21 octobre 2022, 20:17

PRO-PAIN

"Foul Taste Of Freedom" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Foul Taste Of Freedom

Il y a 30 ans c’était l’âge de la fusion, du thrash, du rap-metal... et du hardcore. Dans la famille metal urbain guerrier je découvrait simultanément deux piliers du style : BIOHAZARD et PRO-PAIN. « Foul Taste Of Freedom » allait m’imprégner à jamais. Ce skeud se révéla chargé en bon carburant.

Vous voyez la pochette dégueu avec son baril qui s’enflamme ? Elle résume l’album dès le premier morceau, "Foul Taste Of Freedom", un hardcore à la fois punk et crossover avec un chant hurlé. Gary Meskil est l’épine dorsale du trio, sa basse imprime la discipline rythmique et sa voix éructe des pamphlets sauvages. Son ancien compagnon des CRUMBSUCKERS Dan Richardson à la batterie et Tom Klimchuck à la guitare complète la formation. La sauce prend direct, le groupe explore un côté moins rap-metal que les frangins de BIOHAZARD, toutefois les mêmes messages ont une mise en forme plus heavy thrash. PRO-PAIN peint au lance-flammes la réalité des exclus du rêve américain, piégés dans un système qui maintient l’abrutissement des masses et fait dire à Gary : « Democracy leaves a foul taste of freedom in me ». 30 ans après, ce titre évoquant le mauvais goût de la liberté renvoie un écho étrange à notre crise énergétique actuelle...

"Death On The Dance Floor" et "Murder 101" constituent un magnifique diptyque thashcore cent pour sang brisage de nuques, avec un mélange de batterie groove et de soli hennissants qui auraient poussé, dit-on, Kerry King à dire à Tom Klimchuck « T’es pas un âne, Man ! ». C’était de sacrées années les 90's, tous les genres musicaux se croisaient et tapaient le bœuf. "Pound For Pound" met savamment en avant le talent de chaque instrument du trio, basse entraînante, batterie qui se fait de plus en plus rapide et guitare au riff obsédant, jusqu’à créer dans ce jam puissant un groove metal parfait. Plus loin dans l’album le titre "lraqnophobia", avec son titre et sa rage explicites poussera plus loin encore l’alchimie rythmique groove et griffements thrash.


Prenons "Every Good Boy Does Fine", trompettes de mariachi suivi d’un enchaînement de fou, fusillade de riffs aussi huileux que les canons des mitraillettes uzis tant à la mode chez les kids des gangs, un road-trip urbain et musical laissant quelques cadavres sans costards sur le carreau d’une ville poubelle. "Death Goes On", explicites lyriques typiques de l’époque. PRO-PAIN ramasse toute la merde de politique intérieure et extérieure américaine pour ensuite la coller dans son tonneau et l’allumer façon napalm Coppolien, jusqu’à éradiquer toute cette puanteur, cette "Stench Of Piss".

Tous les brûlots de cet album maintiennent le niveau de puissance et de hargne verbale. On peut citer "Picture This" avec son solo ultra vibrant, "Johnny Black" et son personnage marqué par un désespoir que batterie hardcore et pédales wah-wah finissent d’enterrer. Durant les 13 stations du calvaire de l’Amérique de 1992, parcourues sur cet album, PRO-PAIN laissera le groove de la fin au tout (im) Puissant. "God Only Knows".

« You are my desire, as I desire you dead »

1992 donc. Le New York hardcore se dressait comme le porte-parole des oubliés et des bizarres, imposant une discipline urbaine et une musique violemment jouissive dans son kit de survie. Je m’interrogeais sur la pertinence d’écrire cette rétro-chronique 30 ans après, mais en même temps que résonnent ces riffs et ces cris de révolte dans ma stéréo je vois à la télé un gars tuer un père de famille pour un peu d’essence. En 1992 nous n’avions pas su profiter de la fin de la guerre froide pour faire fleurir la planète, nous nous lancions dans des croisades modernes pour ce même or noir qui nous pollue la vie dans tous les sens du terme. Alors, 2022, avec des croisés 2.0, des sachants, des conspirateurs affrontant des conspirationnistes j’ose l’avancer que « plus les choses changent, plus elles restent les mêmes » ?

Si 1992 a vu une époque de merde envoyer des tubes metal exceptionnels, alors pour 2022 gardons la même bande-son. Les hardcoreux, putains de prophètes avec leurs évangiles éveillées et furieuses. PRO-PAIN a écrit depuis 30 ans déjà son « Fioul Taste Of Freedom ».

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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