Cela fait maintenant presque vingt-cinq ans que WATAIN officie vaillamment sur la scène black metal. Depuis une démo en 1998 et surtout « Rabid Death's Curse » en 2000, les Suédois enchaînent à bon rythme les morceaux crus, rapides et agressifs. Avec « The Agony & Ecstasy Of Watain », le groupe confirme son statut de leader du genre mais avec en plus une profondeur d'écriture et une diversité musicale bien plus ancrées.
Les dix titres proposés sortent en effet des sentiers battus du true-black metal déjà exercé avec brio par le trio fondateur Erik Danielsson, Håkan Jonsson et Pelle Forsberg. Si leur black est toujours aussi puissant et blasphématoire, la structure des morceaux se veut plus lourde, plus variée et l'atmosphère sombre sensiblement plus envoûtante. Il existe dans le titre même de l'album une dualité toute assumée, celle qui régit notre monde et notre esprit, un mélange de sentiment d'exaltation et de pure dépression, une lumière précipitamment plongée dans la pénombre, une torpeur ravivée par le feu de la vie. Cette ambiguïté essentielle est figurée dans les piliers de l'artwork et sera le fil rouge sang sur toute cette magnifique œuvre de WATAIN.
La puissance décuplée de « The Agony & Ecstasy Of Watain » vient aussi de sa production atypique, en live session, dans une ancienne église aménagée spécialement pour l'enregistrement de l'album. L'ambiance et l'état d'esprit y régnant n'ont fait qu'inspirer davantage les musiciens qui s'y sont donnés corps et âmes pour obtenir un son le plus authentique possible, naturel, live mais en gardant un côté soigné et maîtrisé. "Not Sun Nor Man Nor God" pourrait très bien résumer le concept de l'album. Pas musicalement puisqu'il s'agit plus d'une parenthèse instrumentale que d'un réel morceau de WATAIN mais tout y est incarné : l'apocalypse infernale est en marche. La beauté morbide y côtoie le blasphème sacré, la mélodie n'y a d'égal que des rythmes blastés. Les guitares véhiculent à la fois l'émotion et la détermination avec des passages extatiques ("Before The Cataclysm" ou "Serimosa"). Les titres sont tour à tour rapides et incisifs ("Ecstasies In Night Infinite" ou "Leper's Grace") ou lourds et saisissants ("Black Cunt" ou "Funeral Winter"). "Septentrion" termine « The Agony & Ecstasy Of Watain » comme un tourbillon abyssal complètement fascinant. Mention spéciale au dantesque et théâtral "We Remain" avec la voix dramatique de Farida Lemouchi (ex-THE DEVIL'S BLOOD, MOLASSES) et le guitariste Gottfrid Åhman (ex-IN SOLITUDE, PÅGÅ). Un morceau atmosphérique, transcendant, hypnotique, aux passages mélodiques intensément riches. Bref, les qualificatifs manquent pour décrire toute la magie de ce titre.
« The Agony & Ecstasy of Watain » sera sans aucun doute un des albums black metal de l'année, si ce n'est le numéro un. La horde de WATAIN est lancée à toute vitesse, dissipant sa férocité habituelle tout en s'orientant vers des horizons encore inexplorés. Quand l'émerveillement côtoie l'appréhension, son paroxysme vient du plus profond des âmes torturées, férocement incarnées par la musique du groupe. Une bande son addictive à se procurer de toute urgence pour tous les fans de black au sens large. Indispensable.