11 août 2022, 18:17

MY SLEEPING KARMA

"Atma"

Album : Atma

Après nous avoir laissés sur un véritable chef d’œuvre, en la substance du grandiose « Moksha », il aura fallu plus de sept ans aux Allemands MY SLEEPING KARMA pour ajouter un sixième album à leur riche discographie. C’est (trop) long, certes, mais difficile d’en tenir rigueur au quatuor. En effet, le groupe a traversé de nombreuses épreuves, entre pandémie, soucis familiaux et surtout de santé : on se rappelle que la formation avait du mettre un terme à sa tournée 2019 juste après la date du Hellfest de la même année, du fait de problèmes de santé d’un des membres, sur lesquels MY SLEEPING KARMA est resté très discret. Si ces péripéties on fait planer l’ombre de la fin de l’aventure musicale, tout ceci est à présent derrière nous, et nous pouvons nous réjouir de poser nos oreilles sur ce nouveau disque, dont la composition s’est étalée de 2017 à 2021.

Après « Moksha » donc, qui parcourait le concept bouddhiste éponyme de libération finale de l’âme individuelle - un thème prémonitoire, tant le groupe est passé près de cette fin définitive - MY SLEEPING KARMA nous propulse vers un autre thème issu de la culture bouddhiste et hindouiste, l'« Atma ». Celui-ci condense l’essence même d’un individu, le plus pur "je suis", le "soi" profond qui survit au corps comme à l’âme. Encore une fois, un beau pied de nez au destin, car malgré les obstacles rencontrés, le groupe est et perdure, tel son Atma.

Avec seulement six morceaux au compteur et une structure plus épurée que les albums précédents - exit les interludes numérotés donnant une séquence quasi mathématique - le groupe propose une œuvre bien plus dense et monolithique qu’à l’accoutumée. Les pistes durent en moyenne huit minutes, culminant à près de dix minutes avec "Avatara", et retrouvent le côté lancinant prononcé des premier albums comme « Tri » (2010) et « Satya » (2008). Les fans de la première heure seront ravis, d’autant que ce retour aux sources est servi par une production aux petits oignons.

Côté production donc, MY SLEEPING KARMA maintient la qualité atteinte depuis quelques années, et qui a culminé avec « Moksha ». Globalement et comme d’habitude, le mixage est très propre, aérien, et affiche un très bon équilibre grâce au soin particulier apporté aux claviers - nous y reviendrons - et à la batterie. Sur cette dernière justement, la grosse caisse est mixée de façon légèrement sourde, presque ouatée, un choix qui renforce le sentiment d’être enveloppé par le son, ainsi que le côté litanique des compositions. Le jeu de cymbale est fortement mis en avant, à juste titre tant il est subtil et varié, à l’image de ce que peut faire un Nicko McBrain, dans un tout autre style.

Le style et le son sont donc toujours immédiatement identifiables, donnant du grain à moudre au détracteurs du groupe, et confortant ses inconditionnels dans leur amour pour lui. Cependant, et c’est là le principal intérêt de ce disque, plusieurs nouveautés viennent parsemer le chemin familier tracé entre le premier et le dernier titre d’« Atma ». Tout d’abord, les claviers franchissent un nouveau palier de variété et adoptent une palette de couleurs plus éthérée, comme sur "Prema", dont les mélodies sibyllines rappelant des cloches de berceuse apportent profondeur et mystère. Idem sur "Avatara", qui voit gronder des nappes synthétiques lugubres, ou encore sur "Mukti", qui comporte un pont à base de sons electro tout droit sortis du début des années 2000, aussi inattendus que logiques à l’oreille.

Ensuite, si les compositions affichent des choix un peu moins tranchés que par le passé, on décèle quelques nouveautés dans l’écriture. Par exemple on remarque des breaks de batterie plus variés et complexes, qui viennent alimenter l’excellente unité de la paire base-batterie de Matte et Steffen. Sans surprise, la section rythmique reste le fondement de ce groove si spécifique à MY SLEEPING KARMA. En revanche, la guitare de Seppi se cantonne majoritairement à l’exécution de mélodies d’ambiance, et on regrette quelque peu les envolées floydiennes qui commençaient à apparaître par exemple dans l’"Interlude 5" de « Moksha ».

Toujours au sujet de l’écriture, on note quelques agréables incursions ternaires qui viennent briser le rythme lancinant et entêtant de l’album, comme sur "Pralaya", où la basse se permet de jouer un rôle de lead sur certains ponts. Les riffs du morceau, qui rappellent ceux de PRIMORDIAL sur "To Hell Of The Hangman", apportent une vraie fraîcheur, et font du titre une vraie charnière du déroulé de l’album, qui bascule d’une longue phase dense et monolithique à un final plus aéré assuré par "Arnanda" - traduisez "félicité", même si le titre sonne plus comme une conclusion que comme un point d’orgue en état de joie absolue.
D’ailleurs, on ressent régulièrement des passages plus sombres au sein de chaque titre, qui dénotent d’un certain pessimisme totalement inédit chez le quatuor allemand. Est-ce là la conséquence des galères rencontrées par le groupe ces dernières années, ou bien de la longue période pandémique qui a affecté le moral de tout un chacun ? Rien n’est moins sûr, mais la question mérite d’être posée.

En définitive, MY SLEEPING KARMA offre avec cet « Atma » un digne successeur à sa solide discographie, qui constitue un réel retour aux sources pour le groupe. Les puristes retrouveront les ambiances des débuts du groupe, sublimées par une production aboutie et bien plus maîtrisée qu’à l’époque. L’ensemble est également très dense, et abrite beaucoup d’émotions empilées et enchevêtrées - ces émotions restent malgré tout moins pures et poignantes que sur le précédent album « Moksha », une conséquence de l’aspect plus sombre des compositions. On a donc moins souvent "les poils", au profit d’ambiances plus profondes, certains préfèreront, d’autres non.

« Atma » n’en reste pas moins une excellente mouture de ce groupe inclassable qu’est MY SLEEPING KARMA, et on attend avec impatience que l’essai de la scène soit transformé très bientôt dans nos contrées !

Blogger : Régis Peylet
Au sujet de l'auteur
Régis Peylet
La petite trentaine, passionné de musique, après avoir longtemps écrit chroniques, interviews et couvertures de concert pour des confrères, Régis s'est lancé dans la photographie il y a quelques années, lui permettant de mieux s’exprimer et de capturer les émotions qui connectent les artistes et leur public.
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