7 septembre 2021, 19:51

THE WILDHEARTS

"21st Century Love Songs"

Album : 21st Century Love Songs

Imagines : t’es un fan de AIRBOURNE, tu les écoutes depuis mille ans, mais tu n’as strictement aucune autre ref – et PAF, tu te prends « Let There Be Rock » dans les canines : tu découvres AC/DC. Et ça, c’est ce que l’on appelle un choc.

Pareil : t’es dingue de PUDDLE OF MUDD, tout ça, c’est ton kif, et BIM : « In Bloom » te tombe sur la gueule – et tu n’avais jamais écouté NIRVANA de ta life. Ouch !

Alors approches un peu par ici : t’as toujours kiffé GREEN DAY, c’est le groupe de ta vie, Billy Joe Armstrong c’est la punk attitude incarnée et d’un coup d’un seul, c’est THE WILDHEARTS qui viennent toquer à la porte de tes perceptions – et tu vacilles, tu tournes de l’oeil, comme secoué par quelques G de trop lors d’un exercice de centrifugeuse aéronautique chez les Russes. 

En gros, t’as bouffé du McDo toute ta vie et d’un coup, là, tu savoures le burger de l’année chez Ducasse. Mieux : c’est un peu comme tes branlettes moites de garçonnet lorsque, soudain, tu accèdes au meilleur coup de ta vie, à l’arrière d’un yacht en pleine mer des Caraïbes avec Margot Robbie ET Emilie Ratajkowski qui te chevauchent comme des amazones privées de mâles depuis six confinements.

Et bien voilà : découvrir THE WILDHEARTS ça peut te faire tout chose si ta notion du punk-rock se limite à THE OFFSPRING, BLINK 182 ou SUM 41, kid. THE WILDHEARTS, c’est l’une des plus grandes fiertés des anglais depuis les SEX PISTOLS (arf !), un groupe pour lequel la presse insulaire mais néanmoins largement exportée s’enflamme en vastes éloges. Des tentatives de domination mondiale, il y en a eu : rapidement signés chez une major (EastWest) dès le premier album en 1993, les britanniques se sont vus largement exposés dans les médias, contaminant et irradiant un assez vaste public au cours des années 90 – au point d’être catapultés en ouverture de la tournée « Ballbreaker » d’AC/DC en 1996. Mais si vous croyiez que l’histoire oh quelque peu mouvementée de GUNS N’ ROSES était un summum de drama dans le showbiz, la trajectoire des WILDHEARTS ressemble aux plaines de la Marne en 1917 : une carrière minée par les addictions, les splits, les changements de personnels, les turpitudes de leur leader Ginger, sa dépression, ses side-projects, la bad-luck, les labels, les égos, les ruptures, les drogues, les drogues, et encore les drogues. A maintes reprises on aura cru les WILDHEARTS morts et enterrés, resurgissant des limbes avec un single, une tournée commémorative bancale, un nouvel album ou un EP, avant de re-disparaitre à nouveau. 

Avec une base musicale entre punk-rock old-school, thrash, pop, mélodies et choeurs stellaires, rock alternatif et mille autres trouvailles qui ancrent bien leur son dans une tradition strictement britannique (il y a clairement du BEATLES voire du QUEEN dans leur furia sonique), THE WILDHEARTS ont su pondre des TUBES incroyables depuis trente ans – du genre à rendre FOU Corey Taylor, que j’ai vu de mes yeux s’embraser illico une fois un soundcheck achevé il y a quelques années alors que le single "Vanilla Radio" passait subitement dans la sono du Bataclan.  

Le groupe a entamé depuis quelques temps un retour qui semble bien ancré sur les bons rails pour durer (un peu), avec pour preuve l’extraordinaire vigueur affichée par l’EP « Diagnosis » conjugué à l’album « Renaissance Men » tous deux parus en 2019, une double preuve de leur extraordinaire santé artistique, alors qu’ils n’avaient rien sorti depuis dix ans et l’album « Chutzpah! » – à l’exception des innombrables disques solos et autres side-projects signés Ginger depuis.

« 21st Century Love Songs » donc : inutile de vous faire un dessin qui sera de toutes façons moins bien réussi que la pochette hautement explicite de ce dixième véritable album studio (et l’on n’inclut pas ici les dizaines d'EP, collections lives et compilations de B-sides et inédits parus en trente ans). On a donc, sans trop chercher puisque l’évidence s’imposait dès l’annonce de sa sortie, l’un des monuments de l’année. 

Le ton est donné : on est dans la continuité de « Renaissance Men », en plus agressif et néanmoins nuancé. En effet, dès le deuxième extrait "Remember These Days", la bande à Ginger s’autorise une incursion prog (oui !!!) au beau milieu du morceau : une sorte de parenthèse et exercice de style qui, en plus d’être peu passionnante, n’apporte rien à la dynamique si ce n’est ce violent contraste contre-nature, et qui renvoie au milieu des années 90 lorsque THE WILDHEARTS s’autorisaient justement toute sortes d’expérimentations qui faisaient alors leur charme (« rappelez-vous de ces jours-là !!!! »). Sauf que là, cette petite minute de trop s’avère ratée – seul faux pas du disque. Mais ils se rattrapent ailleurs où orchestrations et arrangements plus ambitieux se marient avec les rythmiques les plus retordes et franchement bourrines, tel que sur l’éponyme "21st Century Love Songs" qui pétarade en ouverture. 

Après c’est clairement dans les brulots les plus rock'n'roll que l’on prend davantage notre pied, surtout que ceux-ci sont non seulement particulièrement belliqueux ("Splitter"), mais surtout soulignés de ces refrains aux choeurs paradoxalement plus sophistiqués. "Institutional Submission" fait certainement référence aux cures et "maisons de repos" dans lesquelles s’échoue Ginger lorsqu’il est au bout du rouleau – et le morceau dépasse justement les limites de la vélocité, de la violence et de la santé mentale du groupe, en démarrant sur une trame quasi... black metal !!! Ouch ! On les savait capable d’insuffler des riffs thrash dans leurs pistons, mais à ce point là... Les breaks ne sont que plus brutaux et heavy, et invitent à un sévère headbanging – lorsque le même morceau ne ralentit pas vers des territoires proches de DEF LEPPARD, avec choeurs et solo ultra mélodieux !!! L’ingéniosité et l’audace de THE WILDHEARTS sont ici portés à son paroxysme. 

Le moment GREEN DAY alors : si vous n’avez pas encore craqué, "Sleep Away" servira assurément de porte d’entrée pour les amateurs de punk à roulette en mode stadium-rock pour jeune skater bourré de testostérone. Non seulement l’énergie de cette chanson équivaut à elle seule aux trois heures de concert du trio de Berkeley, mais son refrain est à nouveau aussi terrassant, et aurait pu briller comme le single phare de « American Idiot », avant que l’aventure n’emprunte un chemin rockabilly désuet – parfaitement cohérent avec le savoir faire de Billy Joe !

Et si "Sleep Away" ne nous avait pas encore à 100% convaincu (mais qui êtes vous donc jeune millenials blasés ???), peut-on humainement et biologiquement survivre à la doublette suivante, "You Do You" (du GREEN DAY pour homme !!!) dont les paroles sont délicieusement sarcastiques (« everybody’s an expert these days !!! ») et "Sort Your Fucking Shit Out" qui nous ramène plus loin encore dans le punk-pop des années 90 avec un sens de la formule hautement contagieux, à l’image de son chorus plus vociférant et aboyé encore – sans jamais trahir la mélodie des lead de guitare. Et "Directions" ??? Et "A Physical Exorcism" ? A faire pâlir n’importe quel groupe de thrash – de mémoire il n’y avaient que les GALACTIC COWBOYS pour marier de tels putain de riffs, des choeurs nourris et ultra harmonieux, le tout en chansons. 

On pourrait vous dévoiler bien d’autres surprises, trouvailles, gimmicks, détails, éclairs de génie et subtilités cachées – d’autant que l’album donne l’impression, d’incarner un énorme roller coaster, une version musicale du parc d’attraction Six Flags, du genre à tester ce que vous avez dans le bide. Ou pas.

Reste à savoir si ce groupe qui passionne les anglais depuis si longtemps arrivera enfin à susciter la curiosité des petits français. Oh, et par pitié n’allez pas jouer les snobs en partant écouter « Basket Case ». Le vrai truc de dingos, c’est ici.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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