Nommé d'après une série d'éruptions qui se sont produites en Islande, à Krafla, en 1975, « Kröflueldar » a en commun avec ses événements brûlants un chiffre : neuf. Neuf, comme le nombre d’années pendant lesquelles ces coulées de lave ont dévoré les terres environnantes mais aussi neuf, comme le temps qu’il aura fallu au groupe pour concevoir cet album de la première à la dernière note. Et même si la biographie d’ALTARI ne fait pas mention des raisons liées à ce délai qui ferait passer Brian Ferry et son « Mamouna » pour un album torché un soir de réveillon sur un coin de table, celle-ci a de quoi attiser la curiosité du chaland. Les références du groupe, variées c’est un euphémisme, pointant aussi bien du côté de CRAFT, DEATHSPELL OMEGA, BLUT AUS NORD que de JUDAS PRIEST, VOIVOD , KILLING JOKE ou SONIC YOUTH. Comment ça : improbable ? Vraiment ?
Autant le dire tout de suite, ce "name-dropping" aguicheur n’est pas, comme c’est souvent le cas, promesse d’une expérience musicale révolutionnaire. Mais cela ne retire en rien les qualités de cet album dont on sent que chaque note a été peaufinée dans les moindres détails. C’est ainsi qu’au fil des écoutes se dévoile un kaléidoscope de sensations fascinant qui abrite une oeuvre délicate à assimiler. Aidé dans sa quête musclée par une section rythmique remontée comme jamais qui modèle riffs dissonants, la patte des derniers DEATHSPELL OMEGA n’est jamais très loin, et mélodies épiques ("Sýrulúður", "Vítisvilltur") : ALTARI vise dans le mille. Et lorsqu’il choisit de baisser le tempo et de laisser parler les émotions, comme sur le magnifique final de sept minutes "Grafarþögn", c’est pour mieux surprendre l’auditeur. Bourré d'accélérations abruptes et envoûtantes, la violence de son propos n'a d'égal que la mélancolie puissante qu'il injecte dans chacun de ses riffs. Le constat, une fois ces trente-cinq minutes bien trop courtes écoulées est ici sans appel : ALTARI fait preuve d’une maturité déconcertante, parvenant à assembler entre-elles des pièces d’un puzzle musical à priori insoluble pour en faire un ensemble cohérent. Bluffant !
Côté son, la production est quant à elle superbe, Stephen Lockhart alias "Wann" signe ici un travail riche de nombreux détails qui sied à merveille aux aspirations progressives du groupe. Sa forge du studio Emissary, où sont déjà passées de nombreuses pointures locales telles AUÐN, SINMARA, ZHRINE ou SVARTIDAUÐI, est décidément une terre sainte pour mettre en forme les plus sombres desseins. « Kröflueldar » est à ce titre une expérience troublante, à l’image de son artwork déjanté signé par le guitariste du groupe K.R.Guðmundsson, qui pourra laisser sur le bas-côté certains auditeurs. Mais à l’instar de ce que ses compatriotes SÓLSTAFIR ou KONTINUUM ont pu proposer sur certains de leurs albums, ALTARI a choisi de faire voyager son black metal AOC sur des contrées parfois surprenantes. Le pari était osé. Mais il est réussi...