13 octobre 2022, 18:59

SKID ROW

"The Gang's All Here"

Album : The Gang's All Here

Quelques jours seulement après mon anniversaire où, mine de rien, je viens accuser vingt ans de plus que ces fiottes du Club des 27 ans – et donc avec un petit grinçage de dents au regard du temps qui passe – eh bien chers messieurs membres de l’Association SKID ROW, je tiens tout personnellement à vous remercier.

Merci de m’avoir copieusement arrosé de cette inespérée cure de Jouvence, fort bienvenue, au moment où j’allais m’apprêter à envisager de commencer à écouter du Bob Dylan comme un daron.

Grâce à vous, messieurs, je peux dignement retrouver mes 15 balais. Parce que, hey, Youth Gone Wild.

« The Gang’s All Here » : ben oui, il ne manque personne en fait. Rob Affuso, bon OK, il n’est plus là, mais on s’en fout peut-être un peu... quant à Sebastian Bach, son absence ne se fait désormais plus du tout ressentir. Définitivement, ai-je envie de préciser. Le mec ne vieillit pas très grâcieusement, est devenu un pitre qui se ridiculise à chaque nouveau post quasi-quotidien sur les réseaux sociaux, et qui s’est reconverti dans la célébration d’anniversaires via smartphone pour quiconque vient lui paypaliser 500 boules (oui, comme Vince Neil mais en moins pire quand même, faut pas déconner). Mais peut-être suis-je amer car, justement, personne n’a pensé à le lui faire souhaiter le mien. 

« The Gang’s All Here » donc, ou l’album qui pourrait gentiment s’insérer entre « Skid Row » en 1989 et le fantasticulaire « Slave To The Grind » en 1991. Une première preuve ? Le miraculeux et régénérant "When The Lights Come On", qui s’inscrit carrément entre un "Sweet Little Sister" et un "Livin’ On A Chain Gang". 

Si.

C’est même incroyablement jouissif et on n’aurait guère parié sur un tel retour après toutes ces années à se fader des EP gentillets mais guère passionnants avec le néanmoins regretté et sympatoche Johnny Solinger, qui a fait le job comme il a pu, avec la motivation contrariée des autres. 

Et parmi les secrets de cette flamboyance toute retrouvée, un nom : Erik Grönwall. On ne va pas revenir ici en long en large et en travers sur le parcours de ce suédois de 35 ans né à peine un an après que le gang américain se soit formé : vous savez déjà qu’il a officié avec succès au sein du groupe H.E.A.T. (quatre albums avec lui), qu’il est passé par la case (Swedish) Idol à la télévision scandinave, et qu’il a récemment échappé au pire niveau santé. Et donc oui, ce bonhomme est déjà un petit miracle en soi : intégrer son groupe préféré pour définitivement conjurer la fatalité d’une maladie grave... et en même temps permettre à ce même groupe, trop longtemps ancré dans le passé, de renaître de ses cendres avec une nouvelle impulsion. Et en cela, l’ébouriffant "Resurrected" concernera les deux parties. On ne doute d’ailleurs pas un instant de l’intention du jeune Grönwall de rester lui-même et de ne surtout pas cloner ni s’identifier à Sebastian Bach – mais par moments, nombreux, les impressions s’avèrent quand même parfois assez déroutantes, et l’on ne peut esquiver des comparaisons – notamment sur "Nowhere Fast".

L’aspect global est résolument viril et surtout festif : si l’on sait bien sûr que le groupe est originaire du New Jersey, tout sonne à nouveau comme une bande son idéale à une virée sur le Sunset Strip – même s’il n’en reste plus grand chose en-dehors du Rainbow – ici les spandexs et gloss en moins, seules l’enthousiasme et l’énergie juvénile, conjuguées à un entrain, une énergie, un jeu revitalisé, une supervision externe rigoureuse et une bonne dose de revanche, venant trahir ce refus de vieillir et de conserver intactes les sensations d’alors.

Parce que hey : déjà, dès l’entame "Hell Or High Water", on est en plein brulot sleaze, typiquement le genre de truc qui viendrait huiler une pole-bar de strippeuse dans n’importe quel bouge de Vegas. Le son est absolument monumental, entre tradition et modernité : normal, c’est le très demandé Nick Raskulinecz (FOO FIGHTERS, STONE SOUR, RUSH, ALICE IN CHAINS, MASTODON, KORN, etc – oui c’est écoeurant) qui s’est chargé de la production chez lui à Nashville (on l’a d’ailleurs croisé faire son shopping cet été dans l’immense boutique Gibson du quartier branché The Gulch), et forcément, l’homme a respecté le cahier des charges, honorant à la fois le savoir-faire de Michael Wagener sur « Slave To The Grind » et les impératifs d’un groupe bien ancré en 2022. 

La paire de guitaristes historiques Scotti Hill et Dave "The Snake" Sabo reste aussi étincelante que jadis et s’est surpassée niveau songwriting ; quant à la basse de Rachel Bolan, elle n’a jamais aussi bien sonné que sur le plus heavy et mid-tempo "Time Bomb" (UN TUBE !!!), ou encore ce "Not Dead Yet" qui porte plus clairement encore ses inclinaisons punk.

Je parlais d’UN tube ? Ah ah ah : il n’y en a pas qu’un ! "Tear It Down" est l’un des autres grands moments de cet album court, concis et intense, dépourvu du moindre gramme de sur-gras – un comble pour ces trois mecs qui approchent la soixantaine ; mais certainement ont-ils été ultra coachés par le sympathique mais néanmoins ultra efficace Raskulinecz.

Enfin, c’est pile poil de saison, SKID ROW nous offre juste avant le dessert la seule ballade obligatoire du lot : "October’s Song" reste dans la lignée de celles, plutôt dramatiques et intenses de « Slave To The Grind » (à la "Quicksand Jesus" ou "In A Darkened Room") qui se posaient comme des alternatives plus émotionnelles, graves et poignantes au "I Remember You"  jadis englouti comme une sucrerie par les midinettes amoureuses du bellâtre androgyne punaisé au-dessus de leur édredon humide. 

Mais derrière cette avant-dernière plage, power-ballad tressée pour serrer les gorges des plus émotifs, l’explicite "World On Fire" s’impose quant à lui comme la grosse artillerie heavy metal de cette sélection absolument parfaite de dix morceaux : oui, jadis SKID ROW pouvait par moments tutoyer l’esprit de JUDAS PRIEST, et nous nous débattons ici dans un bien beau chaudron de metal à l’ancienne. 

Avec ce revigorant et inespéré « The Gang’s All Here », non seulement le groupe nous prouve enfin qu’il peut définitivement se passer de son fantasque et iconique chanteur (et les chances de reformation, maintes fois reconsidérées de l’extérieur, restent désormais de la pure rigolade, en croisant toutefois les doigts qu’elle n’aie jamais lieu), et surtout que SKID ROW n’a jamais aussi bien fait du SKID ROW depuis trente ans.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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