21 février 2022, 19:42

IMMOLATION

Interview Robert Vigna

Blogger : Clément
par Clément

En matière de death metal, IMMOLATION fait partie des meubles. Précurseur d’un genre dont il a forgé les codes avec une première démo parue en 1988 (ainsi qu’une première aventure sous un patronyme différent, RIGOR MORTIS, dès 1986), le clan de Yonkers, dans l'Etat de New York, a traversé les modes sans sourciller pendant près de trente-quatre ans. Passé successivement au sein de prestigieuses écuries telles Roadracer, Metal Blade ou Listenable pour atterrir il y a une décennie chez Nuclear Blast, le groupe a parcouru un sacré bout de chemin en s’imposant comme l’un des fers de lance du mouvement. Le plus impressionnant étant à n’en point douter sa longévité qui demeure la clé de son succès, cette obstination, cette abnégation à aller toujours de l’avant sans regarder derrière. Une réussite sans nul doute incarnée par l’investissement total de l’un de ses deux membres historiques, le guitariste Rob Vigna. Qui ne s’est pas privé, quelques jours avant la sortie de « Acts Of God », de tailler le bout de gras avec HARD FORCE…


Bonjour Rob, « Act Of Gods », le onzième album d’IMMOLATION, est récemment sorti chez Nuclear Blast. Quel regard portes-tu à son sujet après de nombreux mois de travail ?
Je suis étonnement serein. Sa composition s’est déroulée dans de bonnes conditions malgré l'incertitude sur son futur, lié au contexte de la pandémie. A titre collectif, l’ensemble du groupe est très fier du travail accompli sur « Acts Of God ». Il faut dire qu’une fois de plus, nous avons été très bien entourés : Paul Orofino, qui est devenu au fil des années un ami, a fait des merveilles sur l’enregistrement du disque. Il est à nos côtés depuis « Failures For Gods » (sorti en 1999), alors il commence à bien nous connaître (rires). Zack Ohren, qui s’est occupé du mixage et du mastering, aussi puisque nous travaillons ensemble depuis plus de douze ans. Avec eux, nous formons une équipe soudée et unie pour le meilleur ! Nous ne pouvons donc qu’être optimistes pour la suite.

Quelle est la place que tu donnes à « Acts Of God » dans une discographie aussi fournie que celle d’IMMOLATION ?
Je ne peux pas décemment te dire que ce nouvel album est le meilleur que nous ayons composé car chacun de nos onze disques reflète notre état d’esprit et nos envies du moment à sa sortie. Ce qui est sûr en revanche, c’est que « Acts Of God » sonne 100% IMMOLATION ! C’est la suite logique de « Atonement » avec un côté plus sombre, plus puissant, porté sur des rythmiques impitoyables. Chaque morceau porte en lui l’ADN du groupe, celui qui nous anime depuis nos tout débuts en 1988. Presque trente-cinq ans plus tard, nous ne pouvons qu’être fiers de continuer à délivrer une musique aussi intense et je suis sûr que nos fans retrouveront tout ce qu’ils aiment sur cet album. Son côté abrupt et direct montre également que nous sommes plus déterminés que jamais à venir le défendre sur scène.

Premier constat lors de la découverte de cet album : le nombre de titres qu'il propose, quinze ! Doit-on en conclure que vous étiez particulièrement inspirés ?
Oui ! Les cinq années qui se sont écoulées entre « Atonement » et le nouvel album ont été mises à profit comme il se doit. Nous avons beaucoup tourné en 2018 et 2019, puis le contexte que tout le monde connaît nous est tombé dessus en 2020. Cela a été finalement un bon moyen pour faire un break et se poser afin de réfléchir à l’orientation du prochain disque. De nombreux sujets nous ont inspiré pendant cette période et les morceaux ont vu le jour les uns après les autres sans forcer quoi que ce soit. Nous n’avions d’ailleurs pas prévu de faire un album de quinze titres, enfin treize si tu enlèves les deux interludes que sont "Abandoned" et "And The Flames Wept". Au final, nous avons retenu l’intégralité de notre production en peaufinant l’ordre du track-listing pour le résultat que tu connais désormais.

Ce qui est sûr, c’est que la patte d’IMMOLATION et ce style reconnaissable entre mille sont toujours à l’ordre du jour sur cet album...
Bien sûr et la raison est très simple : nous aimons ce que nous faisons. Et nous avons toujours à cœur de bien le faire. Cette patte dont tu parles, c’est quelque chose qui incarne IMMOLATION, qui fait que lorsque tu découvres un nouvel album du groupe, tu sais exactement où tu mets les pieds (rires). Nous formons une équipe expérimentée, au sein de laquelle chaque membre se connaît sur le bout des doigts, une équipe unie par une même passion qui nous réunit depuis plusieurs décennies. Cela ne veut pas dire pour autant que nous refusons d’expérimenter puisque nous restons à l’écoute de ce qui se fait autour de nous. Ce qui est marrant finalement, c’est que nous sommes toujours autant excités à l’idée d’entrer en studio, puis de tenir le fruit de notre travail entre nos mains, de partir en tournée. Ce sont des plaisirs simples mais dont nous ne pourrions pas nous passer. D’un point de vue personnel, je me rends compte de la chance que j’ai de participer à l’aventure IMMOLATION depuis ses débuts. Surtout lorsque je prends un peu de recul sur l’histoire du groupe et que je constate là où il en est aujourd’hui.

J’imagine. D’ailleurs en évoquant l’histoire du groupe, est-ce que les paroles expriment toujours votre colère au sujet de la religion ?
Oui, même si ce n’est pas notre unique sujet d’inspiration. Ce que le monde a vécu pendant ces deux dernières années reste une expérience éprouvante d’un point de vue psychologique et physique qui nous a tous marqués. Pour en revenir au sujet de la religion, ce qui nous intéresse est l’impact que celle-ci possède sur l’individu et le monde dans sa globalité. Mais comme je te le disais précédemment, nos textes sont aussi inspirés par l’état actuel de notre société en étant basés sur la frustration et la colère que nous ressentons ces derniers temps.
 

"Je ne sais pas vraiment s’il y a un secret derrière notre longévité. Ce dont je suis sûr, c’est que la passion pour le metal, pour la musique au sens large est ce qui nous anime depuis toujours."


« Acts Of God » ne se focalise plus sur ce qui pouvait vous animer à vos débuts...
Oui et heureusement d'ailleurs ! Nous évoluons, album après album, en tant qu'indvidus et musiciens. Le seul fil conducteur, en lien avec la pochette, est cette opposition permanente entre la lumière et l'obscurité. Le feu est lui aussi présent avec cette symbolique de renouveau, de purification mais aussi lorsque tu pousses un peu plus loin, de destruction. Il y a un sentiment général de désespoir sur « Acts Of God » qui est en lien, comme je l'expliquais, avec ce que nous avons subi au cours de ces deux dernières années. L'enfermement au quotiden et la séparation d'avec les proches, l'impact négatif des médias, cette schizophrénie galopante : tout cela a été un terreau fertile d'inspiration pour ce onzième album...

L’artwork signé cette fois par Eliran Kantor reflète ce côté sombre et désabusé auquel tu fais référence…
Exactement. Nous n’avons pas travaillé avec Par Olofsson pour « Acts of God » afin de tester une approche visuelle différente. Nous avons adoré ce qu’il a fait sur nos derniers albums mais à vrai dire, Eliran a vraiment ce don incroyable pour retranscrire avec doigté ce qu’il y a de plus sombre en chacun de nous. Il a su remettre à l’honneur nos racines en s'appuyant aussi bien sur la musique que sur le visuel avec ce côté "old-school". Nous sommes aussi de grands amateurs du travail qu’il a réalisé pour de nombeux groupes de metal ces dernières années : il était donc logique que nous fassions appel à lui pour le visuel de l’album. Nous avons choisi de le laisser travailler sans lui fournir trop de détails, Eliran savait ce qu’il avait à faire et il l’a très bien fait d’ailleurs ! Et le rendu final est magnifique.

Tu parles du côté "old-school" de votre musique : votre première démo est sortie en 1988, trente-quatre ans plus tard, IMMOLATION est toujours là, quel est donc le secret de votre longévité ?
Trente-quatre ans déjà ! Je ne sais pas vraiment s’il y a un secret derrière cette longévité dont tu parles. Ce dont je suis sûr, c’est que la passion pour le metal, pour la musique au sens large est ce qui nous anime depuis toujours. Et à titre personnel, je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui si je n’avais pas été un fan de metal avant tout. C’est bel et bien là où je puise mon énergie : dans ma passion pour cette musique, comme toi j’imagine et certainement comme la plupart de vos lecteurs.

J’aimerais revenir avec toi en 1991, quand le groupe a signé son contrat avec Roadracer et a sorti son tout premier album « Dawn Of Possession ». Qu’est-ce que cette signature a changé pour vous à ce moment-là ?
C’est une date qui a marqué un tournant pour IMMOLATION. Après plusieurs démos, Roadracer nous a donné notre chance pour sortir notre premier album, « Dawn Of Possession ». Nous n’étions alors qu’une poignée de jeunes fans de metal qui voulaient faire quelque chose d’extrême et l’opportunité proposée par ce label, qui possédait dans son catalogue de nombreux groupes dont nous étions fans, était juste incroyable. Il faut imaginer que nous avions tout juste 20 ans l’époque ! Et d’après ce que je peux encore constater, celui-ci tient toujours une place particulière dans le cœur des fans. C'est quelque chose de gratifiant.

En parlant de cette époque, fais-tu référence à ces échanges de cassette, ces envois de courriers entre fans aux quatre coins du monde ?
Exactement. Toutes nos communications passaient alors par la Poste. Nous avions un stock impressionnant de flyers que nous adressions aux groupes, aux fanzines, aux stations de radio, c'était l’unique moyen de communiquer entre nous et de partager des informations. Cela semble impensable aujourd’hui, mais cela nous a appris une chose qui paraît oubliée désormais : la patience ! Tous ces courriers rédigés à la main, ces démos soigneusement emballées qui nous demandaient des jours et des nuits de préparation, c’est quelque chose qui nous a tous marqués. Le temps passé entre l’envoi et la réception d’une hypothétique réponse, des semaines et des mois parfois, était très important. Mais qu’importe puisque le principal était de passer du temps ensemble à écrire, à répondre, le tout dans la joie et la bonne humeur : quelle époque !

Rob, je te remercie pour cet échange fructueux et souhaite bon vent à IMMOLATION !
A bientôt sur les planches... et le plus rapidement possible j’espère !
 

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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