26 février 2023, 18:53

THE GATHERING

"Souvenirs" (2003 - Rétro-Chronique)

Album : Souvenirs

Souvenez-vous, il y a vingt ans, le 24 février 2003, THE GATHERING sortait son septième album. C’était aussi le tout premier après sa rupture avec Century Media Records et c’est donc sur son propre label que « Souvenirs » voyait le jour chez Psychonaut Records. Pour vous proposer ces quelques lignes nous nous sommes entretenu avec le batteur Hans Rutten afin qu’il partage avec vous les souvenirs de cette période qui marque pour le groupe le début d’une liberté retrouvée après une période conflictuelle avec leur précédent label qui par chance n’affectera pas la suite de sa carrière.

L’écriture de l’album a commencé immédiatement après la tournée promotionnelle de « If_Then_Else », fin 2000 et début 2001. Cela en fait donc l’album pour lequel la durée de gestation aura été la plus longue. Toutefois, ce n’est pas deux années non stop à travailler en continue sur le disque, mais plutôt une série de sessions qui se sont succédées durant cette période. C’est d’ailleurs, de cette série qu’a vu le jour l’EP « Blacklight District » (2002), première réalisation pour Psychonaut Records. S’étant bien entendu avec l’ingénieur du son Zlaya Hadzich lors des sessions du précédent album, THE GATHERING décide de lui en confier la production. Le résultat est, selon Hans, un album plus cohérent grâce aussi à leur liberté de création retrouvée. On y retrouve l'esprit expérimental de « How To Measure A Planet » (1999) qu’ils avaient été obligés de mettre en sourdine sur « If_Then_Else ». Un album donc plus orienté vers la musique électronique que les fans découvrent.

Cette série de souvenirs commence avec le superbe "These Good People". Initialement plus rock que la version finale, ce titre évolue vers un morceau trip-hop dans lequel les musiciens intègrent leurs influences du moment que sont MASSIVE ATTACK et PORTISHEAD. On y retrouve aussi l’esprit psychédélique d’un PINK FLOYD à travers les claviers de Frank Boeijen. Sombres et mélancoliques, les paroles d’Anneke van Giersbergen sont une extrapolation de leur expérience avec le monde du business. "These Good People" évoque les artistes investis dans la création qui se voient entravés et privés de leur liberté de création, voir pervertis par leur rencontre avec ce monde des affaires qui prend en charge leur promotion. Le morceau se termine en forme de révolte où le riff de guitare de René Rutten accompagne la voix d’Anneke qui qualifie les commerciaux de menteurs, et de transformer les limousines du succès en corbillard pour les artistes. On peut d’ailleurs, interpréter cette voix métallique comme le symbole d’une chape de plomb qui s’abat sur les artistes lorsqu’ils se retrouvent piégés par le contrat qui les lie à leur maison de disques. Attirée par la ligne de chant et la production, "These Good People" est aussi la première chanson qu’une norvégienne, alors chanteuse du jeune groupe OCTAVIA SPERATI, a découverte peu de temps après la sortie de l’album.

La transition se fait avec "Even The Spirits Are Afraid" qui propose un crescendo débutant sur un magnifique rythme de batterie sur lequel Anneke pose une superbe ligne vocale créant immédiatement le frisson, pendant que la basse remue les tripes de l’auditeur. L’ensemble soutenu en fond par le clavier se développe sur un riff de guitare accrocheur pour se terminer sur une ambiance electro. Hans se souvient que Frank et lui ont apporté respectivement le rythme de batterie et la mélodie du clavier, et c’est sur cette base que le groupe s’est mis à répéter et c’est au fil des jams que le morceau à pris forme. Cette approche est d’ailleurs la façon dont le groupe travaille en règle générale. Les paroles sont ici encore plus sombre que précédemment puisqu’il est question d’une personne qui détruit ce en quoi elle croit. Elle interroge en quelque sorte le bien fondé d’une colère destructrice. Peut-être une façon de dire qu’il est préférable de se détourner des gens toxiques et de tracer son chemin plutôt que de les affronter dans un combat destructeur.

C’est avec une boucle électronique que "Broken Glass" commence, la voix d’Anneke vient alors se poser suivi de la batterie de Hans. Comme les précédentes chansons, ce titre propose un magnifique crescendo qui se termine par un riff de guitare explosif. Avec "Even The Spirits Are Afraid", "Broken Glass" est le plus joué sur scène. Cela n’est guère surprenant car Silje et Hans reconnaissent volontiers qu’ils éprouvent un réel plaisir à l’interpréter. C’est à capella qu’Anneke introduit "You Learn About It". Mélancolique et dépitée, elle y raconte avec tristesse son ressenti du vécu avec l'ex-maison de disques du groupe. Les arrangements de ce morceau proposent une ligne apaisée, à mille lieux de la révolte que peut, comme on pourrait l’imaginer, inspirer ce divorce avec le label. Anneke y est accompagnée de Kristin Fjellseth (PALE FOREST) aux chœurs. Comme l’avenir le montrera, Anneke est quelqu’un qui ne se laisse pas polluer par les expériences toxiques. Sa positivité naturelle la pousse à tirer le meilleur de toute situation pour en ressortir grandie. Il faut avouer qu’un morceau avec un riff de guitare incisif qui pourrait traduire l’expression de la colère aurait été contre-productif puisque l’attente de Century Media Records était justement que le groupe propose une musique dans la lignée de l’énorme succès commercial « Mandylion » en 1995.

Chanson-titre, "Souvenirs" caractérise parfaitement l’esprit trip-rock expérimental que le groupe cherche à développer. Pendant six minutes, le morceau évolue sur une mélodie apaisée qui illustre superbement l’osmose retrouvée par le groupe. Comme l’exprime Hans, elle fait office de porte vers une nouvelle ère. Si les morceaux précédents font encore référence au passé proche du groupe et agissent un peu comme une thérapie collective, avec "Souvenirs", le groupe tourne la page pour exploiter pleinement cette totale liberté de création. "We Just Stopped Breathing" s’enchaîne superbement avec la fin noisy de "Souvenirs". L’auditeur ne peut que retenir son souffle, suspendu à la superbe ligne de chant d’Anneke. La force de THE GATHERING est sa capacité à intégrer des éléments simples dont la richesse réside dans leur association. L’originalité de ce titre réside dans sa seconde partie qui amène l’auditeur dans un univers expérimental avec des éléments importés issus de collaborations telle que la trompette de Mathias Eick ou les beats de Kid Sublime. Une fois n’est pas coutume, les paroles sont du producteur Zlaya Hadzich. Il en va de même pour "Monsters" qui redynamise l’album avec une mélodie efficace et entêtante avec un refrain imparable. On notera que la basse, qui joue ici un rôle central, est assurée par Michael Buyens tout comme sur "You Learn About It". L’absence d’Hugo sur ces deux titres est certainement la raison qui, peu de temps après la sortie de l’album, l’amènera à laisser sa place à Marjolein Kooijman pour les dix années suivantes.

Avec "Golden Grounds", Anneke vous emmène dans une histoire fantastique à travers le désert, suivie de "Jelena", une chanson très sombre et personnelle. Elle y évoque l’histoire d’un de ses amis atteint de maladie mentale. Si le chant d’Anneke est toujours aussi parfait, l’ambiance est lourde. Le rythme est lent et piège l’auditeur dans une atmosphère pesante qui laisse place à un silence de plusieurs minutes uniquement présent sur la version CD. Une manière de traduire le fait que la maladie mentale vous emmène dans un trou noir qui ne vous laisse aucun espoir. Comme l’explique Hans, le besoin de terminer sur une note positive cet album se fait sentir. A cette époque, il écoute beaucoup ULVER et il est fan de la voix de son chanteur Kristoffer Rygg connu sous le pseudonyme Trickster G. Comme THE GATHERING dispose de l’idée de base du morceau apportée par Frank, Hans décide de le contacter pour lui proposer une collaboration. C’est ainsi que "A Life All Mine" est créée. Ecrite par Trickster G, les paroles sont chantées en duo avec Anneke. Le résultat est un superbe morceau où il est difficile de ne pas être d’accord avec Hans qui trouve que leurs voix se marient superbement. Mais certains fans inconditionnels d’Anneke regrettent toutefois qu’elle ne la chante pas seule pour en ressentir la colère. De son côté, Silje reconnaît aussi que c’est une de ses chansons préférées de l’album, parce qu’elle aime aussi beaucoup la voix de Trickster G.

« Souvenirs » est à ce jour le troisième album du groupe le plus joué en concert après « How To Measure A Planet » et « Mandylion ». Après « If_Then_Else » et ses quelques pépites, mais de toute évidence une sorte de pause diplomatique avec la maison de disques du groupe, on retrouve THE GATHERING capable d’aller de l’avant en cette année 2003. Si la première partie du disque est d'une certaine manière une thérapie collective, il en ressort que les Néerlandais prennent conscience qu’ils sont les "bons" dans toute cette histoire, et qu'il leur faut savoir en tirer une leçon. C’est ce qu’il font dans la seconde partie en posant les bases qui vont leur permettre dans les années qui suivent d’aller encore plus loin...
 


© Anneke van Giersbergen - DR

Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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