30 octobre 2021, 13:05

SIXX:A.M.

"Hits"

Album : Hits

Prenez une marguerite. Arrachez-lui un à un les pétales (dans un grand éclat de rire cruel et vicieux) tout en énonçant ces quelques mots : "Nikki Sixx s’aime… pas du tout… un peu… beaucoup… passionnément… à la folie…" Appelez-le sort, présage ou oracle, peu importe ! Mais si le Destin existe, le dernier pétale arraché ne pourra jamais coïncider avec le "pas du tout", ni même s’accorder avec "un peu". Car oui : Nikki Sixx s’aime ! Énormément ! Tout le monde le sait. Mais comment lui en vouloir et comment ne pas avoir un égo disproportionné, pour être arrivé là où il est… tout en partant d’où il est parti ? Ainsi, après The Dirt, The Heroin Diaries et This Is Gonna Hurt, The First 21: How I Became Nikki Sixx est le quatrième livre, dans la carrière du bassiste, à constituer une B.O.A. : la bande originale de l’album. Des livres écrits par Nikki Sixx (et d’autres mains pour The Dirt), ayant pour objet Nikki Sixx et constituant la matière première des albums de Nikki Sixx. Si le concept a jusqu’alors bien fonctionné (y compris pour le film), l’on peut se demander à quel moment le filon sera tari… ou s’il le sera un jour ? On peut ainsi imaginer "La vie intra-utérine de Nikki Sixx", "Frank Feranna et le trésor du pharaon" et pourquoi pas "Franky contre les dinosaures" ?

Nous n’en sommes pas – encore – là et c’est heureux, car Nikki Sixx n’a jamais été grand fan des histoires de dragons et de chevaliers chères à Ronnie James Dio, ni aux épopées lyrico-fantastiques qui ont fait la renommée d’IRON MAIDEN. La littérature du bassiste s’est toujours voulue "réaliste", en phase avec les expériences vécues, que ce soit pour MÖTLEY CRÜE ou pour ses side-projects : 58 (année de naissance de… Nikki Sixx !), THE BRIDES OF DESTRUCTION et désormais SIXX:A.M.. Ashba pour le "A", Michael pour le "M", le batteur ayant toujours été plus ou moins fantomatique (voire analogique) dans la formation. Le parcours du trio ne l’est pas (fantomatique), même si le groupe a d’abord été pensé de manière éphémère, pour un one-shot : l’excellent « The Heroin Diaries Soundtrack ». Cinq albums plus tard – enfin, 3 + 1 double – SIXX:A.M. fait désormais référence. La créativité de Nikki Sixx et son génie marketing doivent ici être salués à leur juste valeur : être à l’origine de deux formations mondialement (re)connues, voilà une performance aussi brillante qu’insolite.

« Hits » rend donc hommage à ce parcours amorcé en 2007 et à sa créativité toute "Queenesque". Il sort trois jours après la biographie The First 21, qui donne son nom au premier single. Pour le reste, l’album se compose de 20 morceaux (pourquoi pas 21 ? C’eut été raccord avec le concept), dont 6 nouveaux titres. Enfin… tout dépend de ce qu’on appelle "nouveauté", 3 des 6 chansons n’étant finalement que des remix et autre version alternative… Attention, donc, à ne pas tomber dans "la jurisprudence MÖTLEY CRÜE", qui a sorti quatre fois plus de "best of" en tout genre durant la seconde partie de sa carrière que d’albums studio en 40 ans (ils ont aussi mis sur le marché des sex toys, pour se rattraper, mais on aurait préféré de la musique…). D’entrée, on remarque deux particularités – sortes de "palindromes cosmiques" – intrinsèques à ce « Hits », puisqu’elles peuvent aussi bien être déclinées de gauche à droite que de haut en bas. Ainsi, s’il a effectivement fallu 21 années à Frank Feranna pour devenir Nikki Sixx, au tout début de l’histoire, on constate qu’au moment où ces lignes sont écrites, Sixx entame sa 21e année de sobriété. Feranna, Sixx défoncé, Sixx clean : nous en sommes donc à trois (re)naissances ; pas mal pour un seul homme ! Sans compter sa résurrection… à se demander si l’on a bien à faire à un simple être humain. Ce qui est certain, c’est que Nikki Sixx fait partie du club des "survivants" et que sa force vitale est largement au-dessus de la moyenne. Impossible, sans cela, de se réinventer de la sorte. Et si remplir "le vide psychique" par tout type de substance liquide ou vaporeuse allait de soi, durant une longue période de sa vie, déceler ses névroses, reconnaître ses troubles, comprendre ce qui y a présidé, puis s’en détacher, est un combat d’une toute autre nature. L’occasion d’un autre bouquin, sans doute : How I became Nikki Sixx Adulte.

Ce n’est qu’une fois sur ce chemin qu’il put écrire "Life Is Beautiful" sur le premier album de SIXX:A.M.... on est alors bien loin du "Dr Feelgood" de MÖTLEY CRÜE. Précisément, "Plus belle la vie"… heu… pardon… "La vie est belle" présente l’originalité d’ouvrir l’album et de le conclure ! La première version, aussi puissante que délicate, date de 2007, tandis que la dernière est l’une de ces versions alternatives pondues pour l’occasion, en mode piano-voix. Pour être honnête, on aurait aimé que l’œuf ne sorte jamais de la poule. Voire que la poule n’ait jamais vu le jour (même si ce n’est pas très gentil pour elle). Histoire d’être bien sûr. Nous y reviendrons… Pour l’heure, attardons-nous sur le morceau-phare de l’album : "The First 21" ! Un titre que l’on découvre de concert avec sa vidéo, constituée d’images d’archives. On y voit le jeune Frank Feranna évoluer aux côtés de sa famille et de ses amis. D’abord enfant, puis ado, posters de Jimi Hendrix, AEROSMITH, KISS et URIAH HEEP placardés aux murs, guitare et basse à la main. Les images défilent, et lorsque Frank apparait affublé des fameux spandex à bandes noires et blanches, ceux-là même qu’il portait lors de ses concerts avec son premier groupe, LONDON (et qui furent remis au goût du jour durant l’ère « Theatre Of Pain »), on imagine que "le concept de Nikki Sixx" n’était qu’à deux doigts de sortir du bouillant cerveau de son géniteur pour exploser à la face du monde !

Si l’image du clip – signée Lucy Dyson, qui a également travaillé avec Beyoncé, Paul Mc Cartney ou Paul Smith – est particulièrement soignée et kaléidoscopique juste ce qu’il faut, le travail sur le son mérite également d’être salué. À la fois moderne et puissant, il nous offre le meilleur de la technologie, combinée à l’atmosphère des 70’s. On retrouve donc un savant mixte entre THE BUTTERFLY BALL, cher à Roger Glover (tiens, tiens : un autre bassiste) et les multiples groupes qui se succèdent sur la scène du Phantom Of The Paradise dirigé par De Palma. Y a pire, côté références... Etonnamment, "The First 21" se structure d’abord autour de déflagrations répétées, à la manière d’un vieux big band de swing américain qui cracherait ses cuivres. Des détonations qui reviennent à intervalle régulier, comme une ritournelle, et qui s’imposent à l’esprit, à la manière d’un riff. Puis c’est la basse qui entre en scène, remplit l’espace et fragmente chaque moment, comme le ferait un pendule d’horloge… ou une machine à remonter le temps ? James Michael impose sa voix puissante et chaleureuse, ce qui ne l’empêche pas de douter : "The first twenty-one, is it heaven or hell ?". Souvenirs d’une période confuse, visiblement… Et puis, il y a la guitare de DJ Ashba, lumineuse, tout en feeling. Son solo ? Une montée en charge pleine d’intensité. Du majeur au mineur : c’est un spectre complet d’émotions qui se voit couvert.

L’ambiance générale du morceau/clip est foncièrement joyeuse, même si l’on ressent comme un léger malaise. Peut-être de la nostalgie, face à ce temps qui s’écoule, inéluctablement. Face à une période définitivement perdue, aussi : la jeunesse, les idéaux, la rébellion, la naïveté, l’énergie et cette envie de conquête… et quelle conquête, Nikki Sixx (même s’il n’était pas tout seul) ayant fait de MÖTLEY CRÜE l’un des plus grands groupes de hard rock/glam metal au monde ! Chose qu’il ne pouvait même pas imaginer à l’époque… Toutefois, contrairement à ce qui a pu être écrit dans The Dirt comme dans The Heroin Diaries, ce n’est pas la seule colère qui pointe le bout de son nez à l’évocation de cette période. À bientôt 63 ans, le regard de Nikki Sixx sur les premières années de vie de Frank Feranna semble avoir évolué. Notamment en ce qui concerne son entourage et son éducation. Ce qui ne signifie en rien que ce qu’il écrivait précédemment n’a pas existé, mais bien plutôt qu’il est désormais capable de porter son regard sur d’autres aspects de cette époque. Probablement une analyse plus globale. Moins égoïste. Peut-être ce après quoi il a couru toute sa vie ? Le bien à propos "Waiting All My Life" est justement l’un des trois – réels – nouveaux titres. Gros son, gros riffs, gros chœurs, un peu à la manière de ce qui se pratiquait dans les 80’s. Le chant est progressif et maîtrisé, la guitare voltige, le solo étincèle : pas un ingrédient ne manque ! Bien sûr, on a déjà dégusté des plats qui avaient plus ou moins le même goût – point de cuisine moléculaire ici – mais c’est très bon ! Et c’est bien là l’essentiel. Alors, même limité à 30 km/h dans votre ville, ça devrait très bien fonctionner au volant de la titine…

Vous devrez, en revanche, impérativement débrancher les assistances électroniques de votre voiture au moment où démarre "Penetrate". C’est plus lourd, plus nerveux et c’est meilleur en "mode sport", collé au bitume ! Et si on pouvait aussi se débarrasser de la direction assistée… Il y a d’abord ce p’tit gimmick à la six-cordes, imparable, qui nous laisse juste assez de temps pour mettre le moteur à bonne température. Et puis, le tempo accélère bien vite et l’on est obligé d’écraser la pédale de droite pour suivre le rythme de James Michael, DJ Ashba et Nikki Sixx. Heureusement, le morceau est assorti de plusieurs breaks qui agissent comme autant de ralentisseurs… qui nous font comprendre qu’il serait peut-être plus prudent de lever le pied ! Jusqu’au solo, qui ne nous offre qu’une alternative : éjecter manu-militari Fantomas de sa DS Citroën, pour tenter d’attraper quelques-unes de ces notes qui s’échappent dans le ciel, à la vitesse du son pour certaines, de la lumière pour d’autres… Quel feu d’artifice ! La suite est un peu plus sombre – quoiqu’aussi intense – avec cette version 2021 de "Skin". L’original concluait « This Is Gonna Hurt », en 2011. Dix ans plus tard, la peau s’est tannée. Endurcie, la voilà prête à résister à un mix plus lourd. S’il ne révolutionne pas totalement la première version, il lui donne une toute nouvelle couleur : plus dense. Tandis que la voix et le piano occupaient le devant de la scène sur le second album de SIXX:A.M., avec une pointe de philharmonique et sans solo de guitare, tous les instruments remplissent désormais l’espace à parts égales. Et puis, il y a la percée de DJ Ashba : véritable fusée éclairante, dans les brumes épaisses…

Une lueur qui ne sera malheureusement pas suffisamment puissante pour nous extirper des ténèbres dans lesquelles "Life Is Beautiful" version piano-voix nous entraîne… Tous les poncifs d’une mauvaise comédie musicale (désormais un pléonasme ?) s’enchainent et, aussi triste que ce soit, l’on imagine aisément le groupe passer une audition devant le jury de "America's Got Talent" avec ce morceau. Et Simon Cowell de se répandre en "ouuuwaaaaaah… awwwsooooome !" Il faut dire que, porté par une tonalité de piano volontairement différente de l’originale, histoire de créer de la dissonance là où il n’y a pas lieu d’en avoir, James Michael en fait des caisses ! Véritable "Jesus Christ Superstar", on le visualise aisément sur la scène de Broadway, les yeux révulsés, ses deux mains placées devant lui, les doigts grands ouverts, bougeant frénétiquement ses bras de haut en bas, pour juguler la souffrance qu’il en train de vivre. Comme Whitney Houston avant lui. C’est que ce doit être terrible… Écoutez la note qui sort du fin fond de sa gorge à la 47e seconde : on sent la douleur, incommensurable. Mieux : on la vit avec James et on ne ressort pas indemne de cette écoute (ça, c’est sûr !) ! Bref, un titre comme "Brandon" – autre "perle" de MÖTLEY CRÜE – passerait presque pour un chef d’œuvre devant cette… chose. Car sachez qu’il existe une véritable différence entre le sirupeux et le dégoulinant. Un point positif tout de même : comptez 30 secondes de moins pour cette version par rapport à l’originale.

Quel dommage de conclure ce « Hits » par cette fausse note. Une manière totalement artificielle de créer de "l’émotion". Donc inutile. Se réclamant de QUEEN, ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA ou encore David Bowie, on croise les doigts pour que cela ne présage en rien de la nouvelle direction artistique suivie par SIXX:A.M.. D’autant que – souvenez-vous – le précédent disque, « Prayers For The Blessed » (2016), comportait une reprise du "Without You" popularisé par… Mariah Carey (et Harry Nilsson avant elle). La version originale, composée et écrite en 1970 par Pete Ham et Tom Evans, têtes pensantes du groupe BADFINGER, nous prouve pourtant qu’il n’est nul besoin de trémolos et de gloussements en tout genre pour aller droit au cœur. Voire à l’âme. "La sobriété dans l’interprétation", n’est-ce pas là une formule qui irait comme un gant à Johnny Thunders, idole des jeunes années de Mr. Feranna ? Bon, en fait : non… "Sobre" et "sobriété" ne sont peut-être pas les termes les plus adaptés pour définir l’attitude des NEW YORK DOLLS… mais il n’y avait pas de trémolos dans la voix chez eux, ça, c’est sûr !

Blogger : Stéphane Coquin
Au sujet de l'auteur
Stéphane Coquin
Entre Socrate, Sixx et Senna, impossible de faire un choix… J’ai donc tenté l’impossible ! Dans un mouvement dialectique aussi incompréhensible pour mes proches que pour moi-même, je me suis mis en tête de faire la synthèse de tout ce fourbi (et orbi), afin de rendre ces éléments disparates… cohérents ! L’histoire de ma vie. Version courte. Maîtrise de philo en poche, me voilà devenu journaliste spécialiste en sport auto, avant d’intégrer la valeureuse rédaction de HARD FORCE. Celle-là même qui prit sauvagement part à mes premiers émois métalliques (aïe ! ça fait mal !). Si la boucle n’est pas encore bouclée, l’arrondi est désormais plus que visible (non : je ne parle pas de mon ventre). Preuve que tout se déroule selon le plan – savamment – orchestré… même si j’aimerais que le tempo s’accélère. Bon, et sinon, qu’est-ce que j’écoute comme musique ? Du bon, rien que du bon : Platon, Nietzsche, Hegel et Spinoza ! Mais je ne crache pas non plus sur un bon vieux morceau de Prost, Villeneuve ou Alonso… Comment ça, Christian, faut tout réécrire !?!
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