois, on s'en est très bien sorti. "L'écriture" a été réalisée au cours du printemps et de l'été dernier, et tu vois sur "Bilateral" ça nous avait pris 2 ans... Mais on avait surement pas été aussi efficaces ! (rires) En tous cas les années nous ont apporté de la maturité, ainsi nous avons appris que la durée que nous passons sur un album n'a aucune incidence sur sa qualité, c'est plus une question d'implication et d'efficacité... (sourire téléphonique)
 
C'est marrant car l'album reste néanmoins assez complexe et travaillé, presque tout sauf spontané en fin de compte ! 
L'écriture était plus spontanée, mais en effet ce n'est pas quelque chose qui s'entend. Après, chaque idée était très forte, et à aucun moment nous nous sommes dit : "Yeaaah allez c'est bon on laisse ça comme ça !" si tu vois ce que je veux dire ! (rires) Néanmoins, il est vrai que si tu travailles trop longtemps sur une idée, tu peux très bien la tuer, il faut trouver le juste milieu. Donc oui, c'est plus spontané, mais c'est peut-être aussi plus pensé que "Bilateral". 
 
C'est quelque chose que tu aurais aimé faire plus tôt dans LEPROUS ? 
Oh non je n'ai pas ce genre de regrets, car de toute façon nous avons fait de notre mieux sur nos anciens albums. Mais pour tout te dire, maintenant que nous avons appris que nous pouvions fonctionner comme ça, même si nous l'aurions voulu nous n'aurions pas pu refaire un album comme "Bilateral", car nous avons changé. Ça prend du temps, plusieurs années même, pour se créer une identité musicale, et la route est longue... On peut voir ce genre de changements chez beaucoup de groupes aujourd’hui, à commencer par le notre. 
 
"Coal" est un album assez sombre, dans ses textes, l'ambiance qu'il dégage... Un aspect que l'on ne retrouve pas forcément sur vos anciens travaux. Y-a-t-il une raison particulière à cela ? 
En ce qui me concerne j'ai composé la majorité de l'album, en travaillant avec les autres bien sûr, mais je dois avouer avoir traversé une période très émotionnelle dans ma vie, dans le bon et le mauvais sens du terme, avec des hauts mais aussi des bas assez conséquents... (rires) Et c'est une grosse différence par rapport à la période de composition de "Bilateral" par exemple, là il m'est arrivé beaucoup de choses, que j'ai donc apprises à explorer de par mon écriture... Ça a des avantages, mais pas que... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle tant d'artistes sont si instables ! (rires)
 


"Il y a des gens qui se plaisent dans le superficiel, et qui n'osent pas plonger dans d'autres choses plus profondes, de peur de voir ce qu'ils pourraient y trouver..." - Einar Solberg
 
 
J'ai lu que "Coal" devait à la base être accompagné d'un EP supplémentaire, qui serait donc paru après la sortie de l'album, c'est toujours d'actualité ? 
Non, à la base j'avais dit ça pour nous motiver à écrire et l'EP aurait du être composé des 4 chansons que nous avons jetées en fait... Mais nous ne voulions pas sortir quelque chose dont nous n'étions pas pleinement satisfaits. Par contre une de ces 4 chansons figure sur l'édition limitée et la version vinyle de l'album, donc on peut l'écouter, mais ça s'entend tout de suite que c'est une chanson très légère, catchy, qui n'aurait pas trouvé sa place sur "Coal"... Peut-être sur "Bilateral" à la limite... 
 
Je dois t'avouer avoir été particulièrement captivé par la chanson "Contaminate Me" sur laquelle figure Ihsahn (EMPEROR) au chant, qui a d'ailleurs produit l'album, et notamment par le fait qu'il s'adresse clairement à quelqu'un dans ses paroles. Je me suis presque demandé si cette chanson ou l'album entier ne renfermait pas un concept ?
Non il n'y pas de concept, et c'est un exercice que nous n'avons jamais essayé jusqu'à présent, ça arrivera peut-être un jour... C'est Tor, notre guitariste, qui a écrit les paroles de "Contaminate Me", et en ce qui me concerne je n'ai écrit le texte que d'une seule chanson sur cet album, car j'étais trop occupé à écrire la musique ! (rires) Mais pour revenir à ta question, nos paroles sont très personnelles donc je pense que Tor te donnerait une meilleure réponse que la mienne, car pour ma part je ne sais pas non plus quel est le vrai message qu'il a voulu faire passer. Par contre pour "Coal" par exemple, c'est une chanson qui tourne autour du fait que le diamant et le charbon (ndlr : "coal" en anglais) soient composés des mêmes ingrédients mais que ça reste deux matières totalement différentes. C'est un peu le concept du titre de l'album aussi, le fait que deux choses apparemment similaire peuvent être complètement opposées... Moi j'ai écrit les paroles de "The Cloak", qui reviennent à ce que je t'ai dit tout à l'heure, apprendre à explorer ses sentiments, gratter la surface... Tu vois, il y a des gens qui se plaisent dans le superficiel, et qui n'osent pas plonger dans d'autres choses plus profondes, de peur de voir ce qu'ils pourraient y trouver... C'est de ça que j'ai voulu parler. Chaque chanson a vraiment son propre thème. 
 
Voilà, je suis frustré maintenant, il va falloir que je demande à Tor ! (rires) 
(rires) Je pense que c'est assez libre d'interprétation, mais il y a résolument quelque chose de personnel dedans. Après, je ne pense pas qu'il puisse te donner de nom ! (rires)
 
Ihsahn 

Ça fait plusieurs fois qu'Ihsahn apparaît sur un de vos albums, et vous l'accompagnez d'ailleurs sur scène quand il se produit en solo, cette chanson a-t-elle été écrite avec lui ou intervient-il en tant que simple invité ?

La chanson était déjà prête avant qu'il ne la découvre, mais je savais à l'avance que le rendu n'allait pas être terrible si j'étais le seul à chanter dessus, que ce soit avec un chant crié, ou un chant clair... Et ses growls sont tellement... Pff que dire ? Beaucoup plus "marqués" que les miens en quelque sorte, et c'est également un vrai personnage. L'enregistrement s'est passé très naturellement en fait, j'étais dans le studio en train d'enregistrer mes lignes de chant, et lui était à la console avec Heidi, l'autre producteur de l'album, et je lui ai simplement demandé : "Hey, tu veux chanter cette partie là ?" et il a tout de suite accepté. Ce qu'on entend sur l'album est la première et unique prise dont nous avons eu besoin, hormis quelques overdubs, et c'est de l'improvisation totale. Il a vraiment tapé dans le mille, c'était exactement ce que j'avais en tête. En y repensant, pratiquement toutes les pistes vocales de l'album ont été enregistrées en une seule prise, bien que nous avions fait d'autres essais, mais c'était simplement les meilleures ! (rires) Pour en revenir à "Contaminate Me", ça fait tellement d'années qu'Ihsahn est dans le métier que ça a vraiment été très facile, il m'a même confié que le chant Black Metal était la seule chose au monde qu'il pouvait faire avec autant de confiance en lui... (éclat de rire) Il a fait ça avec un aplomb incroyable, et encore une fois il n'aurait pas pu faire mieux. C'était très naturel pour moi de lui demander de faire ça, car c'est non seulement le producteur de l'album, mais il était également assis à côté de moi ! (rires)
 
Tu me parlais plus tôt du fait que tu tenais à ce que ton travail soit "authentique", personnel et qu'il repousse sans cesse de nouvelles limites... Est-ce également ce que tu recherches en tant que simple auditeur de musique ? 
Je trouve que l'on peut retrouver cet aspect particulier chez beaucoup de groupes en effet. Après, ce n'est pas tellement une question de repousser des limites, mais simplement de créer, car au fond si tu te mets en tête et que tu vas essayer de repousser de nouvelles limites, tu n'y arriveras jamais ! (rires) Il faut que ça vienne du cœur et que tu te fasses confiance, ainsi ça sera automatiquement quelque chose d'original. Quand j'écoute de la musique je me contrefiche de savoir dans quel groupe est-ce que le batteur a bien pu jouer avant, ou si c'est un chanteur mondialement connu, tout ce qui m'importe c'est d'entendre quelque chose de très personnel, qui ne puisse pas être défini par des mots, mais par le simple fait de l'écouter : RADIOHEAD par exemple, un groupe sur lequel il est impossible de poser une étiquette, avec une musique paradoxalement pas très expérimentale, mais extrêmement personnelle, un groupe qui ne ressemble à aucun autre... C'est vraiment ça que je recherche quand j'écoute de la musique.  
 
"Coal" va bientôt faire son entrée sur scène au mois de juin, et notamment en France avec 5 concerts, avez-vous déjà une idée de quels titres vont intégrer la setlist ? 
Pas encore non, c'est encore en discussion. Vu que nous faisons 5 concerts je pense que les setlists vont toutes être différentes, c'est quelque chose qui nous est beaucoup plus facile à présent maintenant que nous avons un nouvel album, car par le passé nous étions assez limités de ce côté là... (rires) En tous cas je sais que nous jouons très tôt au Hellfest, à 10h30 le matin je crois ! 
 
Oh oui, mais je pense qu'il y aura du monde, peut-être pas très frais, mais il y aura du monde ! (rires) 
Ça me va ! (éclat de rire)
 
 

L'album "Coal" de LEPROUS sortira le 20 mai chez InsideOut Music.

 
01 - Foe
02 - Chronic
03 - Coal
04 - The Cloak
05 - The Valley
06 - Salt
07 - Echo
08 - Contaminate Me
 
Le groupe se produira le 23 juin au Hellfest (Clisson), le 15 août à Saint Palais Sur Mer au festival Crescendo, le 4 novembre au Saint des Seins à Toulouse, le 5 à Lyon au Ninkasi Kao ainsi que le 8 à Paris au Divan du Monde.

   
 

Blogger : Hugo Tessier
Au sujet de l'auteur
Hugo Tessier
Décidemment né trop tard, Hugo Tessier cultive sa passion pour le rock depuis son plus jeune âge. Avec U2 et THE POLICE dans le biberon, son cœur penchera finalement pour le hard rock des eighties qui à son tour lui fera découvrir de nouveaux horizons musicaux. Tantôt étudiant, musicien puis vendeur dans les festivals rockabilly, en septembre 2011 HARD FORCE le convainc de commencer à explorer les concerts de la région nantaise à peine avait-il déballé son unique carton dans sa chambre universitaire.
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