A l’instar de certains de ses petits camarades qui ont reporté toute ou une partie de leur tournée française initialement prévue en 2022, NAPALM DEATH a lui aussi réajusté son escale hexagonale sur sa to-do list pour ce début d’année avec cette "Campaign For Musical Destruction Tour". Cinq dates ont donc été replanifiées et c’est au Chabada d'Angers qu’il a effectué une halte le 24 février dernier en compagnie de trois autres groupes accros aux sensations fortes : ESCUELA GRIND, SIBERIAN MEAT GRINDER et DRODPDEAD. La soirée s’annonçait sous les meilleurs auspices avec un premier constat réjouissant : le public a bien répondu présent à l’invitation du clan de Birmingham puisque la salle ne cessera de se remplir tout au long de la soirée. C’est toujours ça de pris.

Comme l’ensemble des groupes présents ce soir qui enchaînent leur prestation avec la précision d’une horloge atomique, ESCUELA GRIND, quatuor originaire de New York, ouvre les hostilités sur une entrée en scène millimétrée. Emmené par une Katerina Economou surexcitée qui ne cesse de sautiller tel un kangourou sous Risperdal, ESCUELA GRIND ne fait pas dans la demi-mesure et envoie la purée sans sourciller. Sur scène, le groupe est à l’aise comme en témoigne sa guitariste Kris en bas de survêt’/claquettes et son batteur, Jesse, qui a pour sa part sorti sa plus belle paire de chaussettes bariolées pour martyriser sa double pédale. Une ambiance "comme à la maison" à laquelle il ne manque plus qu'un plaid moche bien épais pour se caler au chaud derrière les enceintes. La musique fait le reste et les morceaux défilent pendant une petite demi-heure qui se concentre sur le deuxième album du groupe, « Memory Theater », paru en fin d’année dernière chez MNRK Heavy. Voilà ce qu’il convient d’appeler une entrée dans le vif du sujet.

SIBERIAN MEAT GRINDER semble avoir son lot d’amateurs dans la salle dont l’affluence monte d’un cran pour sa prestation. Originaire de Moscou et non de Sibérie comme son patronyme pourrait le laisser penser, le groupe envoie depuis sa formation, en 2011, un thrashcore débridé qui emprunte autant au hardcore qu’au gros metal qui tache. Le tout sonne comme un héritage moderne des mythiques DIRTY ROTTEN IMBECILES ou S.O.D. avec la bonne dose de fun qui va bien. A l’instar de cet énorme ours en peluche qui déboule sur scène avec le groupe, le chanteur n’a pas son pareil pour mettre la fosse en ébullition avec doigté. Les 40 minutes du show passent ainsi comme une lettre à la poste : le job est fait. Next please.

DROPDEAD fait quant à lui figure de vétéran après la prestation des Russes. Actif depuis plus de trois décennies au sein de la scène punk/crust américaine la plus virulente, le groupe originaire de Providence, Rhode Island, affiche des positions on ne peut plus claires contre la maltraitance animale, le racisme et la corruption au sein de nos élites politiques. Un programme engagé qu’il partage avec la tête d’affiche du soir et une longévité qui se matérialise dès les premiers accords de "Torches". L’expérience du riff qui tronçonne et de la basse qui gronde (dédicace au bassiste moustachu George Radford qui maltraite son instrument avec délice !) est indéniable et l’on est littéralement balayé par la sauvagerie de l'ensemble qui ne prend aucune pincette pour martyriser les esgourdes d’un public réceptif. Malgré certaines prises de paroles un brin longuettes de la part du frontman Bob Otis, qui n’a pas son pareil pour concurrencer notre Philippe Risoli national avec ses pirouettes de micro, les morceaux expédiés ici font mouche. Le format court de la plupart d’entre eux n’y étant pas étranger. Après avoir encaissé cette avalanche de parpaings crust/grind, il m'est nécessaire de faire un break à la buvette avant d’assister à la prestation des patrons de Birmingham.

Et c’est avec un Barney à la cheville droite emmaillotée, la faute à une réception hasardeuse lors du concert à Munich donné quelques jours plus tôt où il s'est cassé la cheville, que les quatre Anglais prennent place devant une audience acquise à leur cause. Il faut dire qu’avec plus de quarante années au compteur, NAPALM DEATH est une institution sur laquelle le temps n’a pas de prise. Le groupe le prouve une fois encore avec un show court, une bonne heure montre en main, mais très intense. Principalement axée sur le dernier album en date, « Throes of Joy in the Jaws of Defeatism » (dont vous retrouverez la chronique ici), la prestation du quatuor est impeccable. Il délivre ainsi la moitié du disque, de "Fuck The Factoid" à "Throes of Joy in the Jaws of Defeatism", en passant par "Backlash Just Because", "Contagion", "Amoral" ou "Invigorating Clutch", avec la grâce d'une décapeuse automotrice. Mais s’il met un point d’honneur à célébrer ses derniers ébats discographiques, '"Narcissus" et la reprise de 'Don’t Need it" des BAD BRAINS extraits du dernier EP figurent aussi au menu du jour, NAPALM DEATH a toujours une pensée pour son riche passé. Et c’est ainsi que "Scum" et "Lucid Fairytale", issus des deux premiers albums du groupe, comme les dantesques "Suffer the Children", "Siege of Power" et "Mass Appeal Madness" sont aussi exécutés avec une énergie et une ferveur communicatives. A l’instar de "The Inflitrator" et "Breed to Breathe", tous deux exhumés de la fin des années 90, qui font eux aussi leur petit effet sur l’assistance. L’ambiance est à ce titre survoltée : les stage divers s’en donnent à cœur joie, la fosse est en ébullition et malgré la douleur, Barney headbange et s’arrache les cheveux comme s’il était droit sur ses deux pattes. Shane est quant à lui impérial sur sa basse, tout comme Danny, magistral, derrière ses fûts : oui, le NAPALM DEATH des grands soirs est ici à la noce… et le public le lui rend au centuple. Chapeau bas messieurs !
