4 mars 2022, 18:38

SABATON

"The War To End All Wars"

Album : The War to End All Wars

Dans de récentes interviews Joakim et Pär, les compositeurs historiques de SABATON, au propre comme au figuré, confiaient que le précédent album du groupe, « The Great War », leur avait laissé un goût d’inachevé. Certains thèmes ne s’étaient pas vus habillés de la musique appropriée, et de nombreux sujets qui leur tenaient à cœur n’avaient pu être abordés. Retour donc au cœur du premier conflit mondial avec « The War To End All Wars ». Mettez vos casques et armés de vos pelles direction les tranchées...

Une guerre pour mettre un terme à toutes les guerres ? Ironique est l’histoire qui avec une grande "hache" se taille à nouveau un chemin glacial vers la belligérance dans l’actualité. L’album de SABATON en sortant aujourd'hui porte une double symbolique : mettre en musique et en parallèle l’écho des conflits les plus absurdes et les plus meurtriers, quelle qu’en soit l’époque.

On retrouve le SABATON très inspiré de « Carolus Rex » ou « The Art Of War » avec l’ouverture "Sarajevo". Structure musicale symphonique, voix féminine off narrant froidement le drame humain qui se profile, heavy metal posé avec chœur et soli taillés dans la fresque de l’histoire. L’origine du conflit comme introduction à un opéra guerrier. Une entrée en matière impériale pour un meutre... impérial.

Se succèdent ensuite grande et petite histoire, empêtrées main dans la main au milieu de la boue et le chaos des tranchées.  Les "Stormtroopers", 1ère unité d’élite du Kaiser, bondissent des no man's lands sur les troupes adverses aussi médusées que les tempos du groupe suédois sont rapides. L’atmosphère de l’affrontement est une nouvelle fois parfaitement restituée, on ressent parfaitement la volonté annoncée de mieux coller au thème. SABATON nous fait ensuite écumer les mers à bord des invincibles "Dreadnoughts", les cuirassiers de la Royale Navy, les riffs s'étirent en toute logique sur l’infini des océans musicaux. Une composition pleine de force et de respect.

Je mentionnais le souhait d’explorer les destins individuels. "The Unkillable Soldier", c’est le destin de ce soldat allié devant qui la mort se dérobe sans cesse. Blessé tant de fois, retourné sur le front autant de fois, comme un accro à l’adrénaline. Chœurs en adéquation avec le lyrisme du propos, riffs galopant que le soldat tombe et se relève en boucle, solo saluant l’héroïsme dans l’absurde. "Soldier Of Heaven" poursuit le parallèle du chant de l’immortalité au sein du champ des morts, SABATON appuyant magnifiquement l’aventure alpine des combattants touchant les cieux. Dualité de la guerre ? Difficile de se faire à l’idée, mais l’onirisme semble se dégager même dans les pires situations. La musique de SABATON sait comme toujours peindre d’impressionnants tableaux sonores. Des toiles "g-riffées" et griffant dans les blessures meurtrières.

A saluer "Hellfighters", puissant avec son heavy metal galvanisé. Un vrai hit taillé pour embraser les pits. J'adore. Il se dégage de l’ensemble des titres une homogénéité, un lyrisme qui renvoie aux meilleures compositions que SABATON nous a livrées, toutes époques confondues. "Lady Of The Dark" est un autre de mes gros coups de cœur sur cet album. Le morceau est énergique et fédérateur, portant en avant, une fois n’est pas coutume, une femme qui a endossé l’uniforme à la place de son frère. L’Europe a sa Mulan. Le titre lui rend un hommage plein de force. "Christmas Truce", un des premiers extraits ayant été révélés, rend hommage à l’humanité dans l’inhumanité, encore cette dualité, où comment pour un soir seulement, lors de la veillée de Noël, des combattants ennemis deviennent compagnons de partage. La musique tout en nuances et ralentis, se fait l’écho de l’intensité d’un instant à la beauté unique et fragile.

"Versailles". Un conflit s’achève, un album prend fin. L’histoire a révélé la vacuité de l’espoir d’un monde sans guerre, SABATON l’a chanté. Cornemuses et refrains puissants saluent magistralement la fin d’un monde.

SABATON livre involontairement un album fort à propos, alors que le spectre d’un conflit mondial est sur toutes les lèvres. La guerre est visiblement dans l’ADN de certains puissants, et aucun vaccin ne pourra en venir à bout. « The War To End All Wars » est un incontournable de musique heavy metal, mais également une leçon historique indispensable que je salue. Un album pour venir à bout de toutes les guerres ? Si seulement...

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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