Depuis « Wasteland », presque quatre ans et demi se sont écoulés pendant lesquels l’humanité a traversée une épidémie. Pour la Pologne, l’année 2022 est aussi celle de l’envahissement de leur voisin par la Russie et l'afflux de réfugiés venus d’Ukraine. C’est dans cette période fortement troublée que le groupe RIVERSIDE a fêté ses vingt ans de carrière. C’est dans ce contexte aussi que le quatuor polonais s’est penché sur la notion d’identité et en particularité, la sienne. Le résultat : un huitième album, « ID.Entity » avec lequel il essaie à travers une histoire de 53 minutes, qui se développent sur 7 titres (11 sur l'édition Deluxe), de répondre à certaines des questions liées à l’identité.
Lorsque Mariusz Duda s’interroge sur l’identité du groupe préalablement à la composition du nouvel album, il fait le constat que la scène est au centre de la zone de confort du groupe. Et les points forts qui le caractérisent sont ses mélodies et ses performances live. « ID.Entity » a donc été construit dans l’esprit de restituer cette dynamique ressentie lors des concerts de RIVERSIDE. L’objectif vise aussi à rompre avec la décennie de tristesse et de mélancolie véhiculée par leurs dernières réalisations. C’est exactement le sentiment que l’on ressent dès le début avec le lumineux "Friend or Foe?" qui ouvre cet album. Si cette chanson rappelle un peu le classique "Take On Me" de A-HA, il n’en n’est pas moins plus rock et incisif et s’impose d’emblée comme un des incontournables du groupe. Cette rupture avec ses prédécesseurs « Wasteland » (2018), « Love, Fear And The Time Machine » (2015) et « Shrine Of New Generation Slaves » (2013), c’est aussi la volonté d’un retour aux sources annoncée en 2021 avec le single "Story Of My Story". Cette rupture ouvre un nouveau chapitre qui allie l’insouciance des débuts, enrichie par la maturité acquise au cours de ces deux décennies.
Avec le concept porté par « ID.Entity » et sa qualité, RIVERSIDE se révèle plus confiant que jamais. C’est comme si, après une longue période de deuil provoquée par le décès de son guitariste Piotr Grudziński en 2016, cette introspection forcée par la pandémie et la guerre, RIVERSIDE avait enfin relevé la tête et dans l’adversité décidé de faire face à l’avenir comme nous pouvons l’entendre sur "I’m Done With You" lorsque que le chant de Duda se transforme en cris de révolte sur les mots « Far Away » qui expriment une volontée profonde de repousser le plus loin possible l’influence des personnes toxiques. Cette révolte, nous la retrouvons aussi dans les paroles « Just choke on it at last! » sur "Big Tech Brother" qui dénonce un monde où nous sommes constamment évalués, tracés, triés et mesurés. Si cette sombre période marque la fin de l’insouciance, « ID.Entity » est aussi l’occasion pour Duda de franchir un cap dans l’écriture.
A la lumière de la violence et de l’instabilité de l’époque actuelle, il se voit offrir la possibilité de pousser plus loin sa réflexion sur les problèmes actuels. Ainsi, « ID.Entity » propose des textes forts et illustrés par une musique puissante. Si RIVERSIDE tourne la page de la dernière décennie avec cet album, c’est aussi celui d’un nouveau départ. Le guitariste Maciej Meller a rejoint le groupe pour les concerts en 2017 puis, il est devenu membre permanent en 2020 et a donc enregistré son premier album avec le groupe et peut enfin apporter la personnalité de son jeu au son de RIVERSIDE.
Afin de réussir ce nouveau chapitre, qui offre à son public l’énergie du live, le groupe a rompu avec le processus de création des précédents albums, entièrement conçus en studio. Pour « ID.Entity », le groupe s’est réuni préalablement dans son local de répétition dans le but de recréer cette symbiose qui existe entre eux lors des concerts, pour que tout soit prêt à leur entrée en studio. Le résultat selon Duda est que « ID.Entity » reflète l'identité du groupe et nous ne pouvons que le corroborer à la qualité et la richesse des compositions. Dans la foulée du grandiose "Friend or Foe?", "Landmine Blast" propose une ambiance incisive et entraînante de rock progressif, parfois épique avec des passages plus intimistes. Ce dynamisme ne se dément pas avec "Big Tech Brother", suivi de l’entraînant "Post-Truth" qui débute sur une séquence jazzy allant vers une série de couplets épiques dont certains sont presque chanté à capella et se termine sur une partie instrumentale qui rappelle vaguement "Sand & Mercury" de THE GATHERING.
Avec "The Place Where I Belong", une forme de mélancolie s’installe par le biais de passages plus intimistes. Sur une introduction de basse distordue "I’m Done With You", permet de revenir à une musique plus accrocheuse pour déboucher sur l'entraînant "Self-Aware" et son passage reggae. Après une autre intro intrigante et mystérieuse celle-ci, "Age Of Anger" développe un instrumental magistral. Pour terminer cette introspection d’une cinquantaine de minutes à la recherche de son identité, l’instrumental "Together Again" sonne comme la satisfaction du groupe d’avoir retrouvé son unité.
Sans aucun doute, avec « ID.Entity », Duda produit ici une œuvre majeure. Si comme à son habitude il est au centre du jeu, il a surtout su s’entourer des bonnes personnes afin que le résultat soit celui d’un collectif. Il a ainsi travaillé pour l’enregistrement avec Paweł Marciniak des Boogie Town Studio à Otwock en charge également du mixage, ainsi que Magda Srzednicka et Robert Strzędnicki au Serakos à Varsovie. Pour le mastering, il a fait appel à Robert Szydło qui s’était déjà occupé des enregistrements live de RIVERSIDE.
Ce nouvel album est aussi le résultat d’une réflexion, où donner le meilleur de soi dans une période troublée nécessite de se connaître soi-même, de l’empathie, de la solidarité et du soutien, mais aussi de savoir mettre de la distance avec ceux qui empoisonnent nos vies et sèment la discorde.