Même au bout de 25 ans d’existence, on peut toujours redécouvrir de nouvelles facettes d’un groupe, d’une musique. Le projet solo belge VOCIFERIAN était de retour le 26 mai avec un nouvel album d’un black metal aux influences sombres et variées intitulé « L’Os qui Germe ». C’est donc son unique membre, Adrien Weber, qui nous parle de son contenu et de ce qui anime sa créativité.
Salut Adrien, et merci de répondre à quelques questions à propos de ton nouvel album, « L'Os qui Germe ». Tout d'abord, peux-tu nous présenter VOCIFERIAN pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?
VOCIFERIAN est un one-man band que j'ai créé il y a plus de 25 ans. L'expérience est née de la volonté de concrétiser mes compositions de manière autarcique, un besoin d'isolement afin d'imposer une vision propre avant toute chose. En d'autres mots, je suis aux commandes de tout le processus créatif et de son exécution. Selon les périodes, chaque album est apparu sous un aspect sonore et stylistique différent bien que conduit par l'axe principal du black metal. Du logo à la musique, VOCIFERIAN revêt des apparences bien distinctes au fil du temps, ces phases différentes ce sont succédées et aujourd'hui, le groupe revient à travers une nouvelle évolution au sein de sa discographie.
Comme tu le précises, tu n'es pas novice sur le scène metal extrême puisque VOCIFERIAN existe depuis 1998 et a déjà sorti six albums et trois EP. Mais « L'Os qui Germe » marque ton retour après une période de silence... Qu'est-ce qui t'a poussé à recomposer et t'investir dans de nouveaux titres ?
En effet, je suis engagé dans la scène depuis que j'ai 15-16 ans. Un certain nombre de productions ont vu le jour avec VOCIFERIAN, mais pas seulement, car je me suis investi dans bien des entités musicales au sein de l'underground (CONJÜRATÖR, LÜGER, ARCHAIC, GOATHOLOCAUST, ALIENANTE DAMNATION, EBAUCHE NOIRE, MACABRA...). Tout cela s'est produit sur une longue période, il est donc naturel de faire face à des zones de dépression créative. C'est un véritable sacerdoce quand est réellement habité par ce que l'on crée. En tant qu'artiste, je suis le medium d'un message dont je n'ai pas le contrôle. Le creux qui a précédé la composition de cet album n'a jamais été aussi intense, j'ai vécu une traversée du désert au sens propre. Je pensais vraiment en avoir fini avec VOCIFERIAN mais les choses se sont imposées à moi de manière écrasante et si je n'avais pas sorti « L'Os qui Germe » de moi, je ne sais pas à quelle extrémité cela m'aurait mené. Ce chemin de croix n'est pas encore arrivé à son ultime station.
Tu es seul dans ce projet. Doit-on comprendre que son concept est très personnel et qu'il représente une partie de toi ?
Comme je l'expliquais, avec le temps et l'âge, le voile a toujours été plus ténu entre ce que représentent VOCIFERIAN et moi, il est devenu le reflet de mon âme. Son propos a toujours été plus proche de mes convictions intimes. Ce qui en est révélateur, c'est que jusqu'alors, j'officiais sous le nom de Lord Genocide alors qu'aujourd'hui, c'est bien sous mon propre patronyme que je livre ce dernier album.
Parlons un peu du titre, intrigant. Quel est pour toi cet os qui germe ? Quelle en est la symbolique ?
Paradoxalement, je pourrais répondre à ta question en un seul mot mais je vais développer un peu plus. Il s'agit de résurrection, la renaissance après la mort, le terreau fertile que les cendres de toutes choses constituent afin de permettre le recommencement. C'est l'espoir qui germe en nous envers et contre tout quand nous pensons tout est perdu et pourtant, il persiste, inéluctable.
La musique de VOCIFERIAN est un mélange de black metal/hardcore old-school et de post-black/sludge très moderne. Quelles sont tes influences ?
Cet album est au croisement de tout ce qui me berce depuis l'adolescence, j'ai voulu fusionner ces influences de manière cohérente afin d'ériger une orientation différente. Ce qui m'importe de façon primordiale, c'est de proposer une identité propre et surtout pas de suivre un quelconque postulat prédéterminé. D'ailleurs, le format de l'album en est témoin.
L'album se compose de trois titres que l'on va détailler pour mieux cerner ce qui t'anime. Les deux premiers "Ecorce des Astres" et "De Nacre se Sacre le Temps" sont deux chansons de 15 minutes chacune, dont la musique est aussi apocalyptique que les paroles poétiques. L'ensemble est d'une grande noirceur. Peux-tu nous parler de ces morceaux qui semblent inspirés par de vieux mythes ?
"Ecorce des Astres" se développe à travers une sorte de prisme vampirique où l'emprise toxique fait entrave au soi. C'est aussi, par définition, cette surface spectrale une fois grattée du bout de l'ongle qui révèle l'âme à nu dans toute son innocence. Même si "De Nacre se Sacre le Temps" peut avoir certains échos lovecraftiens par son champ sémantique, ces deux longues pistes sont avant tout le reflet de mon état conscient et inconscient, la profondeur du désemparement et cette force antagoniste qui nous anime pour le combattre.
Les deux titres sont traduits en wallon, la langue de ton pays adoptif. Pourquoi ce choix ? Quelle importance accordes-tu aux mots, qu'ils soient en français ou en wallon? Leur résonance est-elle différente ?
Les sous-titres entre crochets des deux pièces principales sont en effet en wallon et soulignent des croyances populaires très locales. Un folklore qui cache la teinte d'une magie sombre, une tradition orale qui elle n'a rien de folklorique. Cet hermétisme ésotérique est un héritage que nous voulions fort, il est également suggéré dans des éléments des visuels de l'album et nous tairons leur sens ici, mais nous parlons bien de conjuration.
Dans ta voix, à la fois agressive et frénétique, on ressent une espèce d'urgence, comme si tu avais un message important à faire passer ou une colère à évacuer. Est-ce le cas ?
Il est évident que par l'oralité devait s'exprimer la souffrance comme la rage afin que cette purge soit cathartique et qu'elle résonne chez ceux qui peuvent l'entendre. Un prêche n'est rien s’il n'a pas de réceptacle sympathique. Effectivement, il y a la notion d'urgence vitale, ce besoin absolu de catéchiser.
Au contraire, les 3 minutes de l'acoustique "L'Homme-Île" sont minimalistes, à la guitare seule, et referment l'album de façon presque tragique. Tu peux nous en dire plus sur cet épilogue ?
C'est tout à fait l'idée, "L'Homme-Île", c'est l'être qui se referme sur lui-même, coupé de tout et de tous. A l'image d'une île dans la brume qu'on voit au loin mais qui ne se rapproche jamais. Autosuffisante mais tellement seule.
Comment envisages-tu l'avenir pour VOCIFERIAN ? Penses-tu te produire en concert ?
De ce point de vue, je pourrais répondre comme un punk, car à chaque nouveau matériel, je pense toujours que c'est le dernier et l'avenir m'a souvent donné tort. Le live ne fait pas partie de ma conception du one-man band et ce, depuis les débuts du groupe.
Je te laisse terminer cette entrevue par quelques mots pour nos lecteurs en te souhaitant le meilleur à venir.
Merci à toi et à HARD FORCE. « L'Os qui germe » n'est pas fait que de musique...
Vociferian.bandcamp.com