Avec « Blood Harmony », les sœurs Lovell (Rebecca et Megan) continuent leur périple musical teinté de rock, de blues, de country au sein de leur groupe Larkin Poe. Je les ai rencontrées pour parler de l'album, de leur vision de l'industrie et de musique en général. Voici leur histoire...
Des sœurs qui chantent ensemble, un nouvel album et une chanson en particulier qui semblent inspirés par votre maman, la famille paraît être l'une des pierres angulaires de votre aventure musicale, non ?
Rebecca : La famille est très importante pour nous ! Après 12 ans ensemble, mais surtout après avoir fait de la musique toutes les deux durant quelques décennies, nous sommes ravies d'avoir cet album qui sert de petit monument érigé à cet amour qui nous unit.
J'ai cru comprendre que la chanson "Blood Harmony" avait été inspirée par un livre de Ruth Ozeki. Quelles sont vos autres sources d'inspiration ?
Megan : On lit beaucoup ! Je vois aussi tout le temps Rebecca noter des idées dans son carnet. On tire beaucoup d'inspiration de la route, de nos tournées. Pas seulement de nos concerts, mais aussi des gens que l'on rencontre et même de ce que les autres artistes que l’on peut croiser abordent comme thèmes.
Pour ce 6e album, j'ai lu que vous vouliez un son plus roots, plus live. Est-ce que ça été influencé par votre album live « Paint The Roses » et est-ce que vous voudriez en sortir d'autres à l'avenir ?
Rebecca : Tellement ! Sur les albums précédents, les batteries étaient programmées et nous utilisions plein d'artifices de studio. Ça été bénéfique parce que nous avons appris beaucoup, mais cette façon de faire peut être par moment limitante. Alors pour « Blood Harmony » nous avons joué de tous les instruments, ce qui donne un résultat plus proche de ce que nous sommes en tant que groupe live. Qui sait de quoi demain sera fait, mais je pense que cette manière d'enregistrer sera notre nouveau standard la prochaine fois que nous retournerons en studio.
Quel est votre rapport aux réseaux sociaux ? Est-ce que vous pensez qu'un artiste se doit porter un message sur ces plateformes ?
Megan : Je pense que les réseaux sociaux sont importants et ils l'ont tellement été pour nous ! N'étant pas sur une major (elles ont leur propre label Tricki-Woo NdA), les réseaux sociaux nous ont permis de trouver notre public. Pour ce qui est du message, ça dépend de ce dont l'artiste se sent investi. Mais "faire semblant" ne sera pas authentique et ça va finir par se voir. On adore se connecter à notre public et nous sommes très reconnaissantes de l'impact que les réseaux sociaux ont eu sur notre carrière.
Parlons des chansons elles-mêmes, que pouvez vous nous dire au sujet de ''Kick The Blues'' ?
Megan : C'est une chanson qui a été écrite dans le but d'être interprétée live sur scène. Elle est un peu méta dans le sens où c'est une chanson qui parle d'être dans le moment, donc nous sommes sur scène et nous chantons avec les fans sur ce qui est en train de se passer à ce moment précis. C'est un appel aux fans à se lâcher, à tout oublier et à profiter du concert. Et ça peut être dur, moi-même parfois je me retrouve devant un concert avec mon verre à la main et je me dis : mais qu'est ce que je fais avec mes mains ? Mais on comprend que c'est plus facile à dire qu'à faire ! (rires)
Ça doit être étrange parfois de se retrouver sur scène devant une forêt de téléphones brandis dans votre direction ?
Megan : Oui, mais je le comprends. Je suis coupable de ça aussi. L'autre soir, on était en voiture et on passait devant l'Arc de Triomphe, et évidemment j'ai filmé tout ça. Récemment, il y a eu un changement et la plupart des expériences humaines sont désormais guidées par ce type de partage. Le seul défaut pour nous, c'est que ça peut nous empêcher de tester des choses parfois bancales, de peur que ça se retrouve sur YouTube. Mais ça nous a appris à ne plus nous en faire. Comme disait Elvis Costello, ''Accidents Will Happen'' (rires)...
"J'adorerais qu'Elvis Costello reprenne ''Kickin' The Blues'' en version un peu plus lente, ce serait fou !" - Rebecca Lovell
Est-ce que ''Southern Comfort'' est votre cocktail de prédilection ou juste un jeu de mot ?
Megan : ''Southern Comfort'' est inspiré par l'énergie hospitalière du sud. On a grandi avec des tantes, des oncles et des grands-parents qui incarnent cette hospitalité sudiste. Des gens ouverts d'esprit, qui ne jugent pas sur les apparences, gentils et qui n'hésitent pas à discuter avec tout le monde. C'est le genre d'énergie que l'on veut intégrer à notre musique. On veut être des ambassadrices de cette tradition sudiste pleine de bienveillance.
Rebecca : C'est aussi une chanson qui parle du mal du pays. On passe tellement de temps sur la route qu'on ne peut pas s’empêcher d'y penser de manière mélancolique.
Disons que l'on se retrouve dans un bar et qu'il y a un jukebox, quelle chanson mettez-vous pour faire la fête ?
Rebecca : Bob Seger ! ''Rock 'n' Roll Never Forgets'' !
Megan : Je pense que je mettrais du Hound Dog Taylor et après j'enchainerais avec ''Blue Suede Shoes'' d'Elvis Presley pour faire danser tout le monde !
Vous adorez faire des reprises. Quel est l'ingrédient majeur pour transformer une chanson en un cocktail LARKIN POE ?
Rebecca : Ouh, c'est un peu dur à dire... c'est devenu presque organique. On a dû faire plus d'une centaine de reprises. Au début, c'était dur d'apprendre les chansons, mais maintenant ça vient quasiment sans efforts.
Megan : Je pense que les chansons doivent avoir un riff fort, une mélodie iconique et c’est encore mieux si elle se prête aux harmonies vocales. Je pense que tout ceci est au centre de tout ce qui est LARKIN POE, c’est ce qui fait qui on est.
Prenons la question à l'envers. Qui voyez-vous pour reprendre l’une de vos chansons et laquelle ?
Rebecca : Oh la bonne question ! Je n'y avais jamais pensé ! J'adorerais qu'Elvis Costello reprenne ''Kickin' The Blues'' en version un peu plus lente, ce serait fou !
Est-ce que « Oh regarde, deux femmes qui font du rock, c'est bizarre » est encore aujourd'hui un sujet de conversation ?
Rebecca : Les idées toutes faites et les clichés sont encore là. Mais ces derniers temps, l'industrie de la musique est devenue beaucoup plus inclusive. Je me rappelle, il y a maintenant dix ans quand nous étions pour la première fois sur le circuit des festivals, nous étions souvent le seul groupe de femmes à l'affiche. Mais c'est du passé maintenant : il y a beaucoup de femmes qui montent sur scène surtout dans le blues et le blues rock, et c'est très encourageant.
Dans la chanson "Bolt Cutters & The Family Name" vous dites : « you can't take the fight outta me ». Qu'est-ce qui vous énerve, qui vous donne envie de vous battre ?
Megan : On a été très chanceuses d'être en phase avec notre passion depuis que nous sommes très très jeunes. C’est très dynamisant de pouvoir faire de la musique selon nos propres règles. Rencontrer des gens qui n'ont pas su voir leur passion ou prendre leurs responsabilités et se battre pour elle, ça m'énerve.
En parlant de ça, est ce qu'avoir votre propre label à toujours été un objectif pour vous ?
Rebecca : On a toujours fonctionné au système D. Nos parents nous ont appris dès notre très jeune âge à prendre notre destinée en mains. Je pense que c'était donc inévitable. Prendre les rênes n'a pas été facile, mais ça nous a beaucoup aidées à trouver notre voie, à creuser au plus profond de nous et à trouver ce que l'on voulait faire, ce que l'on voulait dire. Depuis, nous avons été encore plus vraies, encore plus authentiques et je pense que les fans le ressentent.
Megan : Il y a vraiment très peu d'artifices dans ce que l'on fait. C'est aussi important de reconnaître que les fans y sont pour beaucoup. L'équipe que nous avons formée au travers des années est la même depuis 6 ou 7 ans. Et le fait que tous acceptent notre vision, la charge de travail supplémentaire qu’implique de faire les choses de manière DIY... Avoir son propre label est génial. Sans ces gens-là, nous n’y serions jamais arrivées.
Pour terminer j'ai voulu changer un peu les choses, alors je suis allé sur la page Facebook Larkin Poe Fans France et voici les 2 questions qui reviennent le plus :
Vous avez fait un showcase chez Gibert Disc qui était en acoustique. Les fans ont adoré, précisant que le rendu acoustique donnait aux chansons une autre dimension et ils voulaient savoir si vous aviez envie ou si vous planifiez de faire, peut-être, un album "unplugged" ?
Megan : On vient de passer quelques jours à Paris et en plus de Gibert, nous avons fait quelques showcases radio en acoustique et on a adoré. Je pense que ça pourrait être une tournée excitante à planifier.
Rebecca : Je nous vois tellement faire ça. Peut-être pas maintenant, parce que nous sommes dans le cycle de la sortie de l'album, mais ce serait trop cool de le faire !
Megan : Je suis contente que les fans apprécient, parce que nous, on s'éclate aussi ! J'adore l'énergie des shows acoustiques.
La 2e question qui revient souvent est, comme on parlait du fait que la famille soit un facteur important dans votre musique, est-ce qu’avoir Tyler Bryant comme coproducteur de l'album a influencé votre façon de travailler ?
Megan : Ça s'est encore mieux passé que ce que je pensais. En tant que bluesmen texan, on partage avec lui beaucoup de points communs, on parle le même langage. Mais en même temps, nous sommes tellement indépendantes que lorsque nous sommes entrées en studio, la majorité du travail était déjà fait. Il nous a surtout aidées pour le côté esthétique de l'enregistrement. Le son des batteries, celui des guitares. C'est vraiment un génie. C'est le musicien dont je respecte le plus l'éthique de travail et l'enthousiasme. Donc il nous a beaucoup aidées mais finalement, cet album nous représente vraiment, ma sœur et moi, et il adore ça, et respecte ça.
Que faut-il attendre maintenant de LARKIN POE ?
Rebecca : On va rentrer à la maison et prendre de petites vacances, et ensuite on va beaucoup répéter pour préparer les tournées de l'année prochaine. D'abord une tournée américaine, puis australienne, puis néo-zélandaise, et enfin, après les festivals d'été, nous reviendrons ici !
Megan : J’ai vraiment hâte d’être en tournée et de partager ces chansons avec les fans parce que, de tous nos albums, « Blood Harmony » est vraiment celui taillé pour la scène et ses chansons atteindront leur plein potentiel en live.
« Blood Harmony » est disponible depuis le 11 novembre en digital et le 18 en CD et vinyle et LARKIN POE sera de retour en France pour une série de concert à partir d'octobre 2023 avec un passage à l'Olympia le 15 octobre. Billetterie sur ce lien : Larkin-Poe-France-2023