23 mai 2023, 9:00

GHOST

"Phantomime"

Album : Phantomime

Depuis 2013 et « Infestissumam », sa seconde réalisation, GHOST a pris l'habitude de sortir un EP entre deux albums. Comme c'est ici le cas avec « Phantomime », le quatrième de sa carrière, qui, contrairement à ses prédécesseurs (« If You Have Ghost » en 2013, « Popestar » en 2016 et, à un moindre degré, « Seven Inches Of Satanic Panic », un single 2 titres en 2019), n'est composé que de reprises. En début d'année, Tobias Forge, tête pensante et unique membre permanent du groupe, avouait d'ailleurs que son idée initiale était de proposer un album en bonne et due forme de neuf covers, dont une de MOTÖRHEAD adaptée au piano, "Distant Early Warning" de RUSH, ainsi qu'un titre de U2 et un des MISFITS. Avant, si l'on peut dire, de perdre la foi devant l'ampleur de la tâche, l'enregistrement ayant eu lieu dans la foulée de celui de « Impera » (2022). 

Une fois de plus, on peut apprécier à quel point le Suédois est passé maître dans l'art de s'approprier parfaitement des chansons qu'il n'a pas écrites pour en faire des morceaux qu'il aurait pu composer. Premier single et son clip "réservé à un public averti" qui a fait couler beaucoup d'encre (entre autres liquides), dévoilé à l'occasion du jour de Pâques : "Jesus He Knows Me". Un hit signé GENESIS, sorti en 1991, parfaitement "ghostifié" et qui promet de figurer parmi les moments forts du groupe en live. Et un sujet qui ne pouvait que séduire le chanteur irrévérencieux avec son texte satirique : les télévangélistes américains qui réclament de l'argent à leurs ouailles en échange d'une meilleure place aux côtés de leur Créateur, tout en multipliant scandales sexuels et financiers. Ce qui demeure d'actualité et qui, dans les années 90, a inspiré de nombreuses chansons ("Leper Messiah" de METALLICA, "Holy Smoke" d'IRON MAIDEN, "Send Me Your Money" de SUICIDAL TENDENCIES, "Miracle Man" d'Ozzy Osbourne, "Wooden Jesus" de TEMPLE OF THE DOG ou encore "Personal Jesus" de DEPECHE MODE...). A l'image de Jim DeFroque, nouveau personnage dans la galaxie GHOST, homme d'église défroqué... au sens littéral du terme. 

Autre réussite, la version de "We Don't Need Another Hero (Thunderdome)" de Tina Turner qui clôture « Phantomime ». Un hit (de 1985 celui-là) qui figurait sur la B.O. de Mad Max et le Dôme du Tonnerre, parfaitement remis au goût du jour et dont la partie de saxophone originale a été remplacée par un solo de guitare au son reconnaissable entre mille. Séquence nostalgie...

Mais le morceau le plus attendu était sans aucun doute "Phantom Of The Opera" d'IRON MAIDEN. C'est en effet la première fois que le chanteur, dont on connaît les multiples influences musicales mais qui demeure malgré tout toujours ancré dans un registre très hard pop, s'attaque à une cover d'un groupe heavy – exception faite, bien entendu, de "Enter Sandman" sur « The Metallica Black List » (2021), nettement plus "mainstream". Et pas n'importe lequel : un titre épique, à tiroirs, qui figure parmi les classiques de la Vierge de Fer, présent sur son premier album éponyme sorti en 1980 et chanté par Paul Di'Anno. Qui, fidèle à lui-même, s'est hâté de déclarer qu'il trouvait la version « à chier » avant de supprimer son post. Là encore, le défi est relevé haut la main, Fredrik Åkesson (OPETH) et Lars Johansson (CANDLEMASS) s'en donnant à cœur-joie dans les solos de guitare. Tobias s'est même permis un petit "twist" au niveau des paroles. Là où Steve Harris se plaçait du point de vue de la victime, le Suédois choisit de jouer le rôle du Fantôme qui hante les sous-sols de l'Opéra Garnier dans le roman de Gaston Leroux publié en 1910. « Je m'enfuis et je me cache dans mes rêves, tu es toujours là / Tu es le Fantôme de l'Opéra / Tu es le diable, tu n'es là que pour terrifier... » vs « Tu t'enfuis et tu te caches, dans tes rêves, je suis toujours là/ Je suis le Fantôme de l'Opéra... ». Contacté par le chanteur, le bassiste/compositeur et principal lyriciste des Anglais lui a donné sa bénédiction pour ce changement.
Une version proche de l'originale qui prend des airs d'hommage et, qui, hormis la voix de Forge, ne sonne pas comme du GHOST car trop éloignée du style musical de sa créature. Mais qui a le mérite de faire plaisir à bon nombre de fans, heureux de le voir s'aventurer sur un nouveau territoire musical. Et d'énerver aussi les haters qui n'ont pas grand-chose d'autre à faire dans la vie.

Plus anecdotique, "See No Evil" de TELEVISION, groupe punk arty new-yorkais, qui ouvre l’EP semble devoir sa présence à son titre, le maître de cérémonie ayant une nette préférence pour les reprises aux textes en rapport avec la religion, le Mal et les problèmes existentiels, soit le concept général de GHOST. Pas désagréable à écouter, loin de là, mais rien d’inoubliable. Quant à "Hanging Around" de THE STRANGLERS et son refrain entêtant, il est parfaitement adapté au son du groupe avec ses doubles guitares, ses synthés et ses chœurs. On appréciera au passage le clin d'œil au premier solo de Kirk Hammett dans "Fade To Black" des Four Horsemen. Mention spéciale au très bel artwork signé Hedi Xandt.

« Phantomime » est l'interlude idéal pour patienter un peu en attendant le successeur d'« Impera ». Car compte tenu de la montée en puissance de GHOST, il risque de se passer pas mal de temps avant que leur sixième opus, pas éponymous, tourne sur nos platines, physiques ou virtuelles. Mais peut-être aura-t-on droit d'ici là aux quatre autres reprises citées plus haut ?

Le groupe, dont la tournée française de 8 dates a débuté le 21 mai à Rouen, s'achèvera le 3 juin à Saint-Herblain. Allons communier, mes bien chères sœurs, mes bien chers frères. 

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK