5 octobre 2021, 16:50

AVERSIO HUMANITATIS

Interview Simón Da Silva

Blogger : Clément
par Clément


Auteur d’un très bon deuxième album, « Behold The Silent Dwellers », paru en début d’année dernière chez Debemur Morti, le trio madrilène AVERSIO HUMANITATIS s’est fendu récemment de son premier live « Silent Dwellers - Live MMXX ». Retraçant une grande partie de la discographie du groupe, celui-ci a été enregistré fin 2020 dans des conditions particulières. Par "live" il faut en effet entendre ici un enregistrement brut de pomme réalisé en studio, d’un trait et sans public (pandémie oblige). Simón Da Silva alias "S.", préposé à la guitare et basse, s’est entretenu avec HARD FORCE au sujet de ce nouvel album et de l’actualité du groupe…
 

Bonjour Simon. L'année dernière, vous avez sorti votre deuxième album « Behold The Silent Dwellers » chez Debemur Morti, quel a été le retour global sur celui-ci ?
Bonjour Clément ! L'accueil a été bon. Nous sommes très fiers du travail réalisé sur cet album et je pense qu'à la fois les gens qui nous connaissaient avant et ceux qui nous ont découverts avec cette sortie l’ont apprécié à sa juste valeur. Depuis, nous avons enregistré l'album live « Silent Dwellers - Live MMXX » dont nous allons parler ensemble et nous travaillons actuellement sur la composition de nouveaux morceaux.

Regardons de plus près ce "live", comment vous est venue l'idée d'enregistrer un tel album... sans public ?
Pour replacer les choses dans leur contexte, il faut se rappeler que « Behold The Silent Dwellers » est sorti en juin 2020 alors que la situation chaotique liée à la pandémie était à son paroxysme. Il n'y avait donc aucune possibilité de jouer live où que ce soit, c'est pourquoi nous avons décidé de réaliser ce live qui intégrait une très grande partie des morceaux présents sur l’album. C'était pour nous le meilleur moyen de présenter ce dernier comme nous le pouvions à ce moment-là. Nous l'avons d'abord proposé en streaming privé à la fin de l'année dernière, et désormais nous le publions sous la forme d'album live. Il est disponible au format digital pour une poignée d’euros sur notre Bandcamp mais aussi en digipack avec un patch via le label Lunar Apparitions. Nous souhaitions avec ces deux formats lui offrir le traitement qu’il méritait... à minima.

J'aime beaucoup la production de ce live, sauvage, fougueuse, brut. Dans quel état d'esprit avez-vous abordé cet enregistrement ?
L'enregistrement de cet album a été une expérience très stressante mais aussi stimulante ! Nous n'avons eu l'aide que de deux personnes extérieures au groupe : un assistant pour la partie vidéo et un ingénieur du son mais le plus gros du travail de préparation, d'assemblage et de post-production a été réalisée par nos soins. Tout a été enregistré d'un seul coup, dans les conditions d’un « vrai » concert, inutile de te préciser que nous avons ressenti une certaine pression sur nos épaules. Lors d’un concert normal, il y a toujours quelques pains, deux ou trois notes balancées avec plus ou moins de justesse mais ce n'est pas grave parce que personne ne s'en soucie tant que ce n'est pas trop visible. Mais lorsque tu enregistres en une prise, il faut faire preuve d’une concentration absolue car tu n’as pas le droit à un deuxième essai. Ici, tout s’est très bien passé au fur et à mesure que nous avancions dans notre setlist, chaque membre du groupe était à l’aise dans son rôle et le résultat est vraiment à la hauteur de nos attentes.

En une dizaine d'années, AVERSIO HUMANITATIS n'a pas été très prolifique avec seulement deux sorties...
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi, nous essayons de maintenir un rythme d’une sortie environ tous les deux ans depuis les débuts du groupe en 2011. Même si ce sont des splits, des EP ou un album live comme nous venons le faire. Je pense que nous gardons une ligne de conduite cohérente à cet égard. Alors oui, nous aurions peut-être pu travailler plus sur la quantité pour sortir un ou deux albums supplémentaires, mais nous voulions nous assurer que chaque pas que nous franchissions représentait un saut en avant pour AVERSIO HUMANITATIS. Il faut prendre le temps nécessaire pour se dépasser sur chacune de nos sorties.
 


Regardons de plus près ce live, l’on ressent sur celui-ci une énergie et une urgence qui rappellent le contexte troublé par le COVID qui a causé tant de frustrations pour de nombreux musiciens trop longtemps privés de concerts...
Absolument, cette situation a été extrêmement frustrante et nous a tous touchés à bien des égards. Nous ne sommes pas des musiciens professionnels, le groupe ne représente pas notre source de revenu principal. Mais nous ne voulons pas végéter en attendant une hypothétique permission pour reprendre notre vie en main et faire des choses concrètes. Tout ce qui s’est passé autour de cette pandémie est allée bien trop loin. A ce sujet, lorsque nous avons enregistré ce live, nous ne nous attendions pas à ce que cette situation chaotique dure si longtemps. Nous étions déjà très frustrés de ne pas pouvoir présenter notre album « Behold the Silent Dwellers » et d’aller jusqu’à devoir s’identifier auprès des autorités locales pour rentrer dans un studio d'enregistrement !
Mais tout cela comporte malgré tous des aspects positifs : récemment l’un de mes amis m'a dit qu'il avait regardé la vidéo du concert plusieurs fois au cours de la semaine et que cela l'avait aidé dans certains mauvais jours : c'est ce que recherche chaque créateur son travail, de se connecter avec d'autres personnes à travers son art. Cela peut être par le biais du black metal ou de n'importe quel autre genre de musique, peu importe, cette connexion à mon sens est très importante pour un musicien.

Vous avez également enregistré "Spears Of Unlight" qui figurait sur votre premier split, « Three Ways Of Consciousness », dans quel état d’esprit avec vous abordé ce morceau, huit ans après sa parution ?
Je vais être honnête avec toi : nous n'avons pas changé la moindre note du morceau originel, seule le tempo peut différer par moment. Nous l’avons choisi car c'est probablement notre préféré parmi tous ceux que nous avons enregistré à nos débuts.

Au sujet des textes, peux-tu nous en dire un peu plus sur toutes les différentes époques présentées sur le live (le split, l'EP puis le deuxième album) ?
Les textes présents sur chaque sortie ne sont pas directement liés, mais ils ont toujours traité plus ou moins des mêmes thèmes : les souffrances de l'humanité, sa tendance à la dégénérescence et à l'autodestruction et le fait d’aller de l'avant malgré le poids de certans fardeaux que nous portons en nous depuis trop longtemps. Nous abordons cependant ces textes d'un point de vue légèrement différent au fil du temps qui passe, mais le fond reste le même.

L'artwork de l'album est intriguant, peux-tu nous en dire un peu plus à son sujet ?
La pochette de cet album est une extension, une continuation de l'artwork de « Behold The Silent Dwellers ». Tous les deux sont composés de photographies prises et éditées par notre vocaliste, guitariste et bassiste : A.M. Ces structures représentent des images qui reflètent les textes de l'album, ce sont de grands bâtiments qui prétendent s'imposer et constituer de grandes réalisations de notre civilisation, mais en réalité elles ne sont que des symboles de nos échecs et de nos misères. Elles symbolisent cette ville qui dévore ses propres créateurs...

Dans le même ordre d'idées, tu es impliqué depuis plus de dix ans dans la scène black metal depuis votre premier album. Quelles sont les sorties qui résumeraient le mieux cette scène au cours de cette décennie d'activisme metal ?
C'est une question très difficile, je pense que je devrais passer de nombreuses heures à réfléchir à tous les albums que j'ai écoutés au cours des quinze dernières années pour faire un choix des plus pertinents ! Mais je pourrais évoquer certains noms comme « The Mystical Beast Of Rebellion » de BLUT AUS NORD, « Enemy Of Man » de KRIEGSMACHINE, « Lowgazers » de PLEBEIAN GRANDSTAND, « Paracletus » de DEATHSPELL OMEGA ou encore « Consolamentum » d’ASCENSION. Bien évidemment, je ne parlerai pas des grands classiques des années 90 que tout le monde connaît déjà sur le bout des doigts...

Toujours au cours de ces mêmes dix années, qu'est-ce qui t’as le plus marqué en termes d'évolution de la scène metal en tant que "consommateur" ? Le retour en force des formats vinyles et cassettes par exemple ?
A vrai dire, j'écoute du black metal depuis plus de quinze ans mais je n’étais pas là dans les grands moments des années 90 pour comparer ceci avec l'état de la scène d'aujourd'hui. Mais j'ai quand même l'impression que de plus en plus de gens collectionnent des éditions physiques par rapport aux années 2000 quand tout le monde pensait que télécharger des mp3 suffisait pour découvrir un groupe. Je vois aussi de nombreux labels sortir des éditions de qualité, des fans payer pour acquérir des albums sur des plateformes comme Bandcamp et ainsi soutenir et rétribuer les groupes même s'ils pouvaient l'écouter gratuitement sur Youtube ou Spotify. J'achète encore des CD et quelques vinyles et j'espère vraiment que le format physique ne mourra jamais. Mais qui sait, les gens vivent dans des endroits de plus en plus petits avec de moins en moins d'espace pour stocker des disques et les frais de port augmentent sans arrêt...

Concernant les cassettes, que pensez-vous de cette vague qui déferle depuis quelques années avec les labels spécialisés dans les sorties en cassettes ?
A titre personnel, je possède une petite collection de cassettes, j'en achetais beaucoup autrefois, mais je le fais plus rarement désormais. Ce format a son charme, mais je le considère définitivement comme le pire de tous car le visuel a les dimensions les plus petites et la qualité du son est la pire possible ! La cassette a tellement de limites techniques que l'on pourrait en parler pendant des heures. Quoi qu'il en soit, je pense malgré tout que c’est important d'avoir une variété de choix pour que chacun soit libre d’acheter ce qu'il veut…

Quels sont vos projets futurs, même avec l'incertitude dans laquelle nous vivons, pour la fin de l'année ?
A bien y réfléchir, il n'y a pas vraiment d'incertitude : la vie est faite comme cela, au quotidien, avec son lot d’incertitudes. Ce dont je suis sûr c'est que je jouerai de la musique jusqu'à ma mort, d'une manière ou d'une autre, et ce même s'il y a une nouvelle pandémie chaque année ! Concernant l'actualité du groupe, nous sommes déjà en train de composer pour notre prochain album mais nous ne savons pas encore combien de temps cela prendra, ce n'est que lorsque nous aurons des morceaux dont nous sommes suffisamment fiers que nous les enregistrerons. Pour ce qui y est des concerts, certaines choses bougent en ce moment mais il n'y a rien de confirmé. Cette année, nous donnerons probablement quelques concerts en Espagne et j'espère que l'année prochaine nous pourrons enfin partir un peu plus loin !

Merci pour ta disponibilité, ces derniers mots seront les tiens...
Merci Clément pour tes questions et pour l’intérêt que tu portes au groupe, à bientôt !
 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK