30 janvier 2022, 15:54

CELESTE

Interview Johan Girardeau


CELESTE, c'est 17 ans d'existence dans le metal extrême français, et six albums à leur actif. Le dernier en date, « Assassine(s) », est en passe de devenir une révélation pour beaucoup d'auditeurs qui ne connaissaient pas encore le groupe. Entre brutalité et mélodie, mélancolie et agressivité, les huit titres qui le composent sont une véritable expérience musicale et émotionnelle. Johan Girardeau, chanteur/bassiste et compositeur du groupe nous parle d'atmosphères, de sens profond et d'envie de procurer des sentiments intenses à ses fans. Un entretien en toute transparence, aussi inspiré que la musique de CELESTE.
 

Salut Johan ! Comment te sens-tu à la sortie de ce sixième album intitulé « Assassine(s) ». La promotion se passe-t-elle bien ?
C'est même au-delà de nos espérances. C'est sûr qu'en signant sur le label Nuclear Blast Records, on espérait beaucoup. Ce n'est que le début mais on a hâte de lire les chroniques des media et tout ce qu'il y a derrière. On verra aussi l'influence sur le live. On n'avait pas à se plaindre jusqu'à présent mais peut-être que ça nous ouvrira encore plus de portes.

En parlant de live, je crois d'ailleurs que vous avez prévu de nombreuses dates en mars ?
Oui, dès février on est en Russie et en Europe du Nord puis derrière on enchaîne sur la grosse tournée du mois de mars avec 32 dates d'affilée !

Pas mal !
Oui, en effet. On tourne plutôt pas mal mais on n'a jamais fait de tournées aussi longues, sans day off. Ca peut être un peu hardcore mais bon, avec la situation actuelle, on ne va pas se plaindre. Déjà si on arrive à la faire c'est bien. Je pense qu'il y a quelques dates qui vont être annulées donc ça nous permettra de nous reposer un peu.

C'est important d'être sur la route pour la promotion ?
Oui et au-delà de ça, on aime être en studio mais le plaisir, il est en live. Etre en voyage avec les potes, passer un bon moment... c'est aussi pour ça qu'on fait de la musique.


Vous restez sur le même schéma de concerts ? Un peu court, avec un visuel soigné, sombre et agressif ?
Oui, on table quand même sur des concerts plus longs parce qu'il y a de la demande et en plus, on sera en tête d'affiche sur la tournée donc il faut assurer. On reste dans le même esprit mais on va passer à l'étape supérieure. On a déjà fait trois résidences pour travailler le spectacle, ce qu'on n'avait jamais fait auparavant. On va essayer de proposer quelque chose de plus développé encore, plus immersif, avec notamment de la projection vidéo, en rapport notamment avec les clips qui sont déjà sortis. Reproduire l'esthétique des clips en live. Le but c'est de se dire que tu ne viens pas seulement à un concert. Tu viens aussi assister à la projection d'un film devant lequel tu auras des sensations un peu plus complexes que juste un concert. Un vrai spectacle vivant.

Les visuels sont de toute façon l'essence même de CELESTE non ?
Oui, complètement. Depuis le début, je me suis toujours intéressé à l'aspect visuel. Je m'en suis tout de suite occupé. Je pense qu'on peut amener des choses en plus de la musique. Même en ce qui concerne l'album, on essaye de donner l'envie aux gens d'aller encore plus loin que la musique grâce à l'esthétique, le choix des pochettes, les paroles, le nom de l'album... L'idée est que l'on propose une expérience et que l'on développe chez notre auditoire des émotions complexes et immersives. C'est devenu aussi un rituel chez nous. Je sais que les gens qui nous suivent ont toujours hâte de savoir quel sera le visuel. C'est une des premières choses que l'on révèle, c'est un premier pas. Cela donne une intention aussi. Et je pense que ça a un impact sur la façon dont les gens vont appréhender l'album.
 

"On est visiblement parvenu à faire du black metal sans le vouloir, en tous cas c'est ce que certaines personnes pensent."
 

Elle est d'ailleurs intrigante cette pochette. Elle reflète bien la dualité qui anime CELESTE : le côté agressif et le côté protecteur, enrobant...
Oui, tu as raison sur la dualité. Déjà CELESTE, c'est pas un nom évident pour un groupe de metal. Nos pochettes ont toujours un côté doux mais avec une ambiguïté derrière. J'aime beaucoup jouer sur le double sens et intriguer les gens et donc laisser place à l'interprétation. Au final, on joue sur les contrastes comme on l'a fait sur l'album au niveau musical. Ca permet de décupler les sensations. Calmer le jeu sur certains aspects permet de mettre en valeur les moments où les propos intenses encore plus intenses.

C'est important pour vous de véhiculer un message ?
On a toujours été radicaux, provocateurs mais le message vient d'autre chose car je n'ai rien à apprendre à qui que ce soit, je n'ai pas envie de donner de leçons donc je n'irai jamais vraiment expliquer quel est le fond absolu de mon propos. Ca ne me dérange pas d'ailleurs qu'il soit mal interprété. On fait des choix qui sont quand même radicaux dans l'ensemble donc je peux comprendre qu'une partie de nos auditeurs pense qu'il y a un vrai message à faire passer. Mais pour nous, c'est plus nébuleux en fait. Je ne veux pas que les choses soient tout noir ou tout blanc, ni trop évidentes. Et le problème aussi, c'est que dès qu'il y a un message, on est vite politisés et ce n'est pas particulièrement mon truc. Même si j'ai été fan de groupes politisés, dans CELESTE je n'ai pas envie que ce soit le cas car le problème de la politique, c'est que souvent ça vient un peu pervertir le côté artistique et pour moi, CELESTE est avant tout un projet artistique. Je ne veux pas que ce soit pollué par autre chose.

Pour rester dans le visuel, est-ce que tu peux nous parler un peu du titre de l'album « Assassine(s) » ?
Chaque album de CELESTE depuis 2005 se place un peu sur le même modèle. Le "S" à la fin du mot est un peu comme une marque de fabrique qui permet de placer CELESTE comme une entité et qui soit reconnaissable facilement. Et c'est aussi une ligne de conduite. On va donc garder ce gimmick et on n'en changera pas mais il n'y a rien de contemporain, pas de volonté d'écriture inclusive. Ce sont des considérations qui nous intéressent peu, on ne va pas se mentir.

CELESTE a toujours refusé d'être affilié au black metal, pourtant à l'écoute de votre musique, on y note de grandes similarité, de même que dans votre univers...
En fait, on n'a pas refusé mais on est très surpris. On n'accorde pas d'importance aux étiquettes musicales que l'on peut nous coller. La réalité, c'est que nous n'avons quasiment jamais écouté de black metal. Je respecte ce genre musical car j'aime ce qui sort des sentiers battus et on est en plein dedans mais ce n'est pas pour autant que j'aime le black metal. Je ne veux simplement pas que les gens se méprennent et pensent qu'on a écouté des centaines d'albums de black metal pour s'en inspirer. On est visiblement parvenu à faire du black metal sans le vouloir, en tous cas c'est ce que certaines personnes pensent. Mais nous ce qu'on voulait c'était simplement faire de la musique violente, parfois dissonante. Donc forcément on a des sonorités black mais jamais on s'est dit qu'on allait faire du black. D'ailleurs actuellement, on chemine un peu à l'inverse en enlevant les blastbeats et en rendant notre musique plus atmosphérique. Et puis en live, on n'est pas accoutré comme des gens qui jouent du black même si en effet on a une proposition qui est assez extrême et très sombre. Nous on aime bien le terme "metal noir" qu'un ami nous avait suggéré. Du black metal mais à la française, ce qui donne un sens un peu différent je trouve, qui nous correspond assez bien car du coup il n'est pas affilié à un style. Et clairement, ce que l'on fait, c'est du metal qui est noir. Donc ça fonctionne bien.

En effet, « Assassine(s) » est un album très riche, très profond, avec différentes ambiances. On a vraiment l'impression que vous vous donnez corps et âme quand vous composez. Comment s'est passé le processus d'écriture ?
Pour cet album, ça a été un peu différent des autres. On a été influencé par le COVID et on l'a écrit pendant le premier confinement. C'était quelque chose de complètement nouveau. On a dû un peu se réinventer en composant chacun de notre côté. Pas qu'on ne le faisait pas avant mais c'était souvent Guillaume notre guitariste qui amenait des riffs puis on les travaillait en répétition. Là comme on était séparé les uns des autres, on s'est réparti les tâches. Je me suis mis à composer par mal de choses à la guitare, comme je l'avais fait sur « Infidèle(s) » aussi. On s'est grosso modo séparé le travail en deux avec Guillaume. Ce qui était un peu différent, c'est qu'on ne confrontait pas nos idées. Chacun composait de son côté de A à Z et d'ailleurs pas que la guitare. Donc on a quasiment chacun de notre côté créé des morceaux entiers puis on les a confronté aux avis des autres. Et on ne mâche pas nos mots entre nous ce qui fait qu'on avait quand même tendance à jeter beaucoup de choses, ce qui était peut-être un écueil. Alors qu'avec ce système de composition, quand on avait une idée, on allait jusqu'au bout sans que personne nous dise de la jeter à la poubelle. D'une certaine manière, on vendait nos compositions finies, dans un tout. Donc il y a pas mal d'idées qui auraient pu finir à la poubelle en tant normal qui ont finalement vues le jour dans leur composition finale. Je suis persuadé que ce sont les idées les plus fortes. Et puis, on sent bien la dualité de notre façon d'écrire avec Guillaume, ce qui rend l'album beaucoup plus riche. Après tant de temps passé ensemble à composer, il nous fallait du renouveau et là ça a été un sacré déclic ! Je pense d'ailleurs que ce sont des éléments qu'on gardera en mémoire à l'avenir pour les prochains albums à composer.

Ca va donc peut-être vous demander plus de travail pour la préparation du live vu que vous avez passé moins de temps ensemble et que vous vous êtes moins approprié les compositions non ?
Oui, complètement. On a fait vraiment des albums que je qualifierais de "rock", c'est-à-dire guitare/basse/batterie et là au final on a mis pas mal de guitares lead, de petits arrangements... c'est aussi pour ça qu'on a fait une résidence, parce qu'en live ça demande un travail bien supérieur. Surtout qu'on a moins les morceaux dans les doigts puisqu'on ne les a pas bossés en amont en répétition ; donc oui, c'est un travail monstrueux mais comme ça fait plus de 15 ans qu'on fait ça, on a besoin de se genre de challenge. La nouveauté nous motive. Plus c'est difficile, plus on en profitera derrière. C'est d'ailleurs fou de se dire qu'au bout de 15 ans, on se sent encore plus challengé, motivé qu'il y a cinq ans. On a d'ailleurs déjà la motivation pour le prochain album alors !

Parlons un peu de la musique. Il y a des passages qui sont plein d'émotions sur « Assassine(s) » comme dans "Nonchalantes de Beauté" par exemple .Quel est votre état d'esprit quand vous composez des chansons qui sont quand même beaucoup plus atmosphériques, envoûtantes ?
On avait vraiment la volonté de faire un album beaucoup plus mélancolique ; Déjà sur « Infidèle(s) », on avait travaillé le côté metal et le côté mélodique mais on avait eu le sentiment de ne pas s'être à nouveau lâché. On voulait pour celui-ci l'émotion à son maximum. On ne s'est pas mis de barrières. J'ai toujours aimé les mélodies. C'est d'ailleurs le jour où j'ai commencé à entendre des mélodies un peu tristes et/ou violentes que je me suis mis à me passionner pour la musique. J'ai essayé de composer les guitares que moi j'aimerais entendre chez d'autres en fait et qui me parlent en terme de mélancolie. La mélancolie amène le côté atmosphérique car il est plus facile de véhiculer des émotions sans le chaos derrière. Ce contraste, c'est quelque chose qu'on a beaucoup cherché. Mais il y a aussi des paroxysmes d'intensité qui sont aussi puissants et lourds que tristes et mélancoliques comme sur la fin de "Nonchalantes de Beauté" ou "Le Coeur Noir Charbon".


Il y a d'ailleurs la chanson "(A)" qui fait office de paroxysme : très atmosphérique, onirique. Elle est vraiment particulière cette chanson... positivement bien sûr !
Oui c'est marrant car c'est typiquement le genre de risques qu'on n'osait pas prendre à l'époque parce qu'on partait de mauvais a priori que ça ne plairait pas aux gens mais au final, j'ai l'impression que c'est au contraire quelque chose qui leur parle. Ils sont touchés par cette prise d'initiative. C'est très intéressant et très gratifiant pour nous car ça veut dire que quand on prend des risques, ça paye. Ce genre de retour positif nous aide car à l'avenir on va vraiment développer ce type d'idées. En plus, elle aura une belle place en live puisqu'on attaquera le concert par cette chanson !

Un dernier mot sur votre producteur qui s'est déjà occupé de grands groupes, GOJIRA par exemple, Chris Edrich ?
Il a été génial ! On a eu cette volonté de se professionnaliser dans notre démarche même en studio. On a voulu mettre les petits plats dans les grands et être très exigeants envers nous-même. Chris a été formidable, même un peu fou car il n'a rien laissé passer. On a pris deux fois plus de temps que prévu pour enregistrer alors qu'on pensait être larges à la base. On est ultra content du son et de la production, on voulait quelque chose qui soit plus lisible que ce qu'on faisait jusqu'à présent. C'était beaucoup de travail mais le résultat est là alors on relativise. Même au niveau du regard, c'était hyper intéressant car il a produit des groupes en live qu'on apprécie et nous a apporté un regard critique quand on a eu des doutes. Il nous a vraiment permis de faire les bons choix là où on tâtonnait.

Un souhait pour terminer ?
On espère vraiment que les gens vont oublier la COVID et venir nous voir en live. On est content que les gens achètent nos disques mais la vraie récompense, c'est l'expérience live surtout qu'on a vraiment quelque chose à proposer qui est intéressant. On espère que les retours seront positifs.
Facebook.com/celesteband
 

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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