9 décembre 2021, 23:59

LEPROUS + WHEEL + AIMING FOR ENRIKE

@ Lyon (Ninkasi Gerland)

En ce mois de décembre 2021, il devait y avoir un ange, ou un quelconque truc porte-bonheur, style trèfle à quatre feuilles, fer à cheval ou patte de lapin, veillant sur LEPROUS. En effet, contrairement à d’autres groupes, les Norvégiens ont voulu assurer la tenue de leurs concerts, malgré les nombreux problèmes rencontrés. Cette tournée anniversaire aura été pavée d’embûches et de galères en tous genres, à commencer par les annulations des dates en Allemagne et en Autriche à cause des nouveaux confinements, puis par le passage des frontières britanniques. Toute la troupe a été ralentie et retardée à cause de nouvelles restrictions mettant en péril les dates françaises, notamment celle de Paris, le 5 décembre à l’Elysée Montmartre, obligeant le groupe à préparer la scène en un temps record, après 7 heures de retard, et empêchant les formations de première partie, AIMING FOR ENRIKE et WHEEL, d’assurer leurs prestations respectives.

Fort heureusement, l’arrivée à Lyon, le 9 décembre au Ninkasi Kao de Gerland s’est passée sans encombre. Et cette fois, tous les groupes ont pu monter sur scène. Sur place depuis le milieu de l’après-midi, nous avons pu constater que le groupe semblait particulièrement en forme, ayant eu la chance d’entendre les balances, qui auguraient d’une belle soirée avec un son parfaitement maîtrisé, assuré cette fois par Camille Bechet, étant donné que Chris Edrich n’était pas disponible. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Camille est tout aussi doué que Chris, présent lors du récent Ready For Prog Festivale en octobre dernier. Sur ces deux dates, ils ont su nous offrir un son d’une pureté incroyable. Un léger couac au niveau de l’organisation des entrées va obliger AIMING FOR ENRIKE à commencer son set dans une salle presque vide, qui finira fort heureusement par se remplir au fur et à mesure, la soirée étant annoncée sold-out, tout comme le concert de Paris quelques jours plus tôt. Originaire de Norvège eux-aussi, le duo, composé de Simen Følstad Nilsen à la guitare et Tobias Ørnes Andersen à la batterie, qui n’est autre que le premier batteur de LEPROUS, va nous offrir une prestation intense, mêlant sonorités jazz, funk, expérimental, noise, sur un rythme endiablé tout droit sorti d’une boite de nuit. Musique sans chanteur, faite pour danser et s’éclater en priorité, mais parfois un peu répétitive à la longue. Cependant, cela nous aura permis de constater à quel point Tobias Ørnes Andersen est un batteur extraordinaire, talentueux et endurant. Nous aurons l’occasion de le revoir plus tard sur scène avec LEPROUS, qui l’a invité sur plusieurs titres de la set-list.


WHEEL, quatuor finlandais de metal progressif, composé de James Lascelles au chant et à la guitare rythmique, Santeri Saksala à la batterie, Aki "Conan" Virta à la basse et Jussi Turunen à la lead-guitare, va nous proposer un show intense, alternant passages très énergiques et moments plus aériens, grâce aux extraits tirés de son dernier album « Resident Human », sorti en mars dernier, et du précédent, « Moving Backwards » (2019). Ambiances un peu froides et détachées, introspectives et planantes, aux relents TOOLien, WHEEL n’en demeure pas moins un groupe à suivre de près, notamment grâce à la voix et la présence charismatique de James Lascelles. Seul bémol à ce set qualitatif, les lumières en contre-jour, qui certes, donnent un aspect artistique intéressant, mais empêchent de voir les expressions des musiciens, ces derniers étant constamment noyés dans une ombre fantomatique. On a beau dire, même si l’effet est recherché, cela nuit à une bonne connexion avec le public. Or, la musique de WHEEL mérite une attention bien plus soutenue, grâce à la richesse de ses compositions et ses subtiles nuances.

La salle est désormais pleine à craquer, y compris au balcon, pour accueillir comme il se doit nos Norvégiens persévérants, qui se sont battus jusqu’au bout pour que cette tournée ait lieu. Leur obstination est d’ailleurs récompensée par plusieurs dates jouées à guichet fermé, que ce soit en Norvège, en France, en Espagne ou ailleurs. Succès fort mérité pour un groupe qui a patiemment gravi les échelons depuis 2001, et cette tournée est la célébration de ces vingt ans de carrière fort bien remplis, avec un EP, huit albums studio, en incluant « Aeolia » et un CD/DVD live. LEPROUS ne s’arrête jamais, la créativité, l’inventivité et l’évolution faisant partie inhérente de la personnalité de ses membres. Ce soir, le groupe nous fait monter dans sa machine à remonter le temps, une DeLorean version prog avant-gardiste, et c’est seuls qu’entrent en scène Einar Solberg (chant, claviers) et Tor Oddumund Suhrke (guitare rythmique, claviers et chœurs), les deux derniers membres fondateurs encore présents, pour entamer un medley de certains de leurs plus anciens morceaux, réarrangés pour l’occasion : "Nameless",  "Silent Waters" (2004), "Eye Of The Storm" et "Disclosure" (2006). Une réinterprétation toute en beauté et délicatesse, nous permettant d’apprécier la justesse de la voix d’Einar, jamais pris en défaut. Sont projetées sur le fond d’écran des photos rares du groupe, accompagnées par un light-show somptueux qui met en valeur chaque musicien et développe une ambiance propre à chaque titre. Puis Simen Daniel Lindstad Børven (basse, claviers et chœurs), Robin Ognedal (lead-guitare, claviers et chœurs) et Tobias Ørnes Andersen les rejoignent sur scène pour interpréter une version de "Passing" (2009) d’anthologie. Ce morceau est un formidable exutoire avec son final screamé (« Tonight, I’m passing awaaaay ») carrément jouissif. Ils poursuivent avec l’album « Tall Poppy Syndrome » et le non moins jouissif "Dare You" (2009), avec cette fois Baard Kolstad et Tobias en duo sur leur batterie respective. Une immersion profonde dans le rythme puissant des deux artistes : l’effet est grandiose. Pedro Miguel Nuñez Diaz, trompettiste Espagnol embauché sur cette tournée en lieu et place du violoncelliste Raphael Weinroth-Browne qui n’a pu venir de son Canada natal, comme c’était initialement prévu, retrouve le groupe sur scène pour un solo de trompette superbe et parfaitement adapté à la chanson.


On se retrouve immédiatement en 2011 avec deux extraits du génial « Bilateral », deux chefs d’œuvre incontournables, "Forced Entry", avec toujours les deux batteurs, puis "Painful Detour", avec Baard seul, et une superbe intervention du trompettiste Pedro Miguel. Les deux chansons suscitent des réactions extrêmement positives, et justifiées, de la part du public qui réagit au quart de tour depuis le début du concert. L’album « Coal » (2013) est représenté par la puissante "Foe", qui voit Tobias rejoindre Baard, plus flamboyant que jamais, et "The Valley", avec Tobias uniquement. L’alternance des deux batteurs est une véritable valeur ajoutée à ce spectacle. Mais les autres musiciens ne sont pas en reste, nous gratifiant de toute leur technique, leur habileté et leur talent. Ils animent la scène, pourtant très petite, de long en large, occupant l’espace et partageant leurs émotions avec des spectateurs conquis. Hormis l’étroitesse de la scène et sa hauteur démesurée qui oblige à se dévisser les cervicales, la salle reste agréable, notamment grâce à une bonne acoustique. Vient ensuite l’année 2015 avec l’album « The Congregation », qui a permis à LEPROUS de faire un bond en avant sur l’échelle de la notoriété. "The Price", même si cette chanson semble inamovible des set-lists du groupe, reste une valeur sûre, surtout pour entonner les « Ah-ah-ah-ah-aaaa » de rigueur, un immense sourire plaqué sur le visage. Quant à "Slave", c’est tout bonnement l’un des meilleurs morceaux du groupe, et assister à cette interprétation avec deux batteurs est une expérience inoubliable.


Einar Solberg est le grand maître de cérémonie de cette soirée, lui qui sait si habilement nous faire naviguer de la plus délicate douceur, à l’émotion la plus intense faisant poindre les larmes, ou à la rage la plus profonde. Un artiste qui se donne intégralement sur scène, sans retenue, exposant ses émotions les plus intimes, comme une catharsis nécessaire à la sauvegarde de l’âme. L’année 2017 est un tournant dans la carrière du groupe : rythmiques plus lentes, mélodies teintée de mélancolie et ajout de cordes pour un résultat plus intense émotionnellement. "Bonneville" laisse libre court à toute la sensibilité du chnateur, tandis que "From The Flame" rallie les foules, comme à son habitude. Arrive l’ère « Pitfalls » (2019) qui a vu le groupe grandir plus encore, grâce à des compositions d’une sincérité à nulle autre pareille qui ont su atteindre le cœur et l’âme de nombreux auditeurs. "Below" et la sublime "Distant Bells" sont à l’honneur ce soir, et malgré les embûches de cette tournée cauchemardesque au niveau logistique, aux dires d’Einar Solberg lui-même, le groupe est au sommet de son art, et heureux d’être sur scène ce soir. Simen Børven assure ses parties de piano sur "Distant Bells" avec profondeur et conviction, en dépit d’une blessure au petit doigt, et les interventions au violoncelle de Raphael ont été habillement remplacées par Pedro Miguel à la trompette. "Out Of Here" et "Nighttime Disguise" sont les deux extraits choisis pour illustrer le dernier album, « Aphelion », sorti cet été. Excellents choix tant ces morceaux sont fédérateurs et montrent l’étendue des capacités techniques et du talent des musiciens, tout en nuances et subtilités.


L’apocalypse finale est assurée sur le rappel, l’excellentissime "The Sky Is Red", qui a le don de provoquer une transe collective dans la salle, tous hypnotisés par la puissance de feu dégagée par le groupe, soutenu une dernière fois par Baard et Tobias en duo pour un assaut rythmique en règle, et Pedro Miguel, pour la touche de folie supplémentaire. Certes, la présence de Raphael Weinroth-Browne manque cruellement sur certains morceaux, et notamment ce final, mais il sera, à n’en point douter, dans les bagages du groupe lors d’une prochaine tournée.
Copieusement acclamés, les musiciens remercient chaleureusement leurs fans, avant de les laisser retourner dans leurs foyers respectifs, la tête pleine d’étoiles et les yeux embués d’émotions. LEPROUS a sacrément grandi depuis vingt ans, même si ce fut de manière progressive, et le succès rencontré n’est que justice. Les artistes se sont construits une réputation solide et certains fans n’hésitent pas à parcourir des milliers de kilomètres pour les suivre, avec l’assurance non seulement de passer une excellente soirée, mais aussi de pouvoir rencontrer des musiciens qui ont su conserver une humilité exemplaire, une gentillesse hors du commun et une chaleur humaine incomparable. A titre personnel, cette tournée anniversaire et ce 9 décembre 2021 resteront à tout jamais gravé au plus profond de mon être, marquant de la plus belle des manières mon propre anniversaire grâce à ces artistes exceptionnels qui ont l’art d’embellir ma vie.


Photos © Marion Frégeac - Portfolio-Paris

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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