Voilà déjà dix ans que le quatuor parisien ANNA SAGE fait des siennes au sein de la scène hardcore hexagonale. Et même si seuls deux EP se sont logés dans sa modeste besace pendant tout ce temps, le groupe a déjà su apposer sa patte velue sur un style où la concurrence est rude. Et ce premier album confirme tout le bien que l’on pensait à son sujet puisqu’il est impossible de rester impassible à l’écoute de ces onze titres qui ne prennent pas de pincettes pour en mettre plein les mirettes. Aucun doute sur la marchandise : ici les compteurs sont dans le rouge, l’urgence et la hargne pointent le bout du pif sur chaque break et un véritable déluge de riffs d'une délicieuse sauvagerie laisse exploser des mélodies tordues en arrière-plan.
L’effet panzer est garanti rubis sur l’ongle incarné, renforcé par une production aux petits oignons une nouvelle fois troussée par Francis "Shiv" Caste (HANGMAN’S CHAIR, COWARDS, SVART CROWN, KLONE...). Sa forge du studio Sainte Marthe façonne ici un son sauvage et abrasif qui offre un terrain de jeu idéal aux ambiances de fin du monde délivrées par ANNA SAGE. Le côté dissonant, déjà présent sur les deux premiers EP, est ici démultiplié et les conséquences ne se font pas attendre : « Anna Sage » est une déclaration de guerre. Mais gare à ne pas résumer sa démarche à une agression sonore de bout en bout puisque le groupe sait faire preuve de discernement. Sur "Loveless" et 'Sinner Ablaze" par exemple, il révèle une mélancolie certaine doublée d’une nervosité post-rock toute en nuances. Pas de doute, ce pavé a des allures de sans-faute tant les structures de chacun de ces onze morceaux sont suffisamment aérées et truffées de breaks audacieux pour faire passer la douloureuse comme une lettre à la poste.
Doté, pour couronner le tout, d’un superbe artwork signé Romain Barbot (également à la manœuvre pour AS WE DRAW, CORBEAUX, VOUS AUTRES, THE PHANTOM CARRIAGE...) ce premier essai d’ANNA SAGE est un petit bijou de violence ciselé avec passion par quatre experts en la matière. De la belle ouvrage qui n'attend plus désormais que vos esgourdes grandes ouvertes pour y distiller ses sombres mélopées. Elles ne le regretteront pas, croyez-moi.