Bienvenue en 1696, bienvenue en Enfer. En plein cœur de ces dures années de "chasse aux sorcières" perpétuée dans toute l'Europe, la Finlande ne fait pas exception à la règle et sous couverts de pratiques fallacieuses et de superstitions, un tiers de la population du pays s'est vue exécutée en 1696 et 1697. Comment ne pas être touché par ce déversement frénétique de sang ? C'est ce qu'INSOMNIUM a voulu décrire dans son neuvième album, « Anno 1696 », dans lequel le groupe s'appuie également sur la nouvelle d'Aino Kallas La Fiancée du Loup, histoire d'une habitante de Hiiumaa. Les huit nouveaux morceaux proposés sont donc un hommage aux légendes, aux vérités, la part de mystère des loups-garous donnant le change aux procès de femmes et d'hommes largement considérés eux aussi comme des bêtes à exterminer. Entre mélancolie profonde et colère indicible, « Anno 1696 » va au-delà du death metal mélodique pour lequel on connaît INSOMNIUM : il est plus sombre, plus vindicatif que les précédents mais également plus lourd et paradoxalement plus pêchu aussi. Les éléments investis y sont variés, d'un côté épique au son d'instruments traditionnels, des atmosphères synthétisées envoûtantes aux guitares heavy, des growls rauques à une voix féminine même. Tout concourt à un metal à la fois puissant et harmonieux, imposant et séduisant.
Les premières notes acoustiques folk accompagnées de rythmes de tambours de "1696" nous plongent tout de suite dans une ambiance médiévale lugubres voire funestes. Les voix susurrées se changent rapidement en growls hurlés et guitares furieuses. Une belle entrée en matière, assez typique du groupe, qui laisse ensuite place à deux morceaux radicalement différents. Le lourd et passionné "White Christ", dont la structure n'est pas sans rappeler ROTTING CHRIST, à juste titre, puisque les parties vocales y sont assurées par son leader, Sakis Tolis. Sans doute l'une des meilleures chansons de l'album. S'ensuit l'inattendu "Godforsaken" avec la présence vocale féminine de Johanna Kurkela (AURI) qui apporte son aura cristalline et une pointe d'onirisme lors de ses apparitions pendant des breaks enchanteurs.
Les morceaux les plus épiques, "Lilian" ou "The Rapids", montrent une force herculéenne pour un côté death metal assumé alors que le plus mélodieux et mid-tempo "Starless Paths" et le balancé "The Witch Hunter" font la part belle à un profond sentiment de tristesse mêlé à une envie farouche de dénonciation d'actes innommables. L'acoustique "The Unrest" est comme un poème chanté avec des voix claires pures et des murmures intimistes qui portent une belle émotion et apportent à « Anno 1696 » une dimension créative encore plus riche.
A noter que l'artbook en édition limitée de l'album contient en plus trois titres de l'EP « Songs Of The Dusk » pour prolonger un plaisir non dissimulé.
Il est clair qu'en plus de vingt ans de carrière, INSOMNIUM n'a perdu en rien de son inspiration. Le quintet a su marquer de sa patte le death metal mélodique et avec « Anno 1696 », preuve qu'il a encore de belles, bien que tragiques, histoires à raconter. C'est avec un charisme certain et une dextérité indéniable que les Finlandais reviennent hanter nos âmes, en décuplant les émotions tout en ouvrant leurs horizons. Un bel album, à nouveau.