26 novembre 2022, 11:42

GUNS N' ROSES

Rééditions "Use Your Illusion I & II"

Album : Use Your Illusion I Album : Use Your Illusion II

Parce que nous sommes un peu tous des français snobs qui cultivons à dessein une mauvaise foi indécrottable selon les pulsions destructrices et autres envies de rentrer dans le lard de notre interlocuteur, oui, il est de bon ton de débiner – que dis-je : de casser, d’esquinter GUNS N’ ROSES, et ce depuis déjà un sacré bail. 

Bon, faut dire que ces derniers temps, ils l’ont bien cherché : le dernier concert en terres clissonnaises a été une telle catastrophe que, en ce qui me concerne, ce fiasco m’a définitivement coupé l’envie d’aller les revoir un jour – d’autant que la qualité des prestations est allée decrescendo depuis les premières dates de la tournée de reformation (avril 2016 à Mexico : sublime ; juillet 2017 au Stade de France : très bien mais trop long ; juin 2018 au Download : pas mal mais un peu chiant ; juin 2022 au Hellfest : minable). Oui, les GUNS ont déçu tout le monde avec leur show paresseux et sans passion, cachetonnage en règle qui, exactement comme à l’été 1992 déjà, a d’autant plus rendu METALLICA plus spectaculaire encore le lendemain. Et sans revenir sur toute l’ère du faux retour juste avant et après la sortie de « Chinese Democracy » où Axl Rose était la seule Diva autoritaire au poste dans son ersatz de groupe (re)composé de mercenaire certes talentueux mais sans aura, il y a pléthore d’autres moments malheureux (l'EP deux titres « Hard Skool », vraiment ???) où l’on hausse à chaque fois un sourcil sur la teneur encore pérenne du groupe "le plus dangereux du monde" – ce qui équivalait à peu près à dire, entre les lignes, qu’il était aussi le plus grand, en tout cas pour une période donnée. 

Souvenez-vous : en 1991-1992, je regrette de vous contredire, mais non, il n’y avait pas que NIRVANA au programme. Car en effet, GUNS N’ ROSES était strictement partout. Partout à la télévision, partout à la radio, partout dans vos kiosques à journaux, partout dans nos boums et autres surprises-parties adolescentes où même les cageots du bahut pouvait emballer en plaçant le "Don’t Cry" qui va bien au moment des slows – quart d’heure stratégique, maladroit et pathétique où l’on testait autant nos déodorants et fraîcheur d’haleine que notre dextérité à faire du sur-place à deux pas avec ce qu’on pouvait trouver de potable à se mettre sous la dent pour pé-cho, au rythme pénible d’un tube mou et lent sensé être romantique. Et en 1992, t’avais une chance sur deux de rouler des galoches sur du Bruel que sur les GUNS

Car oui, il y a véritablement eu une "GUNS N' ROSES Mania" qui a littéralement balayé toute la planète, faisant de ce gang de junkies de West Hollywood les nouvelles superstars de la première moitié de la décennie 90, préfigurant déjà le bling bling de la fin / et début de millénaire, dans cette démonstration ostentatoire de richesse pour plouc bas du front né dans l’Indiana. Même parcours qu’une star du hip-hop vivant dans le VIIème arrondissement, ayant grandi à Bobigny, et née à Niort.  

On ne va pas forcément revenir en large et en travers sur la qualité intrinsèque du double album en question, « Use Your illusion » : ça fait trente et un an (qu’est-ce qu’ils ont tous à louper leurs anniversaires comme ça ?) que les débats font rage chez les fans et même chez les plus circonspects qui ont quand même un avis tranché sur la question – même si l’on sait très bien que c’est le volet uno, rouge et jaune, le meilleur. Ceux qui se sont arrachés notre splendide numéro collector HARD FORCE de 2021 ont déjà pu apprécier ou grimacer sur les propos avancés par moi-même sur le questionnement même du double album sur, justement, une double page – je ne vous en livre néanmoins, pour le coup, qu’un paragraphe pour mémoire :

« Au menu, trente morceaux vingt-neuf en réalité si l’on écarte la version alternative de "Don’t Cry" et donc de quoi réaliser un double album, une ambition très 70’s qui rappelle inévitablement la boulimie et l’auto-suffisance mégalomaniaque des monuments PINK FLOYD, WHO, ou encore LED ZEPPELIN. Mais le premier coup de génie, marketing, fut bien de scinder ce péplum de hard-rock en deux parties : vendre le successeur de « Appetite For Destruction », annoncé ras-la-gueule, comme deux disques séparés le jaune, et le bleu. Allons : qui donc allait en acheter un sans se procurer l’autre ??? Etes-vous allé chez votre disquaire en réclamant une moitié de « The Wall » ou un demi « Physical Graffiti » ??? Coup de pub et cash assuré : le seul album schizo se disputera les DEUX premières places du Top 100. »

Et tout le reste n’est ni plus ni moins que fantasme sur un hypothétique et simple « Use Your illusion » vert – soit le best du best des deux, écrémé de leur superflu. Là, oui, on tiendrait la suite directe du chef d’oeuvre « Appetite For Destruction » – encore faille-t-il se mettre d’accord sur la sélection des quinze morceaux à sauver exclusivement (et pourquoi pas douze d’abord ? Voire dix ? Rhoooooo...).

Eh bien un an plus tard, et ce malgré trente et un an donc de réécoutes régulières ou en choisissant bien quoi zapper, j’ai envie, aujourd’hui, comme par hasard en cette triste journée pluvieuse de novembre, de vous dire qu’il n’est pas si moche que ça, cet album. Et on se l’est même testé à bloc tant sur la chaine du salon que sur l’auto-radio de ma vieille bagnole dans les bouchons sur l’A-86, et ça a méchamment égayé pendant une bonne heure ce beau moment de temps perdu. Alors oui, il y a mille trucs qui ne passeraient plus, des astuces de l’époque, des tricks, des gimmicks, des langages complètement dépassés qui ne sonnent même plus rock’n’roll du tout, voire des vulgarités qui dans un monde post-STEEL PANTHER, paraissent forcément arriérées – genre la dernière ligne « I’ll be in with another / Deep down inside » (et que j’insiste par un plus grave « Deep down inside » !) sur ce morceau bucolico-mysogino-poivrot, "You Ain’t The First", qui reste toutefois encore sympatoche ma foi (car repris en son temps par les NASTY DOVES – notre trio acoustique glam-garage biarrot). 

Alors oui, il y a mille lourdeurs sur ces deux pavés, des trucs qui ont toujours été indigestes et qui restent bien sur l’estomac depuis trois décennies de macération – mais selon l’humeur, on peut donc se surprendre malgré les âges à re-apprécier certains trucs que l’on pensait condamné à jamais. Oui, je l’avoue, je me suis surpris à chanter – par coeur – "Don’t Cry" en mode pose théâtrale, tout seul (oui, on le fait tous), et même à me laisser abandonner sur ce "November Rain" pourtant un milliard de fois ressassé (sur Youtube), et ici seul intérêt notoire de la remastérisation en chef de l’objet du culte puisque, en lieu et place des synthétiseurs, nous avons enfin droit à un orchestre complet pour en souligner les arrangements pompeux et toute leur emphase dramatique. Ca et mille autres couleurs (jaunes, rouges, bleues, paf) qui explosent ci et là comme autant de souvenirs associés à toutes ces écoutes depuis septembre 1991 – et pas mécontent suis-je de m’être d’ailleurs, par un hasard total, offert une cowbell flambant neuve pour pouvoir accompagner à tue-tête le martèlement de "Bad Obsession" qui m’a toujours rendu foufou (ce qui reste en l’état la seule et unique réelle pièce de mon kit de air-batterie).

Je n’ai strictement rien à gagner dans la réhabilitation de « Use Your illusion » ; il y a bien longtemps que l’on n’est plus des journalistes gâtés pourris prêts à subir toutes les manoeuvres (oups) pour se faire acheter et nous faire dire que du bien à grands coups de corruption de coffrets deluxe.

Parce que c’est ça qu’on veut vous vendre pour ce prochain Noël : le coffret Deluxe. Si celui de « Appetite For Destruction » fut tant remarquable puisqu’il contenait des dizaines de maquettes marquant les différents stades de travail des douze morceaux du monument ainsi que tout un memorabilia exceptionnel témoignant de ces temps magiques autour de 1986-1988, les différentes options à mettre sous le sapin 2022 en fonction du budget sont moins alléchantes – si ce n’est la seule satisfaction de voir trôner ledit nouveau coffret au milieu de votre discothèque, avec sa belle façade gaufrée en 3D qui permet d’utiliser l’illusion des deux coloris de la pochette (même si encore une fois, pardon, on l’aurait préférée verte).

Pour récapituler, mais si vous êtes collectionneurs et complétistes vous le savez déjà, la big-box se déploie soit en douze vinyles (!), soit en sept CDs, à chaque fois accompagnés d’un Blu-ray, qui comptent comme seuls bonus deux lives notoires – l’un au fameux Ritz de New-York le 16 mai 1991, sorte de concert privé teaser pour tout le Barnum à suivre, et où le groupe joue sur les planches du même club du concert culte de 1988 retransmis sur MTV), et l’autre en arena à Las Vegas le 25 janvier 1992 en plein milieu du raz-de-marée GN’R. Et donc "seulement" deux concerts, deux longs concerts déjà connus des fans – et pas le moindre inédit (ne me dites pas qu’ils n’avaient composé que ces 29 morceaux pendant trois ans !!!) ou extraits de session, démos, ébauches diverses et autres titres de travail comme ce fut le cas en 2018. 

Non, mieux vaut à la rigueur se replier sur le rachat des deux volets en doubles-CDs, et ce à un prix bien plus modique, car chaque deuxième disque compact est rempli à rabord d’AUTRES extraits lives, certes eux aussi plus ou moins connus, mais pour le coup bien plus affriolants. Certes il ne s’agit que de compilations de morceaux lives aux sources variées, mais la sélection permet une dynamique plus sexy et moins soporifique que certains passages des mêmes concerts dans leur intégralité. Ainsi retrouve-t-on sur l’équivalent de deux disques complets des chansons jouées à Las Vegas et New-York donc, mais surtout à Londres au Wembley Stadium le 31 août août 1991, au mythique Rock In Rio II de janvier ’91 ("Bad Apples", "Knockin’ On Heaven’s Door") et surtout, surtout surtout surtout, pas moins de sept morceaux (ainsi qu’une poignée de solos) captés au légendaire show de Paris (Vincennes en fait) le 6 juin 1992, dont les fameux duos avec Steven Tyler et Joe Perry ("Mama Kin" et "Train Kept A Rollin’") ou encore Lenny Kravitz avec "Alway On The Run" sur son propre « Mama Said » – les autres morceaux disponibles de cette soirée-là étant entre autres des reprises, telles que "Attitude" (MISFITS, forcément chanté par Duff), "Wild Horses" (THE ROLLING STONES), et même le "It’s Alright" de BLACK SABBATH (à l’origine écrit et interprété par Bill Ward) couplé à "November Rain". 

Alors que doit-on réellement retenir de cette commémoration post-anniversaire à but lucratif ? 

Que l’organisation GUNS AND FUCKING ROSES nous la met bien profond en proposant différentes déclinaisons de son produit déjà discutable où, même si l’on met le paquet niveau budget dans la grosse box, l’on sera lésé des quelques morceaux lives supplémentaires uniquement disponibles sur les versions simples ?

Est-il réellement nécessaire, d’ailleurs, de se le procurer à nouveau, lorsque notre copie de 1991, éprouvée des milliers de fois, tient encore la route ?

Que, la vache, "Estranged" est bien meilleure que "November Rain", et qu’elle fout toujours les poils ?

Que "Coma" reste le meilleur morceau épique des GUNS, ever, doublé de leur riff le plus agressif ?

Que pas mal de chansons ont vieilli tandis que d’autres restent intactes et permettent, miraculeusement, de restituer les sensations de notre adolescence ?

Qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ?

Quand Axl Rose prendra-t-il conscience du ridicule de sa coupe de cheveux ?

Qu’on se fait tous avoir par le pouvoir du marketing puisqu’à chaque fois que vous passerez en rayon devant cette box, une petite voix insidieuse va te marteler « tu la veux, hein ? Tu la veux !!! » jusqu’à la nausée ?

Vous savez ce qu’il vous reste à faire : régler tout ça en votre bonne conscience.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK