4 mars 2023, 23:59

IN THEATRUM DENONIUM ACTE VII

@ Denain (Théâtre Municipal)

Quelle réussite ! La septième édition du In Thatrum Denonium a été un succès. Complet, le théâtre de Denain a offert son cadre majestueux aux sonorités extrêmes, a prêté sa beauté classique aux rites païens. Le revers de ce succès a été la présence de trop nombreux fans dans l’ancien fumoir où Déhà a proposé trois concerts. La foule était si dense dans cet espace qui accueillait aussi un bar et les stands de merchandising qu’il était difficile d’apprécier les prestations, pourtant brillantes, du musicien belge. Le premier set a pris la forme d’une double improvisation, l’une doom, la suivante black. Le deuxième a été une succession étrange de morceaux de genres différents, la froideur gothique s’éclipsant devant la furie black... après avoir été réchauffé par un surprenant "Gangsta’s Paradise" repris en chœur par les métalleux ; non, non, vous avez bien lu... et je vous rassure, je n’étais pas ivre : les vestes à patches et les t-shirts aux sanglantes effigies ont bien chanté ce morceau de Coolio ! La dernière prestation du musicien belge, en conclusion de la soirée, était un au-revoir poignant, sous le signe de la dépression. « Je n’avais jamais vécu quelque chose comme ça de toute ma carrière », concluait Déhà.

Sur la scène du théâtre, devant les sièges rouges et les dorures des balcons, HELLERUIN lance le festival. Projet solo de Carchost, comme en attestent les pochettes des disques où lui seul figure, ce groupe néerlandais ressuscite le black metal des années 90, dans le souvenir ténébreux de la fameuse deuxième vague norvégienne. Maquillage, cuir, bracelets à clous d’une fort belle longueur, la panoplie est en accord avec la musique interprétée, à l’image de l’énergique "None Of Us" ou de "Invincible", qui lorgne vers la froideur d’un GORGOROTH. Les atmosphères, malsaines et chaotiques, se marient à merveille avec les agressives lumières rouges. La vitesse cède parfois la place à la lourdeur, à des rythmes martiaux dans des compositions qui gagnent en complexité ("Mijn Ziel Aan De Duivel"). Une mélodie funèbre, envoûtante se glisse dans la fureur, comme sur le morbide "No Light Shines Through" qui évoque MGŁA. Le chanteur, bien soutenu par ses comparses live, se débarrasse de ses clous, de sa veste pour finir torse nu, parfois à genoux, comme envahi par la puissance de ses compositions. Une belle découverte.


Changement de look – jeans et baskets montante – et d’ambiance avec l’arrivée de BODYFARM, remplaçant CHAPEL OF DISEASE, qui vient de splitter. Le batteur de HELLERUIN – après une première performance remarquable – enchaîne un deuxième set... avant que les death-metalleux bataves ne se rendent à Deinze, en Belgique, pour un autre concert. Chapeau, Messieurs, d’avoir ainsi rendu service. Ce beau geste n’est pourtant pas récompensé : au début de la prestation la salle n’est guère remplie. Est-ce dû au style musical, ou à la longue attente au bar en raison d’une tireuse à bière capricieuse ? Efficace et carré, le groupe récite sa leçon de death old-school... Nous sommes face à de bons élèves consciencieux qui ont bien révisé, relu leurs cours avec application mais qui peinent à aller au-delà des connaissances de base. "Torment", premier titre du dernier album « Ultimate Abomination », donne le ton des minutes qui suivent : rythmique pesante, solo solide pour une compo énergique. Un soupçon de mélodie de ci, comme sur le réussi "The Wicked Red", un soupçon d’angoisse de là, sur un "The Swanp" un peu longuet, quelques paroles convenues du chanteur et ce concert sympathique mais loin d’être mémorable se termine.


DESTRÖYER 666 dans un théâtre ! Quelle étrange alliance entre la sauvagerie controversée du groupe – tiens ne devinerait-on pas un "SS" sur le t-shirt Hell’s Satan du bassiste ? – et le sublime décor ! Cette union contre-nature de la belle et de la bête black/thrash, du raffiné et du primitif est étonnante... Tout de cuir vêtue, multipliant les poses heavy derrière les micros ornés de têtes de boucs, la bande à KK Warslut électrise la fosse, crée un chaos sans nom devant les fauteuils rouges. Quand les Australiens se mettent en action, l’intensité est totale. Sur scène, les titres du dernier album, pourtant pas un chef d’œuvre, sont sublimés à l’image de l’inaugural "Never Surrender". L’enchaînement avec le primitif "Wildfire" déchaîne les pulsions les plus féroces, comme, peu après, le récent "Guilltotine" ou le plus ancien "Hounds At Ya Back", puis en guise de final attendu l’extraordinaire "Satanic Speed Metal". Entre temps, alors que le bassiste capte la lumière par sa prestance et son apport vocal, le groupe montre un visage plus nuancé – bon, on n’est pas non plus dans le monde de Candy hein !? On reste dans le brutal – avec le complexe "Trialed By Fire" ou "Pitch Black Night" et son refrain réussi. D’apparence simple, avec ses compositions basées sur peu de riffs, mais d’une efficacité sans pareille, portée par une batterie souvent martiale, la musique de DESTRÖYER 666 est une impitoyable charge de cavalerie, sabre au clair. Et quel plaisir d’écouter l’immense "I Am The Wargod" avec son intro de basse qui précède des guitares black pour une intense montée en puissance : un grand moment !


Puis vient le temps de la sidération, de la stupeur. Le black indus de MYSTICUM est une lame d’acier froide plantée sans cesse, mécaniquement, dans un corps déjà mort. La surpuissante boîte à rythme écrase tout, même les riffs de guitare, pour créer une sensation d’oppression, de malaise, accrue par la projection d’images malsaines en noir et blanc. Le logo du groupe, des défilés militaires, des inscriptions à la gloire de Satan ou de drogues hallucinogènes défilent en un kaléidoscope de peur et de haine, rythmé par des éclairs stroboscopiques. Les trois musiciens bougent peu mais dégagent une violence primitive, surtout le guitariste/chanteur Cerastes, monstre bodybuildé au regard fou, aux vocaux hantés, comme si ses textes jaillissaient de son âme maudite. Des premières notes de "Far" au terrifiant final "All Must End", la machine MYSTICUM crée un univers glacé, une nuit sans fin où la dernière étoile est morte, où les planètes agonisent en une explosion assourdissante ("Cosmic Gun"). Dans le silence qui suit la dernière note, la sidération et la stupeur demeurent face à la beauté de la désolation.
 

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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