12 mai 2022, 18:02

THUNDER

Interview Danny Bowes


Les Anglais THUNDER sont de retour, un an après avoir sorti « All The Right Noises » pendant la pandémie, avec un double-album intitulé « Dopamine ». Connaissant les propriétés biologiques de ce neurotransmetteur dans le plaisir et les addictions, il est probablement certain que son écoute vous rendra addict positivement ! Danny Bowes, son chanteur, vous en parle avec sa coolitude et son humour légendaires.
 

Pourquoi cet élément neurobiologique, la dopamine, dans le titre du nouvel album de THUNDER ?
La dopamine est un neurotransmetteur impliqué dans le plaisir et les addictions aux drogues et aux comportements. Pour le plaisir de base, c’est manger, boire, avoir des rapports sexuels. Tu peux devenir addict à l’alcool aux drogues quand la dopamine est déréglée. C’est pareil pour les réseaux sociaux ! Quand tu écoutes les chansons de l’album, ce qu’a composé Luke Morley, cela n’a pas été fait délibérément. C’était ce qu’il y avait dans son esprit. Ça a été fait pendant la pandémie. Le fait d’être isolé, d’être piégé, d’être incapable de faire des choses que tu peux habituellement faire pendant cette période te rendait dépendant de ton ordinateur et des réseaux sociaux. Internet était là. La relation aux réseaux sociaux ne fait qu’exprimer ta propre vérité, une seule vérité, toute la vérité. Les algorithmes sur le web drivent les choses. Cela renforce la pensée de penser. C’était intéressant pour nous cette perspective. Luke a lu un article rédigé par un psychologue qui parlait de dopamine. Il m’en a parlé, je l’ai lu et approfondi les choses avec un livre. Ce livre était absolument fascinant et aussi faisait peur ! Quand tu vois les modes d’action de la dopamine, l’addiction, les addictions et ce qui se passe dans le monde, le titre parle de lui-même. Tout ce qui avait été écrit était résumé par ce titre. Cela n’a vraiment pas été fait délibérément comme je te le disais, c’est dingue. C’était un accident heureux !

Vous êtes quand même très créatifs. Pensez-vous que cela soit un cadeau divin ?
Je pense que c’est plutôt un cadeau de temps ! (Rires) Quand tu fais un disque, il y a tout ce processus de créativité, tu passes un certain temps à l’écrire, à le composer, à l’enregistrer, à le promouvoir pour sa sortie. Nous allons probablement tourner toute l’année prochaine avec cet album. Nous n’avons pas pu le faire avec le précédent album « All The Right Noises ». Étrangement, quand nous avons sorti cet album, nous avions presqu’une année blanche. Nous ne pouvions pas le défendre en live. La scène est importante quand même pour promouvoir les choses. On a essayé de le faire en tout cas de façon différente (sourire). Tu sais quand l’album a été terminé, nous l’avons sorti et puis plus rien ! C’était bizarre. Luke, au lieu de devenir fou, a décidé d’écrire un nouvel album. « All The Right Noises » est sorti en mars dernier, nous avions beaucoup de nouveau matériel original. On est vite retournés en studio. Luke est étonnant, il peut écrire de superbes chansons, crois-moi ! Écrire tout ça sur cette période est un miracle. Ses capacités sont impressionnantes. Il peut composer des trucs supers pour un vieux groupe comme nous et nous tester ! Il nous motive en studio. Tu as raison, c’est peut-être un cadeau divin...

On adore la pochette de cet album avec ces filles qui se font des selfies. Quelle est son histoire ?
Il y a une histoire de documentation avec cet album. Lorsque nous avons commencé à voir émerger la musique et les paroles de l’album, le contenu global, nous devions mentionner le mot dopamine comme titre comme nous en avons parlé. Cet album représente ce qui se passe dans le monde actuellement. Lorsque tu analyses la pochette, il y a deux filles qui se font des selfies dans une très belle salle de bain d’un hôtel. Elles sont tellement obsédées par leur image et la perfection de celle-ci qu’elles ne voient même pas qu’il y a juste à côté d’elles une licorne, cette bête mystérieuse ! Elles ne la calculent même pas tellement elles sont obsédées par elles-mêmes. A l’intérieur de l’album, il y a une autre scène avec ces deux mêmes filles sur la plage. Elles se font des selfies. Il y a un dauphin qui saute en l’air, un vaisseau spatial avec un requin. Elles ne le voient pas. Avec cet album qui est documenté, nous avons pointé un certain nombre de choses du monde à un certain moment.  

Crois-tu que nous sommes vraiment dépendants des réseaux sociaux et de tout ce que génère un smartphone ?  
Je pense que c’est de plus en plus un problème. Il y a de plus de gens qui ont un usage problématique des smartphones ces deux dernières années. Je ne consulte pas mon téléphone en me levant du lit le matin. Beaucoup de gens le font, ils ont besoin de voir s’ils sont plus populaires que la veille. Cela ne me touche pas en tant que personne. Je suis assez vieux pour savoir qu’il y avait une vie avant les réseaux sociaux. Je me moque de savoir ce que les gens mangent au petit déjeuner et je pense qu’eux aussi s’en moquent pour moi. C’est vraiment un problème et je suis ennuyé pour les plus jeunes qui ont besoin d’avoir une validation par des likes sur leurs posts, leurs photos. Un vrai problème est la fausse vie que les gens se font sur les réseaux. Tout est plus beau que dans leur vie. C’est triste. Je pense que c’est un problème.

Justement, quel message pourrais-tu donner aux plus jeunes concernant ces réseaux sociaux ?
Je crois que ce problème devrait être regardé plus précisément. Tu dois décider à quel point tu en as besoin dans ta vie, quel est ton ordre de priorité dans ta vie. Il y a des choses meilleures que les réseaux sociaux : le temps passé avec ta famille, tes amis... profite du monde tant que tu le peux !

Comment décrirais-tu la direction musicale de ce nouvel album ?
Cela fait partie du voyage musical de THUNDER. Nous avons fait plein d’albums, nous nous sommes arrêtés en 2009 et avons repris en 2014 (ils se sont aussi arrêtés à la fin des années 1990 - ndr). Quand nous sommes revenus, nous avions pris la décision consciente de faire les choses le mieux possible pour nous-mêmes. Nous avions encore de nombreuses années devant nous. Chaque album devait être le meilleur possible, nous satisfaire individuellement, satisfaire notre créativité artistique. Nous voulions repousser nos propres frontières. Nous n’avons jamais eu cette volonté de refaire le même album de façon infini. Nous avons vraiment eu de la chance d’avoir l’audience que nous avons eue et que les gens nous suivent et nous soutiennent. Ils nous offrent la possibilité de nous challenger musicalement.  Nous faisons un album pour nous d’abord puis nous espérons qu’il leur plaira. Nous avons vraiment de la chance. Nous sommes devenus plus populaires depuis « Wonder Days » en 2015, je ne peux pas te l’expliquer. Cependant, je pense que cela doit être lié à notre volonté de repousser plus loin les limites de notre musique. Nous utilisons plus de couleurs musicales, plus d’instruments. Nous sommes plus expérimentaux et avons cette liberté maintenant.
 

"Nous avons un public loyal, qui nous suit et qui nous soutient. Nous nous attachons à faire de bons albums. Nous pensons toujours que cela pourrait être le dernier."



Comme à mon habitude, j’ai choisi certaines chansons de l’album. Tu peux me dire le premier mot qui te vient à l’esprit lorsque je te donne le titre en question ?
"One Day We'll Be Free Again"
Emancipation

"Even If It Takes a Lifetime"
Racisme

"The Dead City"
Le futur

"Big Pink Supermoon"
Jazz

"No Smoke Without Fire"
(il réfléchit). C’est une bonne chanson. La cruauté !

Te sens-tu frustré de ne pas avoir pu soutenir le précédent album de THUNDER sur scène ?
C’était frustrant de ne pas jouer live, de ne pas tourner. Il y avait tellement de chansons fantastiques sur cet album. Nous les avons jouées en studio, à la télévision pour un programme spécial. Nous ne pouvions pas les jouer dans des salles. Ces titres fonctionnaient. Cependant, quand tu te replonges dans cette période pandémique, nous étions en plein milieu de celle-ci. Des gens perdaient la vie, d’autres se faisaient hospitaliser, c’était très dur quand même. Nous, nous sommes que des musiciens et sortons des disques. Si tu ne peux pas jouer live, cela ne sert à rien. Il vaut mieux attendre de pouvoir rejouer.

Vous serez au Hellfest en juin prochain. Que nous préparez-vous ?
Nous avons hâte vraiment ! Il y aura des anciennes et des nouvelles chansons. Les anciennes feront plaisir au public et les nouvelles nous feront plaisir (rires). Le vrai but : aller là-bas, tout donner, faire du bruit, monter, descendre, être ivre ! (rires)

Comment décrirais-tu ta carrière avec THUNDER ?
Probablement plus longue que ce que nous aurions pu espérer. Nous n’avions aucune idée, aucune attente concernant cette carrière. Quelqu’un me parlait l’autre jour et me rappelait que j’avais dit que THUNDER serait chanceux s’il pouvait durer 10 années. Nous avons splitté, nous sommes revenus ensemble, nous avons encore splitté. Nous sommes encore revenus ensemble, nous avons appris de toutes ces expériences. Nous sommes plus libres maintenant pour notre musique, nous sommes plus libres d’expérimenter les choses. Nous avons un public loyal, qui nous suit et qui nous soutient. Nous nous attachons à faire de bons albums. Nous pensons toujours que cela pourrait être le dernier. Quelqu’un pourrait mourir à notre âge et dans cette vie ! Lorsque nous sortons un nouvel album, nous nous disons OK, c’est bon !


Si THUNDER était une drogue, ce serait quoi ?
Je ne connais pas bien les drogues, honnêtement. Je n’en ai jamais pris dans ma vie. Je pourrai dire : une drogue qui ne te fait pas beaucoup de mal, qui te rend heureux pendant longtemps. Je ne crois pas qu’une telle drogue existe (sourire)

THUNDER, alors ?
(Rires)
Peut être ! THUNDERDRUG (la drogue THUNDER).

Que fais-tu à part de la musique ?
J’ai une famille, des enfants, des animaux. Ils occupent bien tout mon temps !

Pour terminer, un petit jeu, si tu es d’accord. Je te donne une émotion, tu me donnes le nom d’un artiste ou d’un groupe.
Bien sûr !

L’euphorie
Stevie Wonder

La tristesse
Tracy Chapman

La peur
IRON MAIDEN

La puissance
AC/DC

L’anxiété
Leonard Cohen

La joie
Stevie Wonder (rires)

Merci Dany
A bientôt !

Blogger : Laurent Karila
Au sujet de l'auteur
Laurent Karila
Psychiatre spécialisé dans les addictions, Laurent Karila a collaboré à Hard Force de 2014 à 2023.
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