11 juillet 2023, 18:51

RUÏM

Interview Blasphemer

Quand un musicien aussi talentueux, aussi charismatique et aussi iconique que Blasphemer crée un nouveau projet qu'il affectionne tout particulièrement, il est intéressant de partager avec lui à propos de son concept. Avec RUÏM, le guitariste et ici chanteur du groupe nous offre un premier album d'un black metal aussi percutant qu'envoûtant : « Black Royal Spiritism - I.O Sino Da Igreja ». Alors quand, en plus, il fait preuve d'un enthousiasme profond pour sa musique, cela donne une entrevue des plus sympathiques et chaleureuses.
 

Salut Blasphemer ! Tout d'abord, laisse-moi te dire que c'est un honneur de pouvoir recueillir tes propos lors de cette entrevue. Comment vas-tu ?
Merci, très bien. Ce fut une journée bien chargée avec plein d'interviews mais c'est pour la bonne cause. Et c'est un honneur pour moi aussi de discuter avec les journalistes de mes projets. J'en suis toujours reconnaissant.

Tu es toujours aussi passionné par ce que tu fais qu'au début de ta carrière ?
Oui, bien sûr. Si je n'avais plus la passion, il serait inutile de continuer à faire de la musique. Il faudrait que je trouve un autre job ! Je dois cependant avouer que ce que je préfère dans tout le processus, c'est la composition de l'album. Mais ce doit être le cas pour tous les artistes.

Tu dois être fier de ce nouveau et merveilleux projet qu'est RUÏM et cet album génial que tu as composé qui s'intitule « Black Royal Spiritism – I.O Sino Da Igreja ». Comment t'es venue l'idée de ce nouveau groupe ?
En fait, c'est quelque chose que j'avais en tête depuis pas mal d'années et qui est devenu de plus en plus présent dans mon esprit. J'ai tendance à trouver que je dépends trop des gens autour de moi ces derniers temps, pour écrire un album, pour partir en tournée... Et en plus c'est moi qui m'occupe de tout la plupart du temps, je fais le lien entre les membres des groupes et les managers, les tourneurs... Alors quand je projette une tournée et que les gars me disent que non, ce n'est pas possible pour eux car ils ont déjà un concert prévu avec leur autre groupe, c'est juste usant. J'ai besoin de me concentrer sur un projet et être entouré de personnes qui font de même. Et en plus, avec la pandémie, on n'a plus eu l'occasion de voyager, ni de travailler avec personne. J'ai donc eu envie de boucler la boucle avec un projet de black metal extrême. C'est la combinaison de ces trois facteurs : être fatigué des gens, être dans l'impossibilité de tourner et avoir quelque chose de complètement dicté par ce que je ressens, de laquelle je contrôle chaque détail, chaque aspect. Et c'est ce que j'ai réussi à faire avec RUÏM !

Tu dois être très content d'avoir ta propre identité dans un groupe ?
Oui, c'est très important pour moi car je n'ai plus vraiment joué de black metal depuis que j'ai quitté MAYHEM en fait. J'ai fait quelques sessions en tant qu'invité mais je n'ai plus vraiment créé moi-même. Je peux donc maintenant imposer cette nouvelle entité que je trouve encore plus forte, avec un batteur très talentueux en plus. Je n'ai plus besoin d'être associé à mes anciens albums. C'est la fin d'un cycle et je recommence tout à zéro. C'est un peu comme une renaissance, tout en gardant un œil sur ce que j'ai fait dans le passé.

Tu sembles en tous cas très fier de RUÏM...
Oui, car j'y ai mis beaucoup d'énergie et d'efforts. Tu sais la plupart des gens pensent qu'être musicien n'est pas un travail. Pourtant, je sais le temps que j'ai passé à écrire cet album, je sais l'énergie que j'ai dû y mettre et je sais que j'en ai bavé, alors le voir sortir et vivre en fait, c'est une réelle fierté. Le black metal requiert un état d'esprit et de la conviction, il faut que tu y mettes de l'intention. Ce n'est pas quelque chose avec laquelle tu t'amuses. La musique est violente et extrême donc tout ton corps est investi.

Oui, il y a beaucoup de brutalité dans cet album mais il y a aussi des atmosphères lugubres, des passages plus chamaniques... C'est un album très profond, plus que du black metal, il contient un réel message...
Oui, merci. En effet, ce n'est pas seulement du black metal, sombre, ténébreux. Il contient de nombreuses nuances. Les interludes, les passages de batterie, les riffs répétitifs... il y a plein d'aspects à découvrir et tous font sens. C'est un reflet de ce que je suis en tant que personne car pour moi, il n'y a rien qui soit tout noir ou tout blanc. Le spectre entre les deux est tellement large ! Il y a tellement de nuances qu'il y a même des couleurs dans cet album. Je ne suis d'ailleurs pas forcément influencé par le metal car même si j'écoute bien sûr un peu de BATHORY ou du CELTIC FROST, je n'écoute pas du tout de metal extrême. J'écoute du rock progressif des années 70, ou du rock et gothic des années 80, ou KISS par exemple. Rien de moderne. Je n'ai rien à reprocher aux groupes d'aujourd'hui bien sûr, mais ce n'est pas ce qui fait sens pour moi.

De toute façon, comme tu le dis, ta musique est sans frontière. Est-ce qu'on peut la considérer comme une espèce de rituel à expérimenter ?
Un peu comme un baptême tu veux dire ? (rires). Je plaisante mais c'est une bonne question car en fait, je dois avouer que je ne fais de la musique pour personne à part moi ou quelque chose pour laquelle j'ai besoin de donner mon énergie ou des entités supérieures. Donc je ne fais pas en sorte de satisfaire mon public et je ne réfléchis donc pas en terme de résultats. Je ne veux bien sûr pas être à la radio et je sais exactement comment je veux que ma musique résonne. C'est la chose la plus importante. Je sais que c'est très particulier et que je peux sembler obsessionnel mais c'est ça qui me garde en vie dans la musique depuis si longtemps également.

Tu parlais de ton batteur, César Vesvre, qui est français. Comment l'as-tu rencontré et comment avez-vous décidé de travailler ensemble ?
Eh bien en fait, j'ai une espèce de fascination pour la France. J'adore votre pays dans lequel je voyage souvent. Notamment grâce à Season Of Mist depuis 22-23 ans.J'y viens régulièrement et je me sens vraiment connecté. Et quand j'étais en train d'écrire l'album, je voulais un gars qui pourrait mettre en valeur la musique et je l'ai trouvé en César. Il a apporté quelque chose qui n'était pas nordique ou portugais, il a apporté une vibration différente. Au départ, j'avais demandé à un ami de Paris, le guitariste de THAGIRION dans lequel joue César aussi, de me donner des noms de batteurs intéressants. Et il m'a tout de suite dirigé vers son batteur dont il a vanté les mérites malgré son jeune âge. Je suis donc ainsi entré en contact avec César. Il a vraiment apporté une touche différente, quelque chose d'inconnu peut-être pour moi. En fait, j'en ai marre de la scène norvégienne, de ce black metal typique qui vient de Norvège donc je ne voulais pas d'un musicien qui retranscrirait cette scène. Je voulais quelqu'un de plus européen de l'Ouest. En fait, j'étais déterminé à embauché un batteur français ! Je ne suis même pas sûr de pouvoir l'expliquer, c'était comme une intuition.

Une bonne intuition on dirait ! Parlons un peu du concept : que signifie RUÏM ?
Eh bien c'est un mot portugais, si tu enlèves le tréma sur le I. Il signifie alors "méchant, cruel", quelque chose comme ça. Mais je trouvais que la signification n'était pas assez forte alors j'ai voulu y apporter un tréma pour donner de la hauteur. C'est un nom très symbolique pour le groupe, une sorte de nom de famille qui englobe tout son concept. Mais il y a aussi un côté plus profond avec ce "Ï" qui serait comme la rune Eihwaz, la treizième lettre du vieil alphabet Futhark. Et j'ai aussi une grosse connexion avec le nombre 13 car je suis né un 13, j'ai grandi dans une maison au numéro 13, et le nombre 13 a vraiment été important dans ma vie. Il signifie aussi la renaissance et aussi mon héritage norvégien. Donc le mot en lui-même est très symbolique mais a aussi une dimension spirituelle même si spécifiquement, il ne veut rien dire en lui-même.

Est-ce qu'il a un lien avec la sorcellerie brésilienne autour de laquelle tourne l'album ? Comment as-tu découvert la pratique et cette tradition Umbanda ? C'est quand même très loin de la Norvège !
Oui, en effet ! Eh bien vers 2012, alors que je voyageais beaucoup, j'ai rencontré un médium qui m'a dit d'aller découvrir le Brésil et ses traditions. J'y suis allé et j'ai été fasciné par le folklore, les rituels, la tradition, l'usage des herbes, la médiumnité. J'ai ressenti une étrange connexion et j'ai voulu la rapporter ici, avec un contexte metal car je ne crois pas que d'autres groupes s'y soient penchés. C'est une chose très complexe et personnelle aussi. C'est sûrement pour ça que cet album est si profond, si important pour moi. J'aime bien sûr la mythologie nordique, qui est mon héritage mais j'ai découvert d'autres choses qui me semblent plus pertinentes pour moi aujourd'hui.


Tu utilises le portugais dans certains passages des différents titres de l'album. Est-ce une langue que tu maîtrises maintenant ?
Oui, je ne pourrai pas participer à un débat télévisé en portugais mais je sais me faire comprendre. Et surtout, je sais ce que je chante et j'en connais bien sûr chacune des significations. Et puis il y a certaines paroles qui sont prises d'incantations de divinités donc je ne les ai pas écrites moi-même. Mais les 70% que j'ai écrites en portugais sont correctes. Le reste est un hommage à la tradition brésilienne.

Est-ce que César, ton batteur, a pris part à la composition de l'album ou est-il simplement ton musicien ?
Non, il a eu une part active dans la structuration de la musique de RUÏM. Les riffs sont de moi, ainsi que les paroles mais il a imposé ses idées et on a vraiment travaillé en émulation. Et il participera activement à l'écriture des prochains albums.

L'album a été enregistré au Drudenhaus Studio en France. Etait-ce important pour toi de rester en France pour l'enregistrement ?
Au Portugal où je vis, il est difficile de trouver un studio car je ne sais pas ce qu'ils valent. Et ici, l'industrie musicale n'est pas considérée comme un travail donc c'est compliqué. Le seul groupe de metal ici qui vit de sa musique est MOONSPELL tu vois. Donc je voulais trouver un autre endroit pour enregistrer l'album. Et j'ai aussi besoin de sortir de ma zone de confort pour enregistrer car j'ai besoin d'un autre état d'esprit. Comme j'adore la France, on m'a suggéré le Drudenhaus studio avec lequel j'ai beaucoup accroché. Encore une fois, c'est comme quelque chose de naturel qui est venu. Il semble que je sois lié à la France !

Tout semble couler de source pour cet album en fait, tout semble si naturel...
Oui, c'est ce qui en a fait toute sa composition. Je voulais que ce soit comme une cascade, quelque chose qui coule naturellement. Je ne veux pas que ce soit trop intuitif mais il y a quelques passages très faciles d'accès et d'autres bien plus complexes. L'ensemble est très bien enregistré.

Tout est parfait sur l'album, il aura beaucoup de succès ! Tu y es préparé ?
Hehe j'espère ! Tu sais, j'ai déjà été sous le feu des projecteurs et je suis préparé à tout mais ce que je veux vraiment c'est que les auditeurs se retrouvent dans l'album qui n'est pas forcément ce à quoi ils s'attendent. Il leur faudra peut-être plusieurs écoutes pour tout apprécier, le chaos comme l'approche plus claire et atmosphérique. C'est un nouveau départ pour moi et c'est à nouveau pour ça que je suis content d'échanger avec toi sur le sujet aujourd'hui.

Et est-ce que tu penses pouvoir jouer live avec RUÏM ?
Probablement pas cette année, ni l'année prochaine mais dès que le deuxième album sera sorti – bientôt car je suis déjà en train de l'écrire- on fera une tournée en 2025 avec des festivals en Europe.

Merci encore pour ta gentillesse et ton professionnalisme...
Merci à toi, je vous dis à très bientôt et en attendant, bonne écoute de RUÏM !

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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