Si on exclut le (très bon) « Live Prey » sorti en 2020, cela fait maintenant huit ans que AHAB ne nous avait pas emmené 20 000 lieues sous les mers. Mais le groupe de funeral doom extrême "nautique" comme il se classifie lui-même, revient plus inspiré que jamais avec un cinquième album, « The Coral Tombs » qui, cela ne s'invente pas, prend sa source chez notre bien-aimé Jules Verne.
Avec sept titres pour plus d'un heure d'écoute, le quatuor allemand plonge encore plus profond dans les abysses afin d'en puiser une musique toute en pesanteur, tout en noirceur mais aussi extrêmement mystérieuse. Une véritable bande son à la plongée du Nautilus et de son exploration des fonds marins.
Même si "Prof. Arronax' Descent Into The Vast Oceans", le premier titre de l'album commence par des rythmes blastés et des hurlements dignes d'un black metal haineux, AHAB revient rapidement à ce qui le caractérise : des atmosphères lugubres et une mélancolie doom. Les passages acoustiques et ici, une voix claire chantée permette de débuter notre descente vers les profondeurs infinies de façon paisible, sans nous douter des ténèbres qui nous attendent. Car dès "Colossus Of The Liquid Graves", les growls caverneux viennent peupler les eaux tumultueuses d'un doom lourd, lent où les riffs sont percutants.
"Mobilis In Mobili", ses effets sonores nautiques et son atmosphère suffocante, nous entraîne dans un vaste monde hostile, funeste mais étonnamment apaisant aussi. "The Sea As A Desert" et sa longue intro acoustique fait écho aux chants des baleines ou des nautiles qui nous interpellent et refusent de nous libérer. Si le tempo est lent et le fond lourd, la voix chantée montre toute la beauté d'un univers en lévitation, intemporel. Un morceau méditatif et introspectif. "A Coral Tomb" intensifie encore le côté morose et ultra dense d'un décor où la frontière entre la vie et la mort est fine, impalpable et pourtant effrayante de réalité. Le très joli "Aegri Somnia" et sa guitare acoustique est comme un songe léger, une libération salvatrice après une descente aux enfers sous-marins. De courte durée car les douze minutes du morceau ne manqueront pas de nous rappeler que nous côtoyons l'extrême et que les quelques passages aériens ne sont que des poches d'air dans les eaux sombres qui nous entourent. Enfin, le plus mélodique "Maelstrom" se veut aussi plus dissonant par moment, un jeu fourbe entre la lumière et l'obscurité, entre la surface et le fond, entre l'imposant doom et l'attirant black atmosphérique. Une fin toute en dualité, riche et profonde, c'est le thème.
AHAB plonge à nouveau ses auditeurs dans des eaux troubles qu'il aime leur faire explorer au gré d'une musique puissante, sinistre et galvanisante. "The Coral Tombs" saura ravir les amateurs d'un doom aussi lourd qu'hypnotique. Claustrophobes s'abstenir !