28 avril 2022, 18:25

WATAIN

Interview Erik Danielsson

Avec la sortie de son septième album, « The Agony & Ecstasy Of Watain », le groupe de black metal suédois propose non seulement 10 titres de grande qualité mais également une réelle expérience musicale. Enregistrés live dans une ancienne église, les morceaux reflètent l'expérience grandissante et l'inspiration sans faille de WATAIN, qui continue d'assurer sa suprématie sur une scène qui lui a fait un accueil honorable depuis ses débuts, avec raison. Erik Danielsson, chanteur/basssiste et tête pensante du groupe, nous parle avec passion de sa musique et de son engagement dans un art qu'il veut authentique et parfait.
 

Bonjour Erik, ravie de pouvoir échanger avec toi. Comment vas-tu ?
Eh bien ça va. J'ai l'impression de ne pas voir le jour avec l'enregistrement de l'album, les vidéos et maintenant les interviews, mais j'adore ça alors je n'ai pas à me plaindre. C'est une partie du travail du groupe que j'ai tendance à oublier quand on n'est pas dans la préparation d'un nouvel album, mais là je suis à fond dans la promo.

Ce nouvel album de WATAIN, « The Agony & Ecstasy Of Watain » est très attendu par vos fans et par la scène black metal en général car vous faites maintenant partie des groupes de renom. Est-ce que ça te met un peu la pression ?
Je pense que la pression repose plus sur le groupe. En tant que fan de metal, j'ai été si souvent déçu par les groupes qui, au bout de quelques albums, perdent leur inspiration et même leur âme que j'ai juré que cela n'arriverait jamais à WATAIN car sinon, nous nous séparerions. Donc, la pression vient du fait que je suis très exigeant mais c'est aussi un défi et j'aime ça. Je pense que c'est une approche très saine de la musique car du coup, tu t'investis à fond et tu peux revendiquer le fait d'être fier de ce que tu produis. En tant qu'artiste, c'est une bonne façon de ne pas s'égarer. Tu dois t'assurer que ce que tu fais est important pour toi et que tu en apprécies le résultat. C'est très important mais j'ai l'impression que de nombreux groupes l'oublient.

Donc j'imagine que tu es fier de « The Agony & Ecstasy Of Watain » ?
Oui, j'ai surtout très hâte qu'il sorte car c'est vraiment bizarre de savoir qu'un titre est sorti mais que tout le reste de l'album attend. C'est un peu comme avoir un animal en cage : tu n'as qu'une envie, c'est le libérer !
 


​Et quel accueil a reçu le single "The Howling" justement ? Est-il de bon augure pour la suite ?
Oui, je crois. Mais WATAIN n'est pas un monologue, nous voulons communiquer avec les gens, pas leur ancrer notre musique dans la tête sans échange avec eux. C'est très important pour nous de satisfaire notre public, nous avons besoin de savoir si on peut en tirer une énergie positive. Quand j'étais plus jeune, je disais ne pas m'intéresser à la réaction de nos fans mais maintenant, j'aime qu'il y ait une communication entre nous, un échange. J'aime sentir les gens enthousiastes car je le suis aussi. Quand un groupe sort de la musique que j'aime, c'est un sentiment génial. J'ai envie de partager cela avec notre public. Donc la réponse plutôt positive que nous avons eue pour le single me ravit.

Et puis, c'est beaucoup de travail pour vous aussi, donc c'est toujours gratifiant d'avoir une réponse favorable des gens qui vous suivent...
Oui bien sûr. C'est comme si je m'arrachais le cœur, que je le posais sur un plateau et que je l'offrais au public. Donc c'est plutôt pas mal si les gens me disent qu'il a bon goût !

Et c'est pas trop dur pour toi de composer, de produire, de créer le design de l'album ? Tu t'occupes de l'ensemble de WATAIN et même des interviews. C'est beaucoup de choses à gérer, non ?
Oui, mais c'est le travail de ma vie. C'est tout ce qui compte. Ce n'est pas seulement une lutte, c'est aussi une constante exploration de ce que je suis et ça me permet de tester mes propres limites. Cela me permet de mieux me connaître. C'est très dur mais c'est aussi fantastique à plusieurs points de vue. Je vis la vie au jour le jour, je me reposerai plus tard.


« The Agony & Ecstasy Of Watain » est votre septième album et il a été enregistré lors d'une live-session dans un studio qui était une ancienne église, c'est bien ça ? Ça doit être une expérience merveilleuse...
Oui, c'est déjà très intéressant de faire notre travail dans un lieu, qui, au départ, était destiné au travail spirituel. C'est fantastique. Quand on est arrivé au studio, on a commencé par passer deux jours à décorer l'endroit et au bout du compte, cela ressemblait à une scène de nos concerts. L'endroit était rempli de nos objets. Puis on a branché nos guitares, mis nos casques, appuyé sur le bouton d'enregistrement et on a joué l'album. C'était incroyable ! C'est la première fois de notre carrière que notre enregistrement ressemble exactement à ce à quoi il était destiné. C'est très appréciable. J'aime créer de nouvelles choses, jouer avec la musique, mais c'est tellement mieux de pouvoir le faire dans un lieu si propice. On joue une musique sauvage qui a besoin d'être jouée ainsi.

Est-ce que ça a pris longtemps pour enregistrer l'album ?
On a passé à peu près un mois en studio, mais pas tous les jours. On a par contre beaucoup répété et pour certaines chansons, on a passé peut-être deux ou trois jours à peaufiner chacune d'entre elles. On doit réajuster chaque détail. On joue si fort que cela en devient fou alors quand on entre en studio, on entend tout très bien et il faut souvent que l'on retravaille notre son, notre manière de résonner. C'était très cool de faire cette expérience "live" et un groupe si brut, si rapide et si émotionnel que WATAIN se doit de jouer dans de telles conditions pour sortir le meilleur de sa musique. Cela nous paraît maintenant très bizarre de devoir nous asseoir un à un dans un environnement stérile et contrôlé pour enregistrer. Jouer ensemble dans un environnement aussi cool nous paraît tellement plus naturel. On se sent inspirés. Cela a vraiment eu un impact sur notre façon de jouer et je pense que cela a un réel impact sur la façon dont sonne l'album.

Oui, cela permet de conserver l'authenticité du son... comme en live.
Oui, on a travaillé avec le même gars en studio que lors de nos concerts. Il est là depuis nos débuts donc sait exactement comment un album de WATAIN doit sonner. On a vraiment confiance en lui.
 

"WATAIN a toujours été d'une part beau, extatique et magique et d'un autre côté, l'agonie, les ténèbres, la mort, la lutte nous animent. Entre ces deux côtés émotionnels, il y a une charge magique. Le contraste crée l'expression sauvage de notre musique."


Vous avez tourné des vidéos de cet enregistrement ? Ce serait vraiment chouette pour vos fans d'avoir accès au “making of” de « The Agony & Ecstasy Of Watain » !
Eh bien on a fait quelques vidéos mais rien de bien transcendant malheureusement. On aurait dû en faire plus. Un ami était là un jour avec des caméras et on travaille sur un projet de sortir quelque chose d'intéressant. Avec WATAIN, il y a toujours quelque chose à regarder, même dans les situations les plus ennuyeuses. Donc, je pense qu'en effet les fans seront contents de nous voir enregistrer. On verra ce que ça donne.

Il y a 10 titres sur l'album, tous très sombres et bruts, mais il y a aussi une grande profondeur dans ce que vous avez écrit. Il y aussi énormément d'émotions, plus que dans les albums précédents. Dans quel état d'esprit étais-tu quand tu as écrit l'album ?
Eh bien j'étais déjà dans un état d'esprit très différent de celui où je me trouvais pour l'album précédent. On voulait quelque chose basé sur le brut, la prédation, l'énergie agressive. Mais pour cet album, j'étais bien plus ouvert, je ne voulais me donner aucune direction à suivre, je voulais juste écrire la musique que j'aime. Je voulais écrire un album qui pourrait être le dernier. Et dans cette perspective, l'esprit s'ouvre plus, tu peux le voir comme une aventure, une exploration. Et quand tu fais quelque chose que tu aimes, les bonnes choses arrivent facilement. J'étais très inspiré lors de l'écriture de l'album.

Il y a une vraie dualité qui opère tout au long de l'album : l'agressivité est temporisée par une espèce de voile sombre et enrobant, une atmosphère captivante que l'on retrouve dans le visuel également. Tu le ressens aussi ? C'est ce que tu as voulu faire passer ?
Oui, je suis très content que tu le dises et que tu t'en rendes compte. Cette ambiguïté est également dans le titre « The Agony & Ecstasy Of Watain » mais aussi dans les deux piliers de la pochette qui représentent la dualité. C'est exactement ma perception et ce que je voulais faire valoir, donc merci de le spécifier. WATAIN a toujours été d'une part beau, extatique et magique et d'un autre côté, l'agonie, les ténèbres, la mort, la lutte nous animent. Entre ces deux côtés émotionnels, il y a une charge magique. Le contraste crée l'expression sauvage de notre musique.

Est-ce une preuve de maturité grandissante ?
Oui, je l'espère en tous cas ! J'adore ça, j'aime regarder la vie de WATAIN depuis ma plateforme en me disant : « OK, la base ne fait que bouger mais elle reste un endroit solide ». En tant qu'artiste qui passe son temps à écrire et composer, il est important de regarder son passé comme une force mais il faut savoir évoluer. Je trouve décevant que certains groupes ne cherchent pas à s'améliorer, alors que ce devrait être naturel. Je veux prouver que je peux m'améliorer, au moins à moi-même. Je veux utiliser mon passé comme un avantage. Il doit me permettre de mieux écrire, de véhiculer plus d'émotions. Si tu es charpentier, la première maison que tu construis te donne beaucoup de travail pour un résultat qui n'est souvent pas le mieux qu'il pourrait être. Alors que la dernière maison que tu construis sera bien plus jolie, bien plus solide car tu deviens meilleur avec les années en théorie. Je veux que WATAIN suive ce chemin, que le groupe suive la bonne direction.



Vous avez aussi des invités sur "We Remain". Tu peux nous en dire plus sur cette collaboration ?
Oui, nous avons Farida Lemouchi de THE DEVIL'S BLOOD et Gottfrid Åhman de IN SOLITUDE. Les paroles de cette chanson ont été écrites en 2012 et à cette époque, il y avait un lien très fort entre nos trois groupes. Comme un triangle magique. Donc, les avoir sur cette chanson avec un texte qui date de cette période importante est pour moi une façon de fermer le cercle. De plus, "We Remain" parle d'une déesse oubliée des hommes, l'idée étant de lui donner une voix qui permettrait d'éveiller la partie de notre cerveau qui nous ferait nous souvenir d'elle. Je voulais la voix de Farida qui me semble la plus appropriée. Elle a une voix très classique, un peu à la Edith Piaf, je suis très fier de cette collaboration. Cela me rappelle des années de tournées ensemble et du bon temps passé.

En parlant de tournée, vous avez joué avec THE TRUE MAYHEM aux Etats-Unis. Es-tu content d'avoir partagé l'affiche avec eux ?
Oui... Je pense que pour le public, c'est bien d'avoir nos deux groupes sur la même affiche le même soir. Nous sommes deux groupes de deux générations différentes, donc ça fait sens. Pour ma part, c'est un peu un moment sacré car MAYHEM fait partie de ma vie depuis toujours. Mais je fais aussi partie des gens qui pensent que le MAYHEM dont je parle s'est arrêté en 1993. Les gens qui sont dans le groupe maintenant sont des personnes totalement différentes. Ils jouent bien sûr très bien et les vocaux d'Attila sont démentiels. Nous ne jouerions pas avec eux si nous n'en avions pas envie de toute façon.

Et tu as hâte de tourner en Europe aussi ?
Oui, bien sûr ! Et la France fera partie du lot. On est en train de préparer quelque chose de fabuleux. Je ne sais pas combien de camions seront nécessaires pour tout transporter, mais ça sera cool !


Retrouvez WATAIN avec ABBATH, TRIBULATION et BØLZER en septembre à Paris, Toulouse et Villeurbanne en partenariat avec HARD FORCE.

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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