
Jusqu’à il y a peu, je souffrais d’un terrible mal, l’ignorance. Le principal symptôme consistait en une indifférence totale envers le Blues et en une réaction allergique épidermique envers le Jazz. Et franchement, il faut bien reconnaître que cela manquait à ma culture. J’ai donc saisi une occasion particulière pour me décider à consulter.
Ce soir, Hugh Laurie, surtout connu pour son interprétation de l’adorablement détestable Docteur House (mais franchement, il est aussi impayable en porte-jarretelles et smoking dans «Peter’s Friends» ou en costume d’époque dans «Raison et Sentiments») est en concert à Paris. Amadouée par le personnage, je vois là une occasion d’une expérience intéressante. Le doc doit être doué, la salle d’attente est pleine. Il y a même la queue sur plus d’un pâté de maison avant de pénétrer dans le Trianon.
Pour un peu, je me sentirai presque aussi peu à l’aise que dans un hôpital tant le public est différent des salles que je fréquente habituellement. Beaucoup de femmes, qui se sont fait toutes belles. Personne ne boit une dernière petite bière avant de rentrer dans la salle et on ne devine pas la moindre volute de fumée.... Déstabilisant ! Mais pas autant que les réactions de ces dames à l’apparition de Laurie. Des hurlements.... Pas ces grognements gutturaux qui saluent d’habitude le début d’un concert, non non, des hurlements genre hystérie collective... Je croyais que ces réactions étaient l’apanage des toutes jeunes filles... Mais ces femmes, elles sont comment dire... d’un certain âge quand même....
Fidèle à son personnage, Hugh Laurie fait le show : petite blague, grimaces, inter-action avec le public. Il essaye même de nous inculquer quelques bases en nous racontant l’origine des morceaux qu’il a choisi d’interpréter... Pour être honnête, il faut bien reconnaître qu’il n’en reste pas grand chose à cette heure.
Tantôt au piano, tantôt à la guitare, et avec une voix très agréable, il enchaîne les titres dans une ambiance très «New Orleans» (Ca, je sais reconnaître, j’ai vu «La Princesse et la Grenouille»). Le public est incroyablement discipliné et reste assis bien sagement, en applaudissant bien comme il faut. Moi, je vois l’apparition d’un nouveau phénomène : mes pieds ont la bougeotte, mes épaules se trémoussent, j’ai du mal à rester assise... Bigre ! Pour un peu, on pourrait croire que je vais danser !
Le temps passe vite quand on s’amuse et voilà venu l’heure du rappel... Et là, nouvelle surprise j’ai l’impression d’être à l’école des fans. Là où d’habitude on éponge le sang, la sueur et les larmes des mosheurs de l’extrême se pressent en rang bien ordonné tous les admirateurs du crooner : les uns avec des cadeaux, les autres tendant stylos et carnets.... Ils en sont pour leur frais, un petit tour et puis s’en va...
En sortant de la salle, j’ai le sourire. C’était plus qu’intéressant, c’était vraiment bien. Alors je ne suis pas encore prête à m’extasier pendant des heures sur des impros de free jazz dans un club enfumé, mais j’ai quand même fait de petits progrès sur le chemin de l’éclectisme. J’entends d’ici les grincheux qui m’opposeront que Hugh Laurie est au Jazz et au Blues ce que l’homéopathie est à la chirurgie cardio-vasculaire... Mais la mode est aux médecines douces et je crois sincèrement que ma place de concert pourrait être remboursée par la sécurité sociale.
Bright Mississippi
St. James Infirmary
Crazy Arms
Six Cold Feet
You Don’t Know My Mind
Battle Of Jericho
Buddy Bolden’s Blues
Careless Love
The Whale Has Swallowed Me
Winin’ Boy
Swanee River
Dear Old Southland
Hallelujah I Love Her So
Let Them Talk
Tipitina