Acteur incontournable de la scène black metal ukrainienne depuis le tout début des années 2000, Roman Saenko est un compositeur du genre stakhanoviste. Tout d’abord avec son projet principal DRUDKH qui cumule onze albums, dont l’excellent « All Belong To The Night » paru il y a quelques mois chez Season Of Mist, puis HATE FOREST qui n'est pas en reste avec six albums au compteur. Je vous épargne aussi le décompte de la discographie de la demi-douzaine d’autres formations dans laquelle le bonhomme traîne ses guêtres, il y aurait de quoi en choper le vertige. Et la première chose qui surprend donc au sujet de cet « Innermost », c’est qu’à l’instar de son prédécesseur, « Hour Of The Centaur » qui a vu le jour il y a pile-poil deux ans, sa sortie s’est opérée dans la plus grande confidentialité. Avec pour unique information dans la biographie sommaire fournie par son label Osmose Productions (« HATE FOREST is R. and « Innermost » was recorded in December 2021), l’on peut dire que le bonhomme ne fait pas l'étalage de la richesse de son CV long comme le bras. C’est d’ailleurs cette aura de mystère qui, tout au long de ces trente-cinq minutes de blizzard, prend aux tripes et à la gorge.
Car Roman Saenko a toujours eu le chic pour brosser des atmosphères mélancoliques et trousser des mélodies poignantes sur ses disques. Une marque de fabrique qu’il perpétue depuis plus de vingt ans sans faillir qui garantit le respect d’une tradition initiée depuis ses premières productions. Pas de surprise donc, « Innermost » est une fresque modelée dans la grande tradition initiée par ses aînés. Une tradition qui bat son plein avec des blasts à profusion, une section rythmique déchaînée et des vocalises écorchées à l’envi. Tout ce qui fait le charme des productions ukrainiennes sommes toutes, le son rugueux qui va bien en bonus et le tout illustré avec une pochette sobre et efficace. Mais pas dénuée d’un certain charme dans son minimalisme.
Sobres et efficaces, les six morceaux révèlent un savoir-faire unique, comme en témoignent ces riffs hypnotiques et ces ambiances vengeresses que HATE FOREST distille toujours avec classe ("Those Who Howl Inside The Snowstorm" et "Temple Of The Great Eternal Night" mettront tout le monde d’accord à ce sujet). L’on ressent ici sur chacune des notes cette force tellurique, grisante qu’il est un des rares à restituer avec un tel panache. Il ne nous reste plus qu’à attendre cette fin d’année pour découvrir le septième album du multi-instrumentaliste ukrainien : jamais deux sans trois !