28 novembre 2022, 23:59

AIRBOURNE

@ Paris (Zénith)

« Paris we’ll be back !!! »

Bien sûr que they will be back : leurs derniers mots adressés au public parisien font déjà forcément écho à leur célèbre musique d’intro – mise en condition intimidante, martèlement martial de gladiateur dans l’arène et, bien sûr, thème implacable du Terminator

They are back, et à chaque fois ils tiennent leur promesse : tenez, rien que cette année, on a pu les voir à la Défense Arena en première partie de IRON MAIDEN et, le même mois, deux fois à Clisson, puisqu’il faisaient partie des rares heureux artistes à assurer un concert sur chaque weekend du Hellfest. 

Et puis dans l’ensemble, they are back chaque année – ou presque : depuis la tournée du premier album en 2008, ils ont visité chaque salle majeure de notre capitale, du Trabendo à l’Olympia, du Trianon à la Cigale, parfois pour une double résidence. Ce soir, même s’il est loin d’afficher complet, c’est le Zénith qui figure sur le tour itinerary des Australiens, en plus petite configuration, le syndrome post-COVID / saturation des agendas de concerts / reports de tournée depuis deux ans / baisse du pouvoir d’achat ayant raison de l’affluence pour ce groupe qui n’épargne en rien notre beau pays – d’autant qu’en face, ce soir, il y avait THE CURE à l'Accor Arena. 

Ayant forcément besoin de se prendre une grosse dose de high-energy rock’n’roll pour conjurer l’atteinte fatale de l’hiver maussade sur nos humeurs (et donc d’un flux de climat austral pour ramener un peu d’été et de chaleur dans l’inévitable grisaille de novembre), on a volontiers troqué nos places en gradins VIP contre la fosse, l’envie de se frotter au plus près de l’action étant irrépressible. Impossible de gigoter confortablement assis sur nos sièges, il nous fallait goûter à un bon bain de foule – d’autant que l’on allait forcément nous en montrer l’exemple sous peu.


Expériences du Hellfest oblige, on imaginait que le son serait assourdissant, mais peu importe, le risque était évalué et sous-pesé : entre saignement des tympans et satisfaction garantie, pas d’hésitation. Mais il n’en fut rien : la sono du Zénith restera invariablement bloquée sous le seuil légal des 102 décibels, PAS DE QUOI DEVENIR SOURD. Bémol correspondant, les ingénieurs du son d’AIRBOURNE ne sont certainement pas ceux de PORCUPINE TREE, et la balance est un peu faite à la louche : d’où l’on est, on n’entendra que la batterie, la basse, les voix et les soli de Joel O’Keeffe et rien, rien, rien de rien de la guitare rythmique du petit nouveau Jarrad Morrice. Soit une grosse déception puisque les morceaux de la soirée perdront beaucoup de mordant, l’incision des attaques de guitare étant plus que défectueuse. 

Mais tout cela est largement compensé par l’énergie éternellement juvénile assénée par les hard-rockers : dès "Ready To Rock", l’attitude, le rythme et le ton sont donnés pour la petite heure et demie à venir – et l’on ne comptera seulement que quelques mesures de mid-tempo parmi cette frénésie de bastonnage en règle qui devient instantanément contagieuse. Comment Diable rester de marbre ? Comment ne pas taper des pieds, secouer la nuque, et brandir le poing sur de tels étendards qui perpétuent la tradition du hard rock old-school ? C’est sûr, ici, pas d’artifice, pas d’effet scénique grandiloquent, pas de lasers ou de pyrotechnie : des balayages de lights jaunes ou majoritairement rouges-sang inondent une scène simpliste seulement décorée de backdrops aux couleurs des pochettes d’albums, à l’ancienne, et de ce mur obligatoire de Marshalls de part et d’autre de la batterie. Une image d’Epinal du hard rock à papa, qui prolonge l’Histoire initiée par AC/DC, Ted Nugent, MOTÖRHEAD ou ROSE TATTOO. Dans le public, on est cependant assez agréablement surpris : si l’on devine aisément que tout les fans quinquagénaires et sexagénaires déjà présents à la Cigale pour le dernier concert d’Angry Anderson et de ses autres ‘tatts sont bien présents ce soir, on salue la présence d’une relève conséquente dans le pit – beaucoup de jeunes, et parmi eux, un grand nombre de demoiselles venues s’encanailler aussi, peu hostiles aux effluves de mâles odorants dans les rangs serrés. C’est encourageant – car si le phénomène se verrait moins lors d’autres concerts, la notoriété d’AIRBOURNE permet d’élargir un public conquis par les australiens, promis depuis déjà une petite quinzaine d’années à assurer la suite des affaires dans le genre, à défaut d’en écrire de nouvelles pages originales.


Car oui, dès ce "Ready To Rock" fort éloquent à l’entame du show, la petite quinzaine de morceaux assénés est forcément homogène : mais s’ils sont peu ou prou tous calqués sur la même formule, ils revêtent tous ce vernis de hits imparables, le songwriting, si simple et efficace, portant la marque des grandes formations du genre (parfois même trop proches des originales, l’intro de "Boneshaker" étant largement pompée sur le "Shoot’Em Down" de TWISTED SISTER – ce qui avait beaucoup fait sourire Joel lors de notre avant-dernière interview pour la promo du même album en 2019 !). Oui, des tubes, ce soir, il y en a des pelletées, des "Too Much, Too Young, Too Fast", "Stand Up For Rock’n’Roll", "Girls In Black" et ultime "Runnin’ Wild" éponyme du premier album de 2007, jusqu’au dernier et "Rock’n’Roll For Life" entre autres, en passant par "Back In The Game" ou "It’s All For Rock’n’Roll". 

Parmi les grands moments de la soirée, il y a donc ce bain de foule forcément attendu, et qui fait partie des passages obligés de chaque concert : ce sera dès le troisième morceau "Firepower" que Joel O’Keeffe traversera la fosse du Zénith, sur les épaules d’un roadie bienveillant et dans un essaim de gouttelettes de sueur et de canette de bière comme d’hab’ fracassée sur sa tignasse, le temps d’un solo à rallonge. Autre ambiance, vers la fin du concert, Joel fera rouler sur scène un petit bar mobile floqué du logo du Snaggletooth le temps de poser un vibrant hommage à leur (notre) idole Lemmy Kilmister qui leur a tant montré la voie et participé à leur apprentissage du rock’n’roll : la légende de MOTÖRHEAD serait fier de ses disciples – et le chanteur de vider une bouteille entière de Jack Daniel’s dans leurs verres respectifs pour trinquer à sa mémoire gomme un gang de kids respectueux. Peu avare sur les consommations, le chanteur guitariste s’amuse d’autant plus à lancer des gobelets remplis de bière dans le public, parfois pour de très impressionnantes récupérations – à l’image de ce que pouvait offrir Robb Flynn depuis toujours, et ce pas plus tard qu’il y a quelques semaines au cours du dernier gig de MACHINE HEAD dans la même salle.


Enfin, en guise de transition avant un rappel que le groupe ne fera pas l’offense de faire attendre pour rompre avec cette tradition hypocrite et téléphonée de laisser le public s’impatienter sur un retour prévu d’avance, c’est le frangin Ryan O’Keeffe qui actionne la sirène anti raid aérien en prélude à l’impressionnant "Live It Up", dont l’intro monte en tension au fur et à mesure que l’alarme manuelle retentit et que les grondements d’avions de chasse « shot down in flames » retentissent dans la sono, avant que le morceau ne s’emballe dans un nouvel up-tempo furieux. 

Des sourires, de la sueur collée et tes t-shirts trempés : impossible d’être blasé à la sortie de la salle au bout de ces 1h25 de démonstration éloquente – oh, rien de parfait bien sûr, des pains, des lignes de chant pas toujours très justes, et une spontanéité juvénile ; mais quel bonheur d’assister à un tel déploiement d’artillerie à l’ancienne, AIRBOURNE étant déjà depuis un moment déjà l’un des meilleurs représentants grand public de ce rock’n’roll qui ne semble définitivement pas vouloir mourir…

Oh, et gageons qu’ils seront back en 2023 : cela fait déjà quatre ans que « Boneshaker » est sorti, et tout porte à croire qu’ils vont venir re-débouler avec un sixième album prétexte à une nouvelle fiesta...


Photo © Céline Kopp - Portfolio.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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