23 mars 2023, 19:11

PERIPHERY

"Periphery V: Djent Is Not A Genre"

Album : Periphery V: Djent Is Not A Genre

Avec « Periphery V: Djent Is Not A Genre », le groupe basé à Washington D.C. signe son retour de la plus belle des manières après quatre longues années d’attente. Ce septième album est un poing dans la gueule, une bombe d’agressivité et de technique, tout en restant suffisamment mélodique pour ne pas rebuter l’auditeur. Les cinq musiciens originaires du Maryland pour certains (Misha Mansoor - guitare, programmation, Jake Bowen - guitare, programmation, Matt Halpern - batterie, Spencer Sotelo - chant et Mark Holcomb - guitare), maitrisent l’art de nous balader d’une ambiance à l’autre en une fraction de seconde, sans pour autant perdre le fil de leur propos au sein de morceaux, certes alambiqués, mais qui n’en demeurent pas moins cohérents.

Le metal progressif et djent (non, ce n’est pas sale !) de PERIPHERY est extrêmement technique, riche et fouillé, avec de multiples cassures de rythmes et changements d’ambiance au sein d’une même chanson. Ça part dans tous les sens, ça explose, ça en met de partout, et cependant, pas besoin d’avoir fait math sup/math spé pour se laisser emporter par la musique du groupe. On laissera le soin de se perdre dans des calculs alambiqués aux pros, aux apprentis musiciens et aux savants fous pour se concentrer, en simple auditeur, sur les ressentis que génèrent cette œuvre, même s’il faudra plusieurs écoutes aux néophytes pour bien en apprécier la teneur.  

Et, d’entrée de jeu, on se prend une grosse mandale en pleine face, avec l’excellent "Wildfire", dont l’intro est d’une violence inouïe, jusqu’à ce qu’arrive le refrain en voix claire, qui adoucit un peu le ton. Puis vient ce break jazzy au piano, nous propulsant dans une faille spatio-temporelle qui nous fait atterrir dans les années 30, et sur lequel intervient le saxophone du talentueux Jørgen Munkeby (du SHINING norvégien, qui a collaboré maintes fois avec Ihsahn, et plus récemment avec les Français STÖMB). L’outro opératique, elle aussi, est particulièrement surprenante et permet d’enchainer sans temps mort sur "Atropos" (l’une des trois Moires dans la mythologie grecque, celle qui « termine l’existence terrestre des mortels en leur coupant le fil de la vie ». A ce sujet, n’hésitez d’ailleurs pas à lire ou relire le magnifique roman de Stephen King, Insomnie, qui revisite librement ce mythe). Cependant, si les paroles de la chanson n’abordent pas à proprement parlé la mort mais évoquent plutôt le comportement superficiel et destructeur d’une personne, on peut tout à fait y voir une allégorie sur la fascination morbide des êtres humains pour le chaos. Ce morceau oscille constamment entre pure violence et douceur mélodique et s’achève également sur un passage emphatique et très cinématographique. Si les musiciens ont un niveau technique exceptionnel qui force l’admiration, Spencer Sotelo est, quant à lui, absolument éblouissant de A à Z, donnant tour à tour la chaleur, le groove (avec cette petite touche R'n'B/funky délectable) et la rage à travers sa voix, qui reste l’un des atouts majeurs du groupe depuis 2010. "Wax Wings" est très accrocheur, avec introduction à la guitare claire avant que l’électrique reprenne le dessus, notes de piano superbes, lignes de chant mémorisables, et final de toute beauté avec un solo de guitare à se damner.

"Everything Is Fine !" est le morceau le plus brutal de l’album, avec matraquage rythmique et soli débridés, chant agressif dégueulé dans nos oreilles, entre death et hardcore : boucherie assurée dans la fosse lors des prochains concerts. Et si vous avez ramassé vos ratiches et que votre carcasse arrive à survivre à cela, vous aurez ensuite droit à une douceur, trop cheesy peut-être pour certains, mais néanmoins fort appréciable (et nécessaire) après ce déferlement de violence. En effet, "Silhouette" est un bonbon au miel d’electro-pop, ultra mélodieux et apaisant, qui témoigne une nouvelle fois de la versatilité du chant de Spencer Sotelo, et de l’ouverture d’esprit de PERIPHERY qui n’hésite pas à s’aventurer sur des territoires diamétralement opposés les uns des autres. Si le djent n’est pas un genre, il est alors une accumulation de genres, unis dans un mariage improbable de prime abord, mais qui fonctionne à merveille grâce au talent des compositeurs qui savent ajouter l’effet de surprise inattendu qui casse la routine, tout comme un chef saupoudre son plat de la pincée d’épice indispensable pour en faire une œuvre d’art.

"Dying Star" reste dans une voie très mélodique et accessible, sur un tempo plutôt calme avant que ça reparte de plus belle avec "Zagreus", excellent morceau qui ravage tout sur son passage, avec blast-beats à foison, solo inspiré, très beau refrain, et surtout un passage sublime du chanteur : « Will it ever be? Will we ever live in honesty? 'Cause we're falling apart, falling apart, you and I. Will it ever be? Will we ever live another day in honesty? 'Cause we're falling apart, right from the start, you and I» (« En sera-t-il-un jour ainsi ? Vivrons-nous un jour honnêtement ? Parce que nous nous effondrons, nous nous effondrons, toi et moi. En sera-t-il-un jour ainsi ? Vivrons-nous un jour de plus honnêtement ? Parce que nous nous effondrons, depuis le début, toi et moi »). Le tout s’achève sur une autre outro grandiloquante inspirée du jeu vidéo Hades. Viennent ensuite les deux dernières chansons : le pantagruélique "Dracul Gras", digne d’un festin d’ogre, tant il renferme d’ambiances et de styles différents, de cassures de rythme ainsi qu’un déluge de notes toutes plus savoureuses les unes que les autres, et dont le fil conducteur est le magnifique refrain en voix claire. Une chanson tarabiscotée mais d’une efficacité à toute épreuve qui termine sa course sur une longue plage electro. Et enfin, le non moins épique "Thanks Nobuo" qui s’étire lui aussi sur plus de douze minutes, dont un final orchestral de près de quatre minutes. C’est une chanson aux accents pop marqués, très mélodique et sur laquelle le frontman fait encore des prouesses vocales.

Produit par le groupe et parfaitement mixé par son ancien bassiste Adam "Nolly" Getwood, assisté de Sebastian Sendon et masterisé par Mike Kalajian, « Periphery V: Djent Is Not A Genre » est un album impressionnant, tant pour les prouesses techniques des musiciens que pour la diversité, l’originalité et la puissance qu’il dégage. Sans révolutionner son style le moins du monde, PERIPHERY est allé plus loin, plus haut, plus fort avec ce disque. Mais plus que l’aspect technique incroyable et ébouriffant de leur metal progressif, le génie des musiciens réside dans le fait d’avoir réussi à créer un album aux compositions accrocheuses et addictives qui nous font aimer la musique pour ce qu’elle est : une évasion réjouissante vers des destinations multiples. Avec ce septième album, la bande à Misha Mansoor prouve qu’elle est l’un des maîtres incontestés d’un genre qui n’en est pas vraiment un. Ou peut-être bien que si...

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Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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